Elles travaillent dans un salon de coiffure, et elles marchaient dans la rue, puis elles ont traversé un souk à Inezgane, près d'Agadir. Là, elles ont été prises à partie par la foule, pour « tenue vestimentaire contraire aux bonnes mœurs ». Tout s'enchaîne alors : elles sont prises à partie par la foule, qui appelle la police, qui les conduit au procureur, qui les place en garde à vue durant 48h et les renvoie devant la justice, qui les jugera le 6 juillet. Tollé général et levée de boucliers, pas seulement des féministes, mais de tous les défenseurs des libertés. « L'outrage public à la pudeur », selon l'article 483 droit pénal, c'est l'emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 120 à 500 DH. Un peu cher payé pour le port d'une robe. Dans cette affaire, où commence « l'outrage public à la pudeur », et où commence aussi le harcèlement, celui de la foule qui prend à partie des jeunes filles, les terrifie, les terrorise, les fait arrêter par la maréchaussée, les fait attendre dans une salle de tribunal, les fait déférer devant un procureur ? Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes, est scandalisée : « c'est du harcèlement sexuel et de la violence à l'égard des femmes »… Elle ajoute que son organisme a commis deux avocats pour défendre les filles. Dans le PV de police, ces dernières reconnaissent, à la grande surprise de Fouzia Assouli, avoir « porté des vêtements provocants pour attirer l'attention sur elles ». « Ces aveux ont dû être extorqués sous l'intimidation dans le commissariat », s'insurge Fouzia Assouli. Un journal local a décrit la scène : « Terrifiées d'être prises à partie par les vendeurs ambulants, les deux jeunes filles ont tenté de se réfugier dans une échoppe, qui a immédiatement été cernée par les vendeurs salafistes, qui criaient et appelaient la police ». Consternant, en effet. Indignation générale Un sit-in sera organisé devant le ministère de la Justice à Rabat, dimanche 28, pour contester la décision de déférer les deux personnes devant la justice. Les manifestants brandiront leur slogan « ma jupe, ma liberté ». Pour la militante Khadija Rouissi, présidente déléguée de Bayt al-Hikma et députée, « il s'agit là d'une entreprise œuvrant à semer la terreur parmi la population, la justice œuvre à effrayer et à intimider les gens ». Pour sa part, le président de la section de l'AMDH à Agadir, Abdelaziz Sellami, a affirmé que l'arrestation des deux jeunes filles est « une grave entorse aux libertés individuelles », ajoutant que « le droit marocain n'a pas défini de critères relatifs à l'aspect vestimentaire attentant et faisant outrage aux bonnes mœurs ». encore heureux… Une pétition circule sur avaaz, « au ministre de la Justice et des Libertés : Mettre une robe n'est pas un crime ! », qui a déjà recueilli plus de 12.000 signatures. Et les médias internationaux se sont d'ores et dé jà emparés de cette affaire.