Un rapport du think tank ECCO critique la politique énergétique algérienne jugée incohérente, rigide et en décalage avec les exigences européennes et les dynamiques régionales. Malgré un potentiel considérable en gaz naturel, solaire et hydrogène vert, le pays peine à moderniser son cadre réglementaire et à s'inscrire dans les nouvelles dynamiques de décarbonation promues par Bruxelles. L'Algérie persiste dans une trajectoire énergétique jugée contre-productive, selon une analyse publiée par le think tank italien ECCO. L'étude, dirigée par l'experte Jessica Obeid, dénonce une absence de stratégie cohérente, une gouvernance verticale et des choix diplomatiques qui pénalisent le pays dans un contexte de transition énergétique mondiale. Sur le papier, Alger affiche des objectifs élevés : produire entre 30 et 40 TWh d'hydrogène vert d'ici 2040 et porter les renouvelables à 27 % du mix électrique d'ici 2035. Mais dans les faits, ces annonces restent sans suite concrète. Le rapport d'ECCO pointe notamment l'absence de cadre réglementaire, de clarté sur les mécanismes d'investissement, et une centralisation excessive des décisions, qui freinent toute avancée réelle. Ce déficit de gouvernance handicape le pays à l'heure où les marchés exigent clarté, transparence et prévisibilité. Lire aussi : Affaire Airbnb dévoile les manœuvres de l'Algérie et de ses relais étrangers L'Algérie a accentué son isolement énergétique en décidant en 2021 de ne pas renouveler le contrat du gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui transite par le Maroc pour approvisionner l'Espagne. Ce choix, motivé par des tensions politiques avec Rabat, a eu un coût stratégique élevé : privation d'un corridor d'exportation essentiel et perte de crédibilité auprès des partenaires européens. Les répercussions ont été immédiates. L'Espagne, historiquement client majeur du gaz algérien, a réduit de moitié ses achats en provenance d'Algérie entre 2015 et 2022, au profit du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d'autres sources. L'Italie, partenaire traditionnel, a également ralenti ses importations : elles sont passées de 44 % à 36 % des exportations totales de gaz algérien entre 2022 et 2024. Outre les tensions diplomatiques, ECCO met en cause l'incapacité d'Alger à s'adapter aux nouvelles normes du marché européen. L'absence de politique crédible de réduction du méthane, de traçabilité carbone ou d'alignement sur le CBAM (mécanisme d'ajustement carbone aux frontières) rend les exportations algériennes de moins en moins compétitives. Dans un marché désormais dominé par les critères environnementaux, l'Algérie n'offre aucune visibilité à ses partenaires. Le rapport souligne également l'isolement croissant d'Alger dans la région maghrébine. Plutôt que de favoriser les interconnexions énergétiques et les coopérations techniques, l'Algérie choisit l'affrontement politique. La fermeture du GME, plutôt que de nuire au Maroc, a surtout desservi Alger elle-même, affaiblissant le potentiel de coopération entre l'Afrique et l'Europe en matière d'énergie verte. Pour ECCO, seule une transformation institutionnelle majeure, couplée à une politique industrielle claire et une ouverture aux standards internationaux, permettrait à l'Algérie de retrouver sa place sur l'échiquier énergétique. À ce stade, aucun signal ne permet d'anticiper une telle inflexion. La stratégie actuelle, qualifiée de « brouillonne » par les analystes, condamne le pays à l'improvisation permanente et au déclin de son influence énergétique régionale.