Face à la stagnation du cheptel bovin et aux chiffres incohérents du recensement de 2024, le secteur de l'élevage sonne l'alarme. Experts et acteurs du terrain appellent à des mesures immédiates pour sécuriser les petits éleveurs et garantir la réussite du programme national de reconstitution du cheptel. Le recensement du cheptel publié en décembre 2024 soulève de sérieuses interrogations sur la fiabilité des données et sur la capacité du programme national de reconstitution du cheptel à répondre efficacement aux besoins du secteur. Plusieurs incohérences ont été relevées, rendant difficile l'établissement d'un état précis de la répartition, de la diversité et de la santé du cheptel à l'échelle nationale, des éléments pourtant essentiels pour planifier des politiques agricoles durables et ciblées. Parmi les principales insuffisances figurent l'absence de données détaillées sur les races locales, pourtant cruciales pour la préservation du patrimoine génétique national. De même, le recensement semble avoir négligé les petits éleveurs et agriculteurs ayant perdu leur cheptel après plusieurs saisons consécutives de sécheresse. Cette omission pourrait exclure ces acteurs essentiels du programme de soutien financier et matériel, alors qu'ils jouent un rôle stratégique sur le terrain et sont garants de la pérennité de l'élevage marocain. Les chiffres montrent une stagnation inquiétante du nombre de chameaux et un recul du cheptel bovin, révélant des difficultés structurelles persistantes. Ces constats mettent en lumière la nécessité d'une évaluation objective des programmes précédents et d'une reddition de comptes rigoureuse. Les dispositifs d'aide mis en place depuis 2008, qui ont coûté à l'Etat des dizaines de milliards de dirhams, ont souvent profité aux grands propriétaires et organisations professionnelles, au détriment des petits éleveurs et agriculteurs locaux. Lire aussi : Maroc : Une puissance diplomatique freinée par ses faiblesses sociales Malgré ces difficultés, les éleveurs continuent d'assurer la protection de près de 95 % du cheptel national, bien qu'exclus des dispositifs de soutien successifs. Le retard du versement des aides directes, prévu seulement pour juin 2026, constitue un obstacle supplémentaire, en particulier pour les petits éleveurs confrontés à des contraintes financières et à la hausse des coûts des aliments pour le bétail. Cette situation menace non seulement la reconstitution du cheptel, mais aussi la stabilité économique des exploitations familiales et la sécurité alimentaire nationale. L'Union nationale du secteur agricole (UNSA), interrogée sur ces enjeux, souligne que la réussite du programme dépend d'une meilleure collecte et diffusion des données, ainsi que d'une distribution transparente des aides. L'organisation met en garde contre les risques de corruption ou de manipulation dans l'attribution des fourrages subventionnés et rappelle la nécessité de tirer les enseignements des expériences passées pour éviter toute instrumentalisation à des fins électorales. Pour faire face à ces enjeux, les experts estiment nécessaire de revoir les critères d'attribution des aides publiques, de mettre l'accent sur les petits éleveurs et agriculteurs, et d'accroître sensiblement le budget du programme de reconstitution du cheptel. Un suivi rigoureux et une évaluation constante des résultats restent essentiels pour renforcer l'efficacité des mesures, consolider la résilience du secteur face aux aléas climatiques et économiques, et garantir la sécurité alimentaire du pays à long terme.