«Le rôle des médias dans l'exercice démocratique des élections» a été au cœur du débat organisé, ce vendredi, par le FMJJ et le Conseil de l'Europe, au lendemain des dernières élections organisées, le mois dernier au Maroc. Chercheurs, journalistes et experts ont pris la parole pour notamment évaluer la couverture médiatique de dernières échéances électorales. Le Forum marocain des jeunes journalistes (FMJJ) a organisé, ce vendredi à Rabat en collaboration avec le Conseil de l'Europe, un panel de discussion autour du «Rôle des médias dans l'exercice démocratique des élections». Intervenant en ouverture, le président du forum, Sami El Moudni a précisé que «le projet dans lequel ce colloque est organisé se concentre sur la mise en évidence de la participation des journalistes, en tant que défenseurs des droits de l'Homme, et des différents acteurs du secteur des médias, à la promotion de la pratique démocratique, en mettant l'accent sur le rôle joué par la presse lors de couverture médiatique des élections». Une mise en évidence à travers «la promotion d'un contenu médiatique conforme à l'éthique professionnelle dans la couverture médiatique des élections», une «influence positive des politiques publiques en matière de couverture médiatique des élections» et «une ouverture du débat public sur l'engagement pour l'éthique du journalisme dans la couverture médiatique des élections, et la participation des femmes à celles-ci». La présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), Latifa Akharbach a pour sa part mis en exergue la nécessité de travailler sur «l'exercice et les outils médiatiques», surtout en période électorale, pour éviter toute «crise de confiance» ou «méfiance» de l'électeur. «Nous avons besoin d'un système et des textes de loi de nature démocratique. Autrement dit, d'une volonté politique. Nous avons besoin d'une pratique médiatique professionnelle et respectant la déontologie. Enfin, nous avons besoin d'une évaluation indépendante qui veille à assurer un accès équitable aux partis politiques et qui respectent les règles d'intégrité et de neutralité», a-t-elle ajouté. Plusieurs défis pour les journalistes Jean-Larie Coat, expert indépendant du Conseil de l'Europe et spécialiste des médias et de la couverture des élections a rappelé que «la période électorale permet de vérifier l'impartialité mais également la liberté des médias», notant que «le devoir pour les médias, surtout publics, reste d'informer les citoyens sur la nature même de l'élection». Il a, par la même occasion, rappelé les recommandations et les bonnes pratiques pour les médias, élaborées par le Conseil de l'Europe, avant d'évoquer les difficultés qui se dressent devant les médias en période d'élections. «Le principal défi pour les médias reste la place qu'occupe aujourd'hui les réseaux sociaux. Espace d'expression, il peut connaître la circulation de fausses informations et des tentatives de manipulation. Le défi est de ne pas se laisser influencer par ce qui se dit sur les réseaux et de doubler de vigilance pour vérifier leurs sources. Mais ils représentent aussi une opportunité pour gagner en crédibilité.» Jean-Larie Coat L'expert a évoqué «les attaques ou pression contre les médias, avec des poursuites judiciaires», «le refus de renouvellement de licence pour des raisons politiques» ou encore «la mainmise sur les ressources essentielles des médias», comme défis pour la presse. Pour sa part, Aymen Zaghdoudi, conseiller juridique de l'organisation Article 19 a mis en avant «le rôle des médias pour que les élections soient pluralistes et transparentes», rappelant les responsabilités «des médias eux-mêmes et de l'Etat». «Pour la première, les entreprises médiatiques doivent être indépendantes et structurées. Quant à l'Etat, il doit assurer un climat démocratique, et des droits économiques et sociaux pour les journalistes. Enfin, il faut que les instances de régulation impliquent tous les acteurs, y compris les médias, de manière participative», a-t-il ajouté. La couverture des élections vue par les experts Nadia Lamhaidi, professeure à l'Institut supérieur de l'information et de la communication (ISIC) à Rabat, a évoqué «la continuité des rôles des médias traditionnels» pendant les dernières élections, en plus du «renforcement de la composante numérique», dans la construction de «la conscience et la culture politique pour un vote savant et conscient». Elle a pointé le «clonage des émissions et des profils qui viennent communiquer en période électorale» ainsi qu'une «carence phénoménale des compétences de communication» chez les partis politiques, constatés durant la période électorale. «La responsabilité est partagée entre les médias et les partis», a-t-elle estimé. L'enseignante est revenue aussi sur le rôle de la «technologie» comme outils pour les médias en période électorale. Dans le cadre du deuxième panel, Mohamed Ezzouak, directeur de publication de Yabiladi, a rappelé que par le passé, «les médias en ligne étaient à l'écart» et «reprenaient plutôt les informations des médias classiques», lors des élections. «Nous avons assisté à une rupture en 2011 et on avait senti que les médias digitaux avaient une emprise plus forte et une réactivité plus marquées», a-t-il enchaîné. Il a évoqué l'absence «de climat politique houleux» et des «débats plus calmes» lors des dernières élections, reconnaissant l'impact de la pandémie sur la situation économique et sociale du pays. Mohamed Ezzouak a mis en exergue, de par la place de Yabiladi en tant que média destiné aux Marocains du monde, «l'absence de la participation politique des MRE», qui «se sont sentis étrangers et très éloignés de ces élections». En revanche, il a souligné que «la parole des experts, chercheurs et professeurs, était plus présente dans les médias», ajoutant que «la société civile a également pris des positions plus marquées» lors des élections, à l'exemple de l'ADFM. Mehdi Allabouch, directeur délégué du groupe Horizon Press, a estimé pour sa part que «la presse a été dépassée par l'individu et les réseaux sociaux», pointant ces «journalistes des réseaux sociaux qui inondent l'opinion publique». «La presse marocaine n'a pas réussi à trouver le bon modèle pour se distinguer face à la mutation de son environnement, encore plus après le Covid-19», a-t-il déclaré. Le journaliste Mohamed El Arkam a, lui, pointé le recours par les partis à des influenceurs durant la dernière campagne électorale, dont certains ont remplacés les médias. Enfin, Abdellatif Lambaraa, directeur de l'information à la radio nationale – SNRT, a noté que «les changements des 20 dernières années de la société marocaine ont été accompagnés de changements des lois électorales et textes législatifs». «Il restait un fil conducteur, à savoir le droit des partis de faire appel aux médias mais il y a eu une omission du droit de l'élection d'interagir avec ce discours. On ne parle pas non plus du droit du citoyen à un discours politique», a-t-il fait remarquer.