Les acteurs en présence sont composés de l'Etat, des capitalistes marocains et du capital étranger à travers essentiellement les multinationales. Ces acteurs fondent le capitalisme marocain dont le fonctionnement ne peut s'opérer sans l'institutionnalisation du salariat à travers le rapport capital-force de travail. Comme il a été souligné plus haut, ce champ renferme diverses contradictions au vu de la divergence objective d'intérêts des groupes en présence. Vu l'étendue de la question posée par le champ dépassant le cadre de cette étude, nous allons nous focaliser sur la question de la compensation industrielle qui s'inscrit au coeur de cette problématique. «Plus aucune importante commande n'est passée par l'Etat sans que le département de l'Industrie n'étudie la possibilité de compensation industrielle», avance le ministre de l'Industrie. L'Etat entend activer la compensation industrielle existant dans les textes depuis plusieurs années. «La compensation est aujourd'hui au centre des préoccupations du gouvernement que ce soit pour la Défense, l'OCP, la RAM ou encore l'ONCF», explique ledit ministre. Le plan d'accélération industrielle ambitionne via la compensation industrielle d'assurer au pays un véritable transfert de technologie s'inspirant des expériences de certains pays comme la Corée du sud qui a obtenu de la société française Alstom un transfert de technologie comprenant plus de 350 mille documents techniques contre l'achat d'un TGV ou encore la Tunisie qui a négocié la réalisation d'un projet industriel aéronautique Aerolia en contrepartie d'une commande de 19 Airbus , bien que ces deux exemples n'ont rien avoir de commun pour qu'ils puissent être comparables. Examinons très brièvement ces deux exemples. En effet, dans le cas coréen, il s'agit du KTX (ou «Korea Train eXpress»), le TGV qui avait été vendu en 1994 à la Corée du Sud par l'entreprise française Alstom. À l›époque, le contrat, d›un montant de 12 milliards de francs (1,8 milliard d›euros), avait été remporté par Alstom face aux concurrents, l'allemand Siemens et le japonais Mitsubishi. Il avait été assorti de très sérieuses exigences en matière de transferts de technologies : sur 46 rames vendues, 34 ont été fabriquées en Corée du Sud. Le transfert de technologie apporté par ALSTOM concernait à la fois la fabrication du matériel roulant et la formation technique ainsi que l›assistance aux ingénieurs Coréens. Une partie de la formation a été effectuée en France (portant notamment sur la fabrication et les essais de composants clés, le contrôle de qualité). Le transfert de technologie comprenait aussi l›assistance technique apportée par des ingénieurs Français aux entreprises coréennes. En parallèle, dès 1996, la Corée du Sud lance un vaste programme de développement, afin de mettre au point son propre train à grande vitesse, le futur KTX-II. 120 millions d›euros seront investis, selon les chiffres du Korea Railroad Research Institute (KRRI). La Corée du sud fonde sa politique de développement technologique sur la maîtrise des technologies occidentales consistant à remplacer les pièces et composants d'origine importés par des éléments développés localement. Cette méthode a été prouvé son efficacité dans une multitude de secteurs tels que les semi-conducteurs, l'automobile, ou le nucléaire. Aujourd'hui, la Corée du sud passe à la troisième génération des trains à grande vitesse avec le développement de l'HEMU-400X qui constitue une nouvelle étape dans ce processus de «coréanisation » des technologies ferroviaires. A travers ces deux exemples, il apparait qu'un véritable transfert de technologie ne peut se réaliser que si le pays bénéficiaire dispose d'une infrastructure scientifique et technique lui permettant de maîtriser la technologie importée. La Corée du Sud contrairement à la Tunisie a opté pour un modèle de développement basé sur la maîtrise progressive de la technologie s'inspirant de celui adopté par le Japon auparavant. Cette voie a inspiré d'autres pays asiatiques comme Taiwan et la Chine. A défaut d'une base scientifique et technologique robuste, une économie sous-industrialisée non seulement n'arrive pas à tirer profit du transfert technologique mais aussi ses industriels locaux risquent d'être exclus de l'effet inclusif attendu des investissements directs étrangers. Dans le cas du Maroc, de l'aveu même de certains responsables d'associations industrielles, les entreprises industrielles marocaines ne bénéficient pas assez des grands projets lancés dans le cadre des écosystèmes industriels.