Il apparaît ainsi clairement que la non réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs escomptés pour l'enseignement scolaire (primaire et secondaire) inhibe le potentiel de contribution de l'éducation dans la croissance et, plus généralement, dans le développement économique et social du Maroc. Ainsi, mis à part la généralisation presque achevée dans le primaire (près de 99% grâce notamment à l'amélioration sensible de la capacité d'accueil et aux mesures d'aides sociales comme le programme Tayssir ou la distribution gratuite de cartables et livres scolaires...), les taux nets de scolarisation au secondaire collégial et qualifiant sont insuffisants, respectivement près de 60% et 34%, avec des inégalités importantes de genre et entre les milieux (rural/urbain). En outre, les indicateurs de l'efficacité interne des enseignements primaire et secondaire montrent que les taux moyens de redoublement, d'abandon et d'achèvement des cycles sont très élevés. Cette situation explique d'ailleurs les déperditions scolaires très élevées si l'on considère que le système « éjecte » en moyenne plus de 400 000 élèves chaque année. Rappelons, à ce sujet, que l'UNESCO a constaté récemment l'important retard accusé par le Maroc dans la réalisation des objectifs, liés à l'éducation, du Programme du Développement Durable 2030 (ODD). Selon cet organisme onusien, les objectifs fixés concernant l'enseignement primaire ne seront atteints qu'en 2048 tandis que ceux relatifs au secondaire, ils ne seront atteints qu'en 2062 pour le collégial et en 2082 pour le qualifiant. Par ailleurs, les avancées réalisées en matière de formation professionnelle demeurent encore en deçà des attentes. Certes, le sous-système de la formation professionnelle insère plus de 64% de ses lauréats depuis 2000 et sa capacité d'accueil a été doublée sur une dizaine d'années, toutefois, il reste encore limité pour prendre en charge les flux massifs provenant du décrochage et de la déscolarisation. Le dispositif souffre également de la faiblesse du taux de rendement (importance des déperditions) et de la prédominance de la formation résidentielle au détriment de la formation par alternance ayant été recommandée par la charte. Concernant l'enseignement supérieur, il connait une «massification non régulée, avec des déperditions importantes qui entravent le développement des universités publiques». En dépit de cette massification, le taux de scolarisation dans l'enseignement supérieur est encore très faible, ne dépassant guère les 20% (plus de 70% au Chili et plus de 60% en Turquie). Quant à la recherche scientifique, elle souffre de carences endémiques liées notamment à la faiblesse des financements (la Dépense Intérieure brute de Recherche et Développement-DIRD n'a pas pu atteindre 1% du PIB prescrit par la Charte), à l'incohérence du cadre institutionnel et du dispositif de gouvernance et au nombre réduit de chercheurs. Il s'ensuit une production scientifique limitée aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. L'on peut dire, qu'après 60 ans d'indépendance du Maroc, l'objectif d'un système d'éducation et de formation réellement réformé et performant apparaît toujours comme un mirage qui se déplace au fur et à mesure que les échéances fixées par les réformes initiées se rapprochent. Corollairement, l'inefficacité interne du système éducatif marocain a conduit à un faible stock de compétences, tant générales que spécifiques et a eu, par conséquent, un impact négatif sur l'accumulation du capital humain. En somme, et comme beaucoup de pays en voie de développement, le Maroc demeure paradoxalement caractérisé à la fois par une sous scolarisation (généralisation non achevée), une mal scolarisation du fait de la faible qualité moyenne et par une sur scolarisation par rapport aux capacités de financement et d'absorption des sortants du système scolaire (taux de chômage des diplômés dépassant les 30%). Il est encore confronté, comme beaucoup de pays en développement, au dilemme devant concilier une pyramide des âges à base large conduisant à une population scolarisable plus importante et une faible création d'emploi dans le secteur moderne employant les scolarisés, notamment ceux du supérieur. Ainsi, les quelques avancées réalisées en matière d'éducation n'étaient pas en mesure de se traduire en termes de croissance économique qui est restée paradoxalement basse. Les explications plausibles du faible impact de l'éducation sont liées à sa qualité qui demeure trop faible (pour contribuer à la croissance et à la productivité), aux niveaux relatifs et non absolus des résultats éducatifs (les pays développés et émergents réalisent des résultats meilleurs et attirent en conséquence plus d'IDE) et aux inégalités sociales, territoriales et de genre qui traversent le système éducatif .