Recherché depuis sa fuite du 18 septembre, l'ancien patron de la sécurité intérieure a été interpellé dans la capitale avant d'être écroué à la prison militaire de Blida. L'affaire, tenue dans le plus grand secret, agite les cercles du pouvoir algérien, croit savoir Jeune Afrique. Selon des sources concordantes, Nacer El Djinn, de son vrai nom Abdelkader Haddad, a été arrêté le 15 octobre vers 16 h 30 dans un quartier des hauteurs d'Alger. Déféré aussitôt devant le procureur du tribunal militaire de Blida, il a été placé en détention provisoire. La justice militaire n'a diffusé aucune communication officielle, alors qu'elle publie d'ordinaire les mises en détention des officiers supérieurs. La discrétion inhabituelle qui entoure cette arrestation s'explique, selon plusieurs observateurs, par «le parcours de cet homme et la nature des affaires auxquelles il est mêlé.» D'après les éléments recueillis, «la caserne Antar, centre d'interrogatoires redouté, a été un tremplin pour sa carrière avant qu'il ne prenne la tête de la DGSI en juillet 2024.» Ce vétéran de la lutte antiterroriste, ancien directeur du centre Antar, était considéré comme l'un des officiers les plus informés sur les affaires internes du régime. «Il détenait des dossiers sensibles touchant à la sphère politique, économique et sociale du pays,» confie une source proche des services. Un général déchu et une fuite aux répercussions politiques Nommé en 2024 par Abdelmadjid Tebboune, Nacer El Djinn avait reçu, selon le magazine panafricain, «les gages publics de la confiance présidentielle lors d'une cérémonie retransmise à la télévision.» Mais ce poste, réputé instable, ne lui apporta qu'une répit éphémère : «Il fut limogé sans explication en mai [de cette année]» rappelle un proche du dossier. Des sources sécuritaires estiment que son éviction serait liée à «des dossiers d'enrichissements présumés impliquant des collaborateurs du chef de l'Etat et des membres de son entourage.» Un autre connaisseur des arcanes du pouvoir résume la situation : «Son départ traduit un avertissement : il ne faut pas approcher de trop près le cercle présidentiel.» Craignant des poursuites judiciaires, le général aurait décidé de fuir alors qu'il était sous résidence surveillée et interdit de quitter le territoire. Selon des témoins, «sa disparition dans la nuit du 17 au 18 septembre a provoqué un séisme à la présidence, dans l'armée et dans les services de renseignement.» Alger aurait été placée sous haute surveillance, «et des services étrangers alertés, tant la fuite d'un chef du contre-espionnage est inédite dans les annales algériennes.» Un précédent sans équivalent dans les services algériens La presse espagnole avait affirmé que le général s'était réfugié «sur la Costa Brava, dans la région d'Alicante, où il posséderait des biens.» Mais d'autres sources, issues de la diaspora algérienne, assurent au contraire «qu'il ne quitta jamais le territoire et qu'il se rendit de lui-même après plusieurs semaines de cavale.» Ce n'est pas la première fois qu'un officier supérieur prend la fuite, mais le cas de Nacer El Djinn demeure singulier. «Depuis 2019, plusieurs responsables de la gendarmerie, des renseignements ou de la police ont quitté le pays, mais jamais un ancien chef de la DGSI,» note un analyste militaire. L'affaire révèle, pour de nombreux observateurs, «la fragilité du sommet de l'appareil sécuritaire et les rivalités qui traversent les cercles du pouvoir.» À Blida, où il a été incarcéré, Nacer El Djinn rejoint une vingtaine de hauts gradés détenus pour des affaires diverses. Les autorités algériennes, quant à elles, gardent le silence, confirmant par leur mutisme la dimension politique d'un dossier où se mêlent luttes d'influence, secrets d'Etat et règlements de comptes internes.