La déclaration de Jacob Zuma, depuis Accra, réitérant son soutien au plan d'autonomie proposé par le Maroc pour le Sahara, marque une évolution significative dans les équilibres politiques et diplomatiques africains. L'ancien président sud-africain, aujourd'hui à la tête du parti Mkhonto we Sizwe (MK), devenu la troisième force politique en Afrique du Sud, prend une position qui fissure davantage le front traditionnellement aligné sur le Polisario et remet en question l'orthodoxie diplomatique de Pretoria. Depuis les années 1970, l'ANC – parti historique qui a conduit la lutte contre l'apartheid – s'est rangé du côté du Polisario, dans une lecture idéologique héritée de la guerre froide et des solidarités révolutionnaires. Le soutien de l'ANC au séparatisme su Polisario s'est traduit par une hostilité constante à l'égard de Rabat, malgré le rôle crucial qu'a joué le Maroc dans la lutte contre l'apartheid, notamment à travers l'accueil de militants et le soutien logistique apporté au Congrès national africain. En réaffirmant son appui au plan d'autonomie marocain, Jacob Zuma défie cette ligne de continuité. Il souligne qu'aujourd'hui, le soutien au Polisario ne correspond plus aux réalités stratégiques de l'Afrique, ni à ses ambitions d'intégration continentale. Son parti, le MK, issu des premiers combats menés par Nelson Mandela avant sa fusion avec l'ANC, entend renouer avec un panafricanisme pragmatique, axé sur l'unité et la stabilité du continent. L'argument avancé par Zuma repose sur la centralité du Maroc en Afrique. De plus en plus de voix africaines reconnaissent que Rabat joue un rôle majeur dans les domaines économiques, sécuritaires et diplomatiques. L'intégration du Maroc à l'Union africaine en 2017 a accéléré ce repositionnement, avec un réseau d'alliances économiques et politiques qui dépasse largement les clivages traditionnels. Lire aussi : Zuma à Rabat : Le Maroc fait sauter le verrou sud-africain ? La position exprimée à Accra s'inscrit donc dans une dynamique plus large : celle d'un continent où de nombreux Etats, de l'Afrique de l'Ouest à l'Afrique centrale, ont déjà soutenu ouvertement le plan d'autonomie. Zuma met en avant cette tendance en soulignant que seule une reconnaissance claire de la marocanité du Sahara peut favoriser l'unité africaine et empêcher l'instrumentalisation du conflit par des puissances extérieures. En Afrique du Sud, cette prise de position ne peut être isolée du contexte politique interne. Depuis plusieurs années, le parti au pouvoir, l'ANC, connaît une érosion de son influence électorale, sur fond de scandales de corruption et de difficultés économiques. Dans ce contexte, le MK dirigé par Jacob Zuma s'impose comme un acteur politique capable de peser sur l'orientation future de la diplomatie sud-africaine. Si Pretoria venait à réévaluer sa position, ce serait un tournant majeur. L'Afrique du Sud, en tant que membre des BRICS et puissance continentale, a jusqu'à présent joué un rôle de contrepoids aux avancées diplomatiques du Maroc. Un infléchissement, même progressif, de sa politique étrangère fragiliserait considérablement le front pro-Polisario, déjà affaibli par le basculement de nombreux pays africains vers Rabat. Une lecture panafricaine du conflit L'argumentaire de Zuma ne se limite pas à la géopolitique : il convoque une dimension idéologique. Le leader du MK affirme que son parti s'inspire du panafricanisme de Nelson Mandela, qui prônait une Afrique unie, forte et souveraine. Dans cette optique, soutenir le Maroc au Sahara n'est pas une trahison des idéaux anticoloniaux, mais au contraire une façon de préserver l'intégrité et la stabilité du continent face à des ingérences étrangères. Le discours de Zuma met également en lumière un point essentiel : la reconnaissance croissante du caractère irréaliste de l'option indépendantiste. Pour de nombreux observateurs africains, le plan d'autonomie est devenu l'unique issue praticable, capable de concilier le respect de la souveraineté du Maroc et les aspirations locales à une gestion politique et économique plus élargie. Les propos de Jacob Zuma illustrent ainsi une recomposition profonde des alliances et des perceptions africaines autour de la question du Sahara. Alors que plusieurs pays arabes et africains ont ouvert des consulats dans les provinces sahariennes du Maroc, la tendance diplomatique mondiale s'oriente progressivement vers un soutien explicite au plan d'autonomie. Dans ce contexte, la posture de l'Afrique du Sud, figée dans une lecture héritée du passé, apparaît de plus en plus isolée. Un éventuel revirement de Pretoria, poussé par la dynamique interne et par l'émergence du parti MK, constituerait un basculement stratégique. Cela mettrait fin à l'une des principales résistances diplomatiques au sein de l'Union africaine et affaiblirait davantage le Polisario, qui perd déjà du terrain sur la scène internationale. En réitérant depuis Accra son soutien au plan marocain d'autonomie, Jacob Zuma n'exprime pas seulement une opinion personnelle. Il esquisse les contours d'une nouvelle approche panafricaine, où la priorité est donnée à l'unité, à la stabilité et au développement, plutôt qu'à la perpétuation de conflits gelés hérités de la guerre froide. Si cette position venait à s'imposer dans le débat politique sud-africain, elle pourrait modifier profondément l'équilibre diplomatique autour du Sahara et accélérer l'isolement du Polisario sur le continent.