En pleine recomposition des équilibres alimentaires mondiaux, le Maroc poursuit discrètement sa diplomatie financière en faveur des territoires ruraux. Le Fonds international de développement agricole (FIDA) a annoncé, mercredi 14 mai, la conclusion d'une nouvelle opération avec Bank Al-Maghrib, portant sur une obligation durable d'un montant de 150 millions de dollars, soit près de 1,47 milliard de dirhams. Il s'agit de la deuxième souscription en moins d'un an par l'institution marocaine auprès du FIDA, scellant une relation vieille de plus de quatre décennies. L'opération, d'une maturité de dix ans, porte à onze le nombre total d'obligations durables émises par l'agence onusienne dans le cadre de son programme de financement du développement. En l'espace de dix mois, Bank Al-Maghrib aura ainsi injecté près de 2,5 milliards de dirhams dans ce mécanisme, après une première émission en juillet 2024 d'un montant de 100 millions d'euros. Loin d'être un simple geste financier, cet engagement est salué comme un acte stratégique par le FIDA, qui y voit la confirmation d'une alliance patiemment construite. « Le renouvellement de la confiance de Bank Al-Maghrib nous honore tout particulièrement », a déclaré Natalia Toschi, responsable du financement du FIDA. Une fidélité d'autant plus précieuse à l'heure où les crises alimentaires, climatiques et géopolitiques fragilisent les chaînes d'approvisionnement mondiales. Lire aussi : Le CESE alerte sur le sous-financement de l'agriculture familiale Pour la Banque centrale marocaine, cette opération s'inscrit dans une démarche de responsabilité sociétale qui dépasse les frontières nationales. « La Banque centrale marocaine s'inscrit dans une démarche de responsabilité sociétale en parfaite adéquation avec nos principes fondateurs », a ajouté Natalia Toschi, soulignant une convergence de visions entre Rabat et Rome, siège du FIDA. Le Maroc, partenaire de référence du FIDA en Afrique Depuis 1979, le Maroc s'est imposé comme l'un des partenaires les plus constants du FIDA. En un peu plus de quarante ans, seize programmes de développement rural ont été déployés à travers le Royaume, mobilisant plus de 1,7 milliard de dollars et bénéficiant à quelque 700 000 ménages, principalement dans les zones montagneuses et reculées. L'actuel portefeuille actif, structuré autour de trois projets pour un montant de 250 millions de dollars (2,45 milliards de dirhams), aligne parfaitement ses priorités sur la stratégie nationale « Génération Green 2020-2030 ». Le focus est clair : soutenir les femmes, les jeunes, et renforcer la résilience des petits exploitants face aux aléas climatiques et économiques. « Le Maroc s'illustre non seulement par l'ampleur de son engagement, mais aussi par la lucidité de sa vision en matière d'agriculture, de résilience climatique et de développement territorial », a salué Donal Brown, vice-président adjoint du Département des opérations du FIDA. Au-delà du Maroc, les fonds levés alimenteront les projets du FIDA à l'échelle mondiale, au service d'une transformation structurelle des campagnes. Car l'enjeu est de taille : plus de trois milliards de personnes vivent dans les zones rurales des pays en développement, dont une majorité dépend de l'agriculture de subsistance. Or, malgré leur rôle clé dans la production alimentaire, ces petits exploitants figurent parmi les plus démunis : 80 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont rurales. Une vulnérabilité criante, alors que près de 730 millions d'humains souffrent actuellement de la faim, soit une personne sur onze sur la planète. Face à ce constat alarmant, le FIDA défend une ligne de rupture : faire de l'agriculture paysanne un levier économique, social et environnemental. Chaque dirham investi dans les exploitations familiales est présenté comme une réponse directe à plusieurs Objectifs de développement durable (ODD), en particulier l'élimination de la pauvreté (ODD1) et de la faim (ODD2).