Les cimenteries de LafargeHolcim Maroc ne se contentent plus de produire du ciment : elles incarnent désormais un laboratoire grandeur nature de la transition énergétique du Royaume. Objectif affiché par le groupe : rendre l'industrie de la construction plus propre, plus sobre, et plus circulaire. Reportage au sein d'un site en pleine mutation. Un site à la croisée des ambitions climatiques et industrielles, c'est le cas de celui de LafargeHolcim Maroc situé à Fès, qui dans le sillage de sa feuille de route développement durable lancée en 2022, s'engage dans une stratégie de décarbonation à large spectre. L'ambition se traduit concrètement par la réorganisation progressive de toute la chaîne de production. « Nous avons identifié quatre piliers majeurs qui structurent notre feuille de route : rendre nos opérations vertes, mieux construire avec moins, promouvoir la durabilité et accélérer la circularité dans la construction », rappelle Zouhair Elhajji, directeur du développement durable du groupe. À LafargeHolcim Maroc, les lignes de production ont été repensées pour réduire leur impact environnemental. Entre 2023 et 2024, les émissions de CO2 par tonne de ciment vendue ont ainsi diminué de 7,5 %. « Ce résultat n'est pas un hasard. Il est le fruit d'un travail d'optimisation du facteur du clinker de nos usines et du développement de produits bas carbone comme EcoPlanet et EcoPact, qui permettent de réduire jusqu'à 30 % les émissions par rapport à un ciment courant », détaille Elhajji. Cette baisse des émissions repose sur une stratégie énergétique multiple. Sur le plan thermique, l'ensemble des usines affiche désormais un taux de substitution des combustibles fossiles de 25 %. À travers sa filiale Geocycle, LafargeHolcim Maroc injecte dans ses fours des combustibles alternatifs issus de déchets industriels ou ménagers, réduisant la dépendance aux ressources fossiles. « Nous avons gagné cinq points de substitution par rapport à 2023 », se félicite Elhajji. L'électricité n'échappe pas non plus à cette mue. Dans tous les autres sites du groupe, la part d'énergie renouvelable dans la consommation électrique atteint désormais 90 %, notamment grâce au parc éolien de Tétouan et aux contrats d'achat d'électricité verte (PPA) conclus avec des producteurs privés. Les centrales à béton, quant à elles, sont progressivement dotées de panneaux photovoltaïques. L'eau, autre front de la transition Moins visible que le carbone, la question de l'eau est tout aussi cruciale. Dans un contexte national marqué par le stress hydrique, LafargeHolcim Maroc a placé la sobriété hydrique au cœur de ses priorités. La consommation d'eau douce a été réduite de 20 %, atteignant en 2024 le seuil de 58 litres par tonne de ciment produite sur l'ensemble des sites de LafargeHolcim Maroc. Cette performance résulte d'un pilotage affiné des usages, de la réutilisation des eaux grises, mais aussi de l'investissement dans des circuits fermés. À LafargeHolcim Maroc, l'approche circulaire n'est pas un slogan. C'est une réalité industrielle incarnée par les solutions dédiées à la gestion des déchets de chantier et des matériaux de démolition CDM (Construction and Demolition Materials). « Nous ne sommes plus simplement un fournisseur de ciment ou de béton, nous intervenons sur l'ensemble du cycle de vie d'un projet de construction », insiste Zouhair Elhajji. De la conception à la démolition, LafargeHolcim Maroc déploie des solutions visant à refermer les boucles matérielles, notamment à travers le recyclage en granulats ou en matière première de substitution. Cette logique s'applique aussi à l'innovation produit. Les gammes EcoPlanet et EcoPact ne sont pas de simples innovations marketing : elles traduisent une volonté d'intégrer l'ensemble de la chaîne de valeur – formulation, logistique, mise en œuvre – dans une trajectoire bas carbone. Entre contraintes et leviers d'avenir Pour autant, la trajectoire n'est pas exempte de défis. L'intégration massive de