Dans une démocratie, en règle générale, les partis gouvernent ou s'opposent, et les journalistes, chroniqueurs, analystes, universitaires, commentent les actes des uns et analysent ceux des autres. Dans une démocratie, les partis rigoureux argumentent leurs actions, et ripostent aux attaques par l'argument. Ce n'est pas le cas ici, comme en témoigne la dernière joute opposant l'éditorialiste et universitaire Mustapha Sehimi au PJD. Prolégomènes. Le 10 avril, Mustapha Sehimi publie une analyse intitulée « le PJD défaillant ». Ecrite au vitriol ou au moins avec une encre antipathique, cette tribune au lance-flamme descend en flamme le PJD et sa gestion presque décennale du pays. On peut s'accorder avec les arguments de Mustapha Sehimi, ou pas, mais en tout état de cause, on ne peut lui reprocher d'avoir été insultant ou méprisant. L'analyste a développé son analyse, percutante mais argumentée, rude mais rigoureuse, voire même vigoureuse, ce en quoi il a parfaitement droit. Quelques jours plus tard, piqué au vif, le PJD réagit… à travers une longue tribune de Forum des cadres du PJD. Dans ce texte, ou l'invective et le mépris le disputent à l'insulte et une forme de dérive, l'auteur attaque la personne de M. Sehimi, et non ses idées, son argumentaire et ses arguments. Il défend également l'action du PJD, ce qui est aussi son droit, mais le déroulé du texte est saupoudré d'attaques intellectuellement indécentes contre l'universitaire. Et qu'un texte comme celui-ci ait eu l'assentiment des chefs du parti, voire de son chef, accentue la gravité de l'acte. S'estimant offensé, Mustapha Sehimi réagit par un texte publié sous le titre « la fatwa des ayatollahs du PJD », un texte incisif où l'éditorialiste répond aux attaques ayant frappé sa personne. L'analyse est toujours là, l'argument est toujours serein, mais l'auteur est logiquement irrité contre le PJD et son Forum des cadres. Malgré des tentatives de réconciliation entreprises par de hauts cadres du PJD, voilà que le maire de Fès et ancien ministre du Budget Driss Azami el Idrissi s'invite et adresse un texte courroucé et un rien méprisant à M. Sehimi, un texte dans lequel, magnanime et grand prince, il consent malgré tout à lui maintenir son estime… Que faut-il en penser ? Mustapha Sehimi s'est montré dur à l'égard du PJD, mais c'est encore une fois son avis et il est en droit de l'exprimer. Un journaliste, c'est fait pour cela aussi : exposer une opinion, proposer une analyse, oser une idée. Mais un parti, même critiqué, doit savoir se défendre avec élégance, sans menacer, sans insulter, sans s'énerver. Cela n'a pas été fait et quand M. Sehimi commence son second texte par « Ils n'ont pas changé », peut-on valablement lui reprocher cette expression ? Sans doute pas car un parti qui s'emporte contre ses détracteurs, ses critiques ou ses opposants est un parti qu'on peut, voire qu'on doit, raisonnablement craindre, surtout quand il tient le gouvernement et une trentaine de munisipalités, parmi les plus importantes démographiquement et économiquement. C'est bien dommage pour le PJD qui a initié voici plusieurs années son œuvre de « normalisation » civile, avant qu'il ne revienne ou soit rattrapé par ses anciens démons. M. Elotmani est en apparence un homme gentil et affable, mais sa communauté charismatique semble être chargée du « sale boulot », ainsi qu'on le peut constater dans ces échanges acrimonieux entre une formation politique et un analyste politique. Entre le Nauséabond, l'Abrupt et le Tonitruant, dans cette affaire, le PJD n'aura pas montré son meilleur jour ce qui, en ces temps coronaviraux, n'augure pas d'un avenir serein…