Selon une note confidentielle révélée par Le Canard enchaîné, les autorités françaises s'inquiètent d'une campagne de désinformation menée depuis l'Algérie, visant à influencer l'opinion publique en France. Une recrudescence d'activités numériques suspectes, associée à une montée des tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie, alerte les services français. Dans une note confidentielle transmise à Matignon le 25 juin 2025, et révélée par Le Canard enchaîné dans son édition du 16 juillet, le service Viginum – chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères – fait état d'« une activité numérique malveillante perpétrée par une armée de faux comptes et de fausses identités numériques ». Cette opération viserait directement la France et serait attribuée à « un réseau de trolls localisés en Algérie » et « coordonnés », selon les termes employés dans le document. Ce réseau aurait été particulièrement actif au cours des six derniers mois, avec pour objectif principal de relayer massivement des contenus hostiles aux autorités françaises et de favoriser la propagation de récits complotistes sur les réseaux sociaux. Plusieurs comptes identifiés participeraient ainsi à des campagnes de désinformation visant à déstabiliser l'opinion publique, notamment en amplifiant des controverses internes ou en instrumentalisant des dates sensibles du calendrier franco-algérien. Lire aussi : Protectionnisme algérien : Bruxelles saisit l'arbitrage face à une dérive unilatérale Le 5 juillet dernier, jour de la fête nationale algérienne, une campagne de messages viraux sur TikTok et X (anciennement Twitter) a attiré l'attention des analystes. Ces publications accusaient la mairie de Paris de symboliquement humilier la mémoire des Algériens, en organisant des festivités en Seine alors que cette même rivière fut le théâtre, en 1961, d'une répression sanglante de manifestants pro-FLN. Les services de renseignement s'interrogent sur l'origine et la synchronisation de cette campagne, dont le ton et la viralité évoquent une opération coordonnée. Cette intensification des activités numériques hostiles coïncide avec un refroidissement notable des relations bilatérales entre Paris et Alger. Depuis la reconnaissance, le 27 juillet 2024, par le président Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara, les liens diplomatiques entre les deux pays se sont considérablement tendus. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a gelé les discussions sur la réadmission de ses ressortissants expulsés de France. D'autres événements récents ont accentué la crispation : l'incarcération de l'écrivain Boualem Sansal en novembre 2024, suivie de l'arrestation en avril 2025 d'un opposant politique de premier plan, Amine Amir – figure critique du régime –, et, plus récemment, la condamnation à sept ans de prison du journaliste Christophe Gilezes pour « apologie du terrorisme ». Dans ce contexte diplomatique dégradé, la note de Viginum constitue un signal d'alerte supplémentaire sur les risques d'ingérences numériques émanant d'acteurs étatiques ou paraétatiques, utilisant les technologies de l'information à des fins de nuisance politique. Le dispositif mis en œuvre dans le cas français semble reprendre les schémas déjà observés dans d'autres campagnes d'influence : création de profils fictifs, relai d'informations déformées ou falsifiées, amplification de récits clivants, et contournement des modérations algorithmiques des grandes plateformes. Pour l'heure, aucune déclaration officielle n'a été faite par le gouvernement français. Mais selon plusieurs sources proches du dossier, la vigilance est de mise, notamment en amont d'échéances électorales et dans un contexte sécuritaire rendu plus sensible par l'instabilité régionale.