combustibles alternatifs se heurte à des difficultés logistiques persistantes : accès irrégulier à certaines ressources, normes strictes, manque d'infrastructures locales adaptées au prétraitement des déchets. Côté énergies renouvelables, l'intermittence des flux et la dépendance aux PPA complexifient la planification industrielle. « Nous avançons, mais il faut accompagner le développement de filières locales solides pour la valorisation énergétique », confie un ingénieur du site. Face à la pression croissante des normes nationales et internationales, le groupe a renforcé ses mécanismes de traçabilité et de transparence. Des audits réguliers, une gouvernance renforcée autour des objectifs ESG, et des partenariats avec les autorités locales sont autant de dispositifs mis en place pour asseoir la crédibilité de la démarche. « Nous suivons des indicateurs précis, audités et partagés avec nos parties prenantes », précise Elhajji. Dans un contexte national marqué par les grands chantiers à venir – notamment ceux liés à la Coupe du Monde 2030 – LafargeHolcim Maroc entend démontrer qu'industrie lourde et durabilité ne sont pas incompatibles. Mieux encore, l'entreprise revendique un rôle moteur dans cette mutation, en conciliant performance économique et responsabilité climatique. Cette ambition se donne à voir dans le moindre détail. Sur les lignes de production, dans les salles de contrôle, mais aussi dans les démarches locales avec les collectivités, une même dynamique prévaut : faire du ciment non pas un symbole de pollution, mais un levier de transformation. Une promesse encore en construction, mais déjà bien ancrée dans le sol marocain. 2024, une année charnière vers la décarbonation En 2024, LafargeHolcim Maroc a franchi un cap décisif dans sa transition vers une industrie cimentière durable. À travers une réduction significative de ses émissions de carbone, une consommation accrue d'énergies renouvelables et une dynamique d'innovation produit, l'entreprise s'est affirmée comme un acteur pionnier de la décarbonation industrielle au Maroc. Malgré une baisse des exportations de clinker, LafargeHolcim Maroc a maintenu une bonne dynamique financière. Le chiffre d'affaires s'est établi à 8,155 milliards de dirhams, un niveau quasi stable par rapport à l'année précédente (-0,7 %). Cette résilience s'est traduite par une hausse de 10,6 % du résultat d'exploitation, atteignant 3,294 milliards de dirhams, et un bond du résultat net à 1,826 milliard de dirhams, soit une progression de 18 %. Le dividende proposé, fixé à 70 dirhams par action, illustre la confiance des dirigeants dans la stratégie long terme et dans la création de valeur pour les actionnaires. Valorisation énergétique des déchets L'économie circulaire constitue un autre pilier central de la stratégie environnementale du groupe. Sa filiale Geocycle a renforcé la valorisation énergétique des déchets industriels, atteignant 25 % de substitution thermique grâce à l'intégration de combustibles alternatifs. Ce choix stratégique permet de réduire l'usage des énergies fossiles tout en donnant une seconde vie à des déchets auparavant non valorisés. À l'échelle du groupe, Holcim a recyclé 14,7 millions de tonnes de déchets en 2024, confirmant sa volonté de faire de l'économie circulaire une norme industrielle. LafargeHolcim Maroc poursuit également sa montée en gamme grâce à une offre élargie de ciments bas carbone commercialisés sous la bannière ECOPlanet. Ces produits innovants sont conçus pour répondre aux besoins spécifiques du marché local. Le ciment ECOPlanet CLC (A) PM ES, lancé en 2022, cible les environnements techniques exigeants. Les références CPZ‐55 et CPZ‐45 sont destinées au génie civil et au béton conventionnel. L'année 2023 a vu le lancement à Oujda du premier ciment vert en sac, baptisé ECOPlanet Blindé. À cela s'ajoutent le SWARI 45 à usage multiple, et Perfecto, un ciment dédié à la maçonnerie, qui permet une réduction des émissions de CO2 de l'ordre de 35 %.