L'élargissement du groupe des BRICS en 2024, avec l'adhésion de l'Egypte et de l'Ethiopie, a suscité l'espoir d'un rééquilibrage de la gouvernance mondiale au profit du Sud. Mais sur le continent africain, les attentes se heurtent à des désillusions. Entre ambitions contrariées, inertie diplomatique et fractures régionales, l'Afrique peine à faire entendre une voix commune sur l'échiquier global. Présenté comme une alternative au G7 et aux institutions dominées par l'Occident, le groupe des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – a accueilli en 2024 six nouveaux membres, dont l'Egypte et l'Ethiopie. Cette élargissement, voulu comme un signal fort en faveur du Sud global, a renforcé les attentes africaines d'une représentation plus équilibrée dans la gouvernance économique et stratégique mondiale. Mais dans les faits, l'asymétrie entre les membres historiques et les nouveaux entrants se confirme. L'axe Pékin-Moscou-New Delhi continue d'imprimer l'agenda stratégique du groupe. L'Afrique du Sud, membre fondateur, reste marginalisée dans les grands arbitrages. L'Egypte, très insérée dans d'autres alliances (Ligue arabe, Union africaine, Forum Chine-Afrique), adopte une posture prudente. Quant à l'Ethiopie, fragilisée par une guerre civile récente, elle ne dispose pas encore d'un poids diplomatique suffisant. Le sommet de Johannesburg en août 2023 a illustré ce déséquilibre : les débats ont éludé les grandes crises internationales, notamment la guerre en Ukraine ou la montée des tensions au Moyen-Orient, pour se concentrer sur des questions techniques comme la dédollarisation ou la réforme du FMI – sans retombées immédiates. Une posture jugée trop prudente, voire inconsistante, pour incarner une véritable contre-architecture mondiale. Lire aussi : Maroc-BRICS : Va-t-on vers une reconfiguration géopolitique ? Créé en 2004 pour renforcer la capacité du continent à répondre aux crises, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine devait être le pilier diplomatique de l'Afrique. Vingt ans plus tard, son mutisme sur les grands dossiers géopolitiques interroge profondément. Aucune réunion d'urgence n'a été convoquée par le CPS en 2024 sur des sujets majeurs comme les bombardements à Gaza, les frappes israéliennes sur l'Iran, ou encore les tensions croissantes entre l'Inde et le Pakistan. Même la guerre en Ukraine, qui a bouleversé les équilibres mondiaux et affecté directement les économies africaines (hausse des prix de l'énergie et des céréales), n'a suscité que des déclarations générales, sans ligne diplomatique propre, ni initiative concertée. Les freins sont nombreux : absence de financement autonome, rotation rapide des membres, dépendance à l'UE pour les missions d'intervention, mais aussi désaccords entre grandes puissances africaines qui affichent des visions divergentes sur les priorités de sécurité, rendant toute position commune difficile à formuler.