Le notariat marocain a soufflé ses 100 bougies à Rabat, les 13 et 14 mai 2025, dans une ambiance mêlant fierté du chemin parcouru et espoir pour l'avenir. Loin d'être une simple célébration, cet anniversaire a servi de tremplin pour repenser une profession en pleine mutation. Formation, transition numérique, sécurité juridique... autant de défis au cœur des discussions, alors que la réforme tant attendue refait surface avec l'ambition de donner un nouveau souffle à ce pilier discret mais essentiel du système juridique. Les 13 et 14 mai 2025, la capitale Rabat a accueilli les célébrations du centenaire du notariat marocain. Un événement à forte charge symbolique pour une profession qui se projette résolument vers l'avenir. Actuellement composée de 1 838 notaires, la profession traverse une phase charnière, entre fidélité à ses fondamentaux et volonté d'adaptation aux nouveaux défis juridiques, technologiques et économiques. Le centenaire a ainsi servi de tribune pour relancer un débat longtemps resté en suspens : la révision du cadre législatif régissant le notariat. La loi n°32-09, en vigueur depuis novembre 2012, est considérée comme dépassée par une majorité d'acteurs de la profession. Plusieurs ministres de la Justice s'y sont intéressés par le passé sans concrétiser une réforme en profondeur. Le manque de textes d'application, notamment ceux concernant la fixation des honoraires et la création d'un institut de formation dédié, a été un frein majeur à la modernisation effective du secteur. Mais les lignes semblent bouger. Lors de cet anniversaire, le ministre de la Justice, M. Abdellatif Ouahbi, a annoncé que le projet de réforme a été transmis le 7 octobre 2024 au secrétariat général du gouvernement. Actuellement en phase finale d'examen, il devrait bientôt être soumis au Conseil du gouvernement, avant de passer par la case parlementaire. Ce projet est attendu comme une réforme de fond, et non de simple ajustement. Lire aussi : Réforme des EEP : les raisons du nouveau code Parmi les changements proposés figure un relèvement du niveau de formation exigé pour accéder à la profession. Alors qu'un diplôme de licence (Bac+3) est actuellement suffisant, le projet prévoit d'exiger un master (Bac+5). Cette mesure, soutenue depuis 2015 par l'Ordre national des notaires, vise à aligner le cursus de formation des notaires sur celui des avocats et autres professions du droit. Elle marque la volonté de professionnaliser davantage le secteur, en le dotant de compétences renforcées. La réforme ne s'arrête pas là. Elle prévoit également la création d'un institut national de formation professionnelle dédié au notariat. Cette structure, dont l'ouverture est envisagée à l'horizon 2026, viendrait structurer la formation initiale et continue des notaires. Bien que la loi actuelle prévoie déjà un stage de quatre ans, dont une année en institut, cette disposition est restée lettre morte faute de l'existence d'un institut dédié. L'institut devrait permettre de standardiser les pratiques, renforcer les compétences et mieux accompagner les nouveaux entrants dans la profession. Autre dimension majeure de cette réforme : la modernisation des outils et méthodes de travail. Le projet prévoit l'intégration progressive de l'intelligence artificielle (IA) dans les processus notariaux, notamment pour la rédaction des actes et la gestion des dossiers. Si les modalités pratiques restent à définir, cette évolution marque un tournant technologique qui pourrait transformer en profondeur l'exercice de la fonction notariale. Le ministre de la Justice a souligné que l'adoption des outils numériques et des technologies intelligentes est incontournable pour que le notariat ne soit pas marginalisé dans un environnement juridique en pleine mutation. La réforme introduit également des garanties supplémentaires pour sécuriser la pratique notariale. Les notaires sont de plus en plus exposés aux risques liés à la falsification de documents ou à la communication d'informations erronées par les clients. Des dispositifs de protection juridique renforcés sont donc prévus, afin de préserver la responsabilité et l'intégrité des professionnels dans un contexte de complexification des opérations. Sur le plan institutionnel, le Conseil national de l'Ordre des notaires devrait voir ses attributions élargies et son autorité consolidée. Cette montée en puissance vise à doter la profession d'une gouvernance plus forte, capable de mieux encadrer l'activité notariale, d'en assurer la déontologie et d'en promouvoir l'éthique. Dans cette même logique, la question de la représentativité des femmes est mise en avant. Celles-ci représentent aujourd'hui 47 % de la profession, soit 859 notaires, et la réforme souhaite refléter cette dynamique dans les organes de décision. Enfin, le notariat marocain est de plus en plus impliqué dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Certains professionnels recourent à des outils de machine learning pour détecter les opérations suspectes. Les déclarations de soupçon sont transmises à l'Autorité nationale du renseignement financier à travers la plateforme sécurisée Tawfiq+, qui centralise les données et facilite leur interconnexion avec d'autres institutions publiques. Ce dispositif témoigne de la responsabilité croissante des notaires dans la préservation de l'intégrité financière du pays. Ainsi, au terme de son premier siècle d'existence, le notariat marocain ne se contente pas de célébrer son héritage. Il amorce un virage stratégique vers plus de compétence, plus de sécurité et plus d'innovation. La réforme attendue pourrait donner un nouvel élan à cette profession clé du système juridique, en l'inscrivant pleinement dans les exigences du XXIe siècle.