Huit mois de grève, plusieurs rounds de négociations tendues, des sit-in nationaux, des boycotts d'examens... Le conflit opposant les étudiants en médecine, pharmacie et médecine dentaire au ministère de l'Enseignement supérieur semble enfin toucher à sa fin. Le gouvernement a concédé l'annulation de l'année blanche, sous réserve d'un accord écrit formalisant les engagements pris. Ce compromis met un terme provisoire à une mobilisation inédite dans l'histoire universitaire marocaine, révélatrice d'un malaise profond au sein de la formation médicale. Le conflit larvé qui opposait depuis près d'un an les étudiants marocains en santé à leur ministère de tutelle semble avoir franchi un tournant décisif. Dans un communiqué publié le 23 juillet 2025, la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie (CNE) a annoncé la signature prochaine d'un accord avec les autorités, validant la non-tenue de l'année universitaire 2023-2024 et entérinant le report de l'application du nouveau système d'études sur une durée de sept ans. Le bras de fer entre les étudiants en santé et l'Etat marocain s'est intensifié depuis la réforme controversée du cursus médical, ramenant sa durée de sept à six ans. En l'absence de concertation effective et face à ce qu'ils percevaient comme une précipitation technocratique, les étudiants ont massivement boycotté les examens, organisé des grèves à répétition et mené une campagne de plaidoyer sans précédent. Selon la CNE, plus de 20 000 étudiants ont refusé de se soumettre au nouveau calendrier universitaire, paralysant de facto les facultés publiques du Royaume. Lire aussi : Quand l'éducation est en grève, qui paie le prix ? Face à cette mobilisation persistante, et après des mois de dialogue infructueux, les autorités ont finalement accepté d'acter une « année blanche » pour les cohortes concernées par la réforme 2023-2024, évitant ainsi un passage en force lourd de conséquences. Dans son communiqué, la CNE indique que l'accord a été conclu à l'issue d'une série de réunions tenues à Rabat en présence de représentants du ministère de l'Enseignement supérieur, du ministère de la Santé et du Cabinet Royal. Le compromis porterait sur trois volets essentiels : la suspension du processus de réforme, l'engagement à une refonte progressive basée sur un diagnostic partagé, et le maintien du système actuel pour les années en cours. La commission souligne néanmoins que la mobilisation reste intacte tant que les termes de l'accord ne seront pas formellement signés et publiés. Une dynamique de concertation à reconstruire Au-delà de la simple revendication académique, cette mobilisation étudiante révèle un malaise plus profond entre jeunes professionnels de santé et institutions. Nombreux sont ceux qui dénoncent un déficit de dialogue structurel, une précarisation croissante des conditions d'études, ainsi qu'un manque de vision stratégique pour la santé publique au Maroc. D'autant que les défis structurels du système de formation médicale — disparités régionales, sous-encadrement, absence de stages cliniques suffisants, émigration des diplômés — exigent une refonte systémique qui dépasse le simple calendrier universitaire. En 2024, selon Bank Al-Maghrib, plus de 55 % des jeunes médecins diplômés envisageaient de s'installer à l'étranger, un chiffre en hausse constante depuis cinq ans. Ce conflit pose aussi la question de la gouvernance du dialogue social dans l'enseignement supérieur, à l'heure où d'autres secteurs (éducation, justice, santé paramédicale) sont traversés par des revendications convergentes. Le gouvernement est désormais confronté à une exigence de clarté, de transparence et de prévisibilité dans la conduite des réformes sensibles. Reste à savoir si les engagements pris dans ce dossier emblématique ouvriront la voie à une nouvelle culture du consensus et du respect mutuel, ou s'ils marqueront une pause provisoire avant d'éventuelles tensions à venir.