Des cinéastes et chercheurs du monde du septième art, connus et reconnus sur la scène artistique nationale, se sont réunis mardi à Fès pour disséquer, avec délicatesse et courtoisie, la thématique de la représentation des femmes dans le cinéma marocain. Invités par l'université Sidi Mohammed Ben Abdellah, les conférenciers ont été confrontés, tout au long du débat, à une série de questions qui reviennent, avec acuité, chaque fois que la présence de la touche féminine est, plus ou moins, dominante dans les films marocains. Le fil conducteur des débats vacillait entre spécificités féminines du discours cinématographique, représentations socio-culturelles de la "douce moitié" dans le septième art national et perspectives réelles de la relation femme-cinéma sur fond d'émergence d'une génération de femmes n'hésitant pas à embrasser la carrière cinématographique, domaine jadis réservé aux hommes. Le critique du cinéma et responsable au centre cinématographique marocain, Mohamed Bakrim, a choisi d'aborder la question de la sensibilité que revêt la présence de la femme dans le discours cinématographique, à travers l'expérience de la réalisatrice Yasmine Kassari dans son court-métrage " Quand les homme pleurent " et, surtout, dans son long-métrage " l'enfant endormi " ou Erragued. L'intervenant s'est longuement attardé, dans ce sens, sur la spécificité de l'approche féminine du temporel, la recherche continue de l'émancipation par le surpassement du corps et l'impact de l'absence d'une présence masculine sur la vie et l'imaginaire de la femme marocaine. La réalisatrice Leila Triki refuse, quant à elle, de parler de spécificité féminine ou masculine dans le traitement des films, dits de femmes. Elle dénonce, à cet effet, une dissociation figée et injuste qui repousse les critères de créativité à un degré moindre. Même si elle concède que le cinéma féminin peut revêtir des spécificités d'ordre purement biologique, la réalisatrice reste catégorique quant à la non-sélectivité des normes de création. Le critique Abdelilah Jaouhari a préfèré, quant à lui, pointer du doigt " l'emprisonnement " de la femme marocaine dans le moule de la désirée, de l'être faible, de la malicieuse et de la sentimentale, contre l'image de l'homme fort, viril et aventurier. Une conception qui ne fait, selon lui, que prendre de l'ampleur avec " la vague de la chasse au public " dans le cinéma commercial au Maroc. M. Jaouhari a estimé aussi que les rôles attribués à la femme dans de nombreuses expériences cinématographiques marocaines ont été caractérisés par " la précarité et la réductibilité ", ajoutant, que l'approche du corps féminin est tombée, malheureusement, dans le piège du simplisme et de l'immaturité. Le réalisateur Mohamed Chrif Tribak a évoqué, dans son intervention, sa quête perpétuelle de bons exemples féminins, comme il les a vécus dans son enfance, en s'efforçant de " chasser " la conception masculine dans le traitement des relations sociales dans les œuvres cinématographiques. L'intervenant a souligné, à cet effet, que l'imaginaire arabe, même dans ses expressions les plus progressistes, a toujours traité la femme comme objet ou métaphore, et non pas comme être à part entière. Le public des étudiants et cinéphiles présents a pu suivre et débattre, à cette occasion, de trois courts-métrages : " encre en sang " et " la vie continue " de Leila Triki et " Balcon atlantico " de Mohamed Chrif Tribak. Cette journée cinématographique a été, en outre, marquée par un hommage rendu au poète Abderrahmane Tenkoul, ancien doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de Dhar Lmahraz de Fès et actuel président de l'université Ibno Toufail de Kenitra, en reconnaissance à ses riches contributions aussi bien en tant que responsable universitaire qu'écrivain et homme de lettres aux créations débordantes.