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Aïta mon amour à Jazzablanca 2025 : «Les Marocains sont de grands fêtards !» [Interview]
Publié dans Yabiladi le 07 - 07 - 2025

Une déclaration d'amour pour les musiques ancestrale et contemporaine, ou une preuve que l'héritage musical est préservé lorsqu'il est inscrit dans une dynamique vivante. Le duo Aïta mon amour incarne tout cela, dans son album «Abda», nommé en hommage à une région marocaine connue comme le berceau de l'aïta. Au 18e festival Jazzablanca, le binôme composé de Widad Mjama et de Khalil EPI a immergé son public dans une expérience à la fois festive et transcendante. Dans une symbiose réussie, le chant, les rythmes traditonnels-électro et les transitions ont effacé les barrières.
Festival de jazz ouvert aux autres styles musicaux, Jazzablanca a bien eu raison d'intégrer Aïta mon amour à sa programmation de la 18e édition, qui se tient du 3 au 12 juillet 2025. Composée du binôme d'artistes polyvalents Widad Mjama et Khalil EPI, la formation ne connaît d'ailleurs pas de cloisons dans l'univers de la musique. Rendant hommage à l'héritage ancestral de l'aïta, le duo se sert même de cet art à part entière afin de créer des compositions contemporaines pour le moins impressionnantes. Celles-ci se retrouvent désormais dans son album «Abda».
Autant dire que Aïta mon amour propose une richesse sonore unique, en mêlant avec brio des sonorités électro et traditionnelles multi-centenaires, tissées au fil de la parfaite harmonie. Cette fascinante confusion se révèle aussi bien dans la capacité du répertoire d'en appeler à la mélancolie et à la poésie que de faire danser les corps en communion.
D'abord pionnière du rap au Maroc, Widad Mjama s'associe ici au musicien et producteur tunisien Khalil EPI, dans une combinaison éclectique réussie dont elle parle à Yabiladi.
En 2022, vous avez déjà confié à notre rédaction que le projet qui vous tenait à cœur s'appelait "Aïta mon amour". Comment allez-vous depuis ?
Nous avons essayé de bien prendre soin de ce projet auquel il faut croire, évidemment. Aujourd'hui, nous voyons l'engouement qu'il suscite, que ce soit au Maroc ou à l'étranger. Cela nous réconforte dans notre choix artistique et c'est très valorisant pour le travail qui finit toujours par payer, d'où l'importance de continuer à travailler.
Vous avez fait plusieurs concerts depuis, au Maroc et à l'étranger. Mais votre toute première tournée pour faire connaître votre album «Abda» s'est déroulée en juin dernier. Quels sont les retours du public national ?
Nous avons eu un très bon retour, d'autant que nous nous sommes produits dans des villes en retrait de l'axe habituel de grands pôles qui accueillent des concerts. A chaque fois, nous avons été agréablement surpris de voir que nous avons un public qui nous connaît déjà. J'ai aussi découvert quelque chose qui m'a véritablement fascinée : nos concitoyens sont de grands fêtards et tout le monde aime l'aïta !
Cette tournée avec l'Institut français du Maroc a donc été magnifique, que ce soit à Tanger, Tétouan, Fès, Meknès, El Jadida, Kénitra, Agadir ou encore Essaouira. Nous avons eu un public dans toutes ces villes-là et cela appelle à un retour, pour aller à la rencontre des fans dans d'autres régions et pour faire découvrir notre musique à d'autres contrées où on ne va pas souvent.
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Certains classicistes de la musique tendent à défendre l'aïta comme une création qui gagnerait à être préservée en n'étant pas altérée par autre chose. Pensez-vous que c'est la meilleure manière de conserver globalement notre héritage artistique, qui reste plutôt de l'ordre de la culture orale au Maroc ?
Autant je pense qu'il n'y a pas de problème à préserver un patrimoine traditionnel et à le mettre en avant tel qu'il est, autant je pense qu'il n'y a aucun souci dans le fait d'altérer l'aïta, lorsqu'on sait que les personnes qui la jouent dans sa version traditionnelle sont les plus nombreuses. Les artisans de cette musique connaissent les codes. Ils les reproduisent, les transmettent.
Aita mon amour / Ph. Ilham Fouwad Photography - Yabiladi
L'oralité a permis la continuité de cette transmission et on sait d'ailleurs qu'elle altère. Au fil des siècles, certaines choses restent et d'autres s'effacent. L'existence de l'aïta elle-même a pu se pérenniser, depuis la création, parce que cette musique a muté. Nous savons aussi que c'est la mutation qui garantit la continuité.
Dans le cadre du projet de Aïta mon amour, j'ai d'ailleurs rencontré des chioukh et des connaisseurs de cet art populaire. Nous avons appris auprès d'eux. J'aimerais souligner également que c'est ce que j'ai appris de ce processus : initialement, je suis partie sur les traces des chikhates, mais j'ai rencontré également des musiciens qui ont été dans la générosité du partage. Ils sont issus de la tradition de l'aïta, mais ils ont été très ouverts à notre proposition.
Vous avez été la première rappeuse à faire des scènes au Maroc. Vous êtes désormais une pionnière dans le registre de l'aïta-électro. Vous avez toujours voulu être à l'avant-garde ou ce projet est le fruit d'un cheminement naturel ?
Je pense que ça serait prétentieux de dire que je veux être à l'avant-garde. Ce n'est pas du tout mon cas. Je pense qu'on ne dort pas pour se réveiller en se disant, du jour au lendemain : «je veux être le premier à faire ça». A mon sens, on n'est jamais réellement le premier à faire quelque chose.
Un très bon ami à moi, qui a une compagnie de théâtre, me dit souvent que nous n'avons rien inventé et qu'il faut arrêter de penser le contraire. En d'autres termes, je vis Aïta mon amour plus comme un cheminement personnel et artistique. C'est peut-être lié aussi à une certaine maturité qui rassemble tous ces aspects-là que nous venons d'évoquer.
C'est en tout cas un aboutissement, qui vient boucler une boucle. Depuis que j'étais au lycée, j'ai toujours chanté des chants populaires de aïta. Maintenant, je me retrouve à prendre le micro et à le faire sur scène.
Comme le jazz, vos univers que sont le rap puis l'aïta sont des expressions artistiques historiquement associées aux chants à thèmes, chargés de messages contestataires, contre les injustices et pour la liberté. Ils ont d'abord été un cri cathartique qui sort de l'intérieur. Vous vous retrouvez dans cette vision-là, en tant que femme dans un milieu artistique encore masculin ?
Bien sûr. Il y a une misogynie et une absence assez flagrante en termes de représentativité des styles confondus. On fait l'erreur de penser que ce sont des sujets rattachés à certaines cultures, mais c'est tout à fait pareil en Europe et en Occident ! On est encore surpris quand on arrive quelque part et qu'on trouve des techniciennes, que ce soit dans l'artistique ou dans la production.
Aita mon amour / Ph. Ilham Fouwad Photography - Yabiladi
Je pense aussi qu'il y a une charge contestataire dans l'art, comme dans tous ce que nous faisons actuellement et qui a une résonance politique. L'aïta est un chant qui a été porté principalement par des femmes, pour dénoncer des injustices locales, pour lutter contre la colonisation française sous le Protectorat.
Même lorsque des textes parlent d'amour, ils nous rappellent que l'amour est un acte politique en soi. C'est la liberté d'aimer qui nous voulons, quand nous voulons.
Ce sont des thématiques qui se retrouvent dans votre album «Abda» ?
Bien entendu, ils se retrouvent dans l'aïta elle-même, qui célèbre l'amour. Nous oublions souvent aussi que la majorité des textes de ce patrimoine sont écrits d'un point de vue féminin, même lorsqu'on ignore les noms de leurs auteurs. L'aïta célèbre l'amour, la douleur de l'absence ou de la perte, parce qu'elle parle de guerre. C'est finalement une caisse de résonance de la société actuelle.
On peut retrouver des thématiques toujours contemporaines dans ces textes ancien. Elles résonnent de la même manière car, malheureusement, beaucoup de choses n'ont pas changé, à commencer par l'injustice.
En vous produisant en Europe, il vous est déjà arrivé de donner des concerts au pied d'une église, ou au sein même d'une église désacralisée. C'est une expérience particulière pour vous ?
Totalement, nous avons eu une expérience très intéressante, au début du projet. Si mes souvenirs sont bons, nous devions donner le troisième concert et nous avions chanté dans une église désacralisée, en France. C'était quelque chose de très fort pour nous d'amener l'aïta dans un