L'écrivain algérien Boualem Sansal, détenu à la prison d'El-Harrach, a adressé depuis sa cellule une lettre poignante dans laquelle il fustige le caractère systématique de la répression et exhorte la France à demeurer fidèle à ses principes. Une parole réprimée mais tenace Dans ce texte transmis à ses proches, l'auteur décrit les conditions carcérales avec une précision austère : «Si cette lettre vous parvient, c'est que malgré les murs, les verrous et la peur, il existe encore des brèches par lesquelles la vérité peut se faufiler.» Il affirme que l'emprisonnement est devenu, en Algérie, un procédé ordinaire de gouvernement : «La dictature enferme comme on respire : sans effort, sans honte. On enferme les journalistes, les militants, les écrivains... et parfois même ceux qui n'ont rien dit, juste pour servir d'exemple.» Boualem Sansal impute son arrestation à sa détermination à employer l'écriture pour dénoncer les dérives du pouvoir : «Ma faute ? Avoir persisté à croire que les mots pouvaient sauver ce pays de ses propres démons.» Bien que gravement affaibli par la maladie, il affirme que sa voix ne sera pas étouffée : «Ma voix, même enchaînée, ne leur appartient pas. Ce pouvoir n'est pas un Etat, c'est une machine à broyer.» Un appel direct à la France À l'adresse de Paris, l'écrivain se montre sans détour : «Vous qui vous proclamez patrie des droits de l'homme, souvenez-vous que ces droits ne s'arrêtent pas aux rives de la Méditerranée. Ne baissez pas les bras, ne sacrifiez pas vos valeurs sur l'autel des intérêts économiques ou des alliances de circonstance.» Il précise ne réclamer aucune faveur personnelle, mais l'application des principes universels : «Je ne demande pas ma liberté par charité, mais au nom de ce qui fonde toute société humaine : la justice.» S'adressant à ses compatriotes, Boualem Sansal exhorte : «La peur est une prison plus vaste que celle où je me trouve, et elle est plus difficile à briser. Mais je sais qu'un jour, le mur tombera. Les dictateurs finissent toujours par tomber.» Il conclut en réaffirmant la puissance indomptable de l'écriture : «L'écriture, c'est la seule liberté qu'ils ne peuvent pas confisquer, et c'est par elle que nous survivrons.»