Nous vivons dans un monde obsédé par l'instant. La vitesse est devenue vertu, la réaction prime sur la réflexion, et l'oubli immédiat sur la mémoire structurante. Les Etats modernes gouvernent par sondage, réagissent aux flux numériques, changent de cap au gré des humeurs populaires. Les entreprises adaptent leurs stratégies aux indicateurs trimestriels. Les alliances internationales se modulent sur le court terme, sans loyauté ni vision. Dans ce vacarme de l'éphémère, une question s'élève : peut-on encore penser l'Histoire à l'échelle de mille ans ? Peut-on concevoir un pouvoir, une nation, une civilisation capable de traverser les siècles ? Ou bien sommes-nous condamnés à vivre dans la poussière du présent ? Ce que dure veut dire L'Histoire est balisée de puissances qui ont duré, et de puissances qui ont brûlé vite. L'Empire romain d'Occident a tenu cinq siècles, l'Empire byzantin plus de mille. L'Empire ottoman a survécu six siècles. La dynastie impériale chinoise Zhou a gouverné presque 800 ans. À l'inverse, l'URSS s'est effondrée en 70 ans malgré son gigantisme. Le Troisième Reich a tenu 12 ans. Les Etats-Unis eux-mêmes, jeunes dans l'Histoire, vacillent sous les tensions internes. La durée est une forme de puissance. Non pas une puissance conquérante, mais une puissance d'endurance, d'adaptation, de résilience. Elle demande une vision civilisatrice, une légitimité profondément ancrée, et une capacité à se réinventer sans se renier. Lire aussi : Le Maroc, Royaume diplomate : Huit siècles de constance souveraine Les empires n'ont pas disparu : ils ont changé de forme Il est illusoire de croire que les empires sont morts avec le colonialisme. Ils ont simplement changé de contours : économiques, numériques, idéologiques. La Chine déploie un empire d'influence par la dette et les infrastructures. Les Etats-Unis imposent leur pouvoir par les données, la monnaie, et la langue. L'Europe tente de résister par le droit, mais reste un empire fragmenté. La Russie, quant à elle, poursuit une logique impériale post-soviétique, où l'obsession du territoire l'emporte sur la prospérité. L'Afrique, prise entre ces tensions, oscille entre dépendance et aspiration à la souveraineté. Mais parmi ces empires fonctionnels ou moribonds, une figure demeure : celle de l'Etat-civilisation. L'Etat-civilisation : matrice d'une souveraineté lente Certains Etats ne sont pas des créations administratives. Ils sont des continuités historiques, des territoires symboliques, des communautés de mémoire. La Chine, l'Iran, l'Inde, la Turquie, le Maroc : autant d'exemples d'Etats-civilisations ayant traversé les siècles en conservant leur ossature identitaire, religieuse, culturelle. Leur force réside dans leur temps long : ils ne réagissent pas à l'actualité, ils l'absorbent. Ils ne se définissent pas par un régime, mais par une profondeur de matrice. Ils peuvent changer de forme (dynastie, empire, république), mais l'essentiel demeure : la conscience de durer. La Monarchie marocaine, une architecture du temps Le Maroc est l'un des très rares pays au monde dont la continuité dynastique et territoriale remonte à plus de douze siècles. La monarchie n'y est pas décorative ni absolue. Elle est organique. Elle est le point d'équilibre entre tradition et modernité, enracinement et projection. La dynastie alaouite n'a pas seulement survécu : elle a transformé le Maroc, en le préservant des coups d'Etat, des effondrements, des éclatements. Sa Majesté le Roi Mohammed VI incarne une monarchie réformatrice, souveraine, stratège, connectée à l'Afrique, à l'Europe, et au monde. Ce n'est pas un pouvoir qui cherche l'éternité par dogme. C'est un pouvoir qui pense la durée comme projet politique. Les régimes fragiles face au défi de la durée Les régimes dits modernes — républiques parlementaires ou présidentielles — souffrent d'un mal de la précipitation. Ils gouvernent selon l'agenda électoral, la pression médiatique, le chantage des marchés. Ils n'ont plus de cap sur 50 ans, encore moins sur 500. Le Maroc, à l'inverse, peut se projeter. La monarchie garantit une verticalité temporelle qui permet des projets comme : la transition énergétique à l'échelle d'un demi-siècle, la diplomatie africaine sur plusieurs générations et le maintien d'une identité religieuse et culturelle stable. Mille ans, c'est une méthode Penser à mille ans ne veut pas dire ignorer le présent. Cela veut dire : * Refuser les paniques passagères, * Construire au lieu de colmater, * Gouverner en profondeur, * Incarner une continuité plus forte que les partis, les modes ou les fracas. C'est la différence entre un pouvoir de circonstance, et un pouvoir de civilisation. Entre une parole qui expire, et une mémoire qui fonde. Le Maroc, matrice vivante de continuité Dans ce siècle instable, le Maroc n'a pas besoin de s'inventer une identité. Il l'habite. Il n'a pas besoin de faire spectacle de son autorité. Il l'exerce avec régularité. Il n'a pas besoin de chercher des modèles étrangers. Il les dialogue sans se trahir. Ce pays, en silence, construit une souveraineté qui dure, dans un monde où tout se délite. Et cela, dans l'époque des tweets et des tremblements, est peut-être le signe ultime d'une puissance d'empire — non pas par la force, mais par le temps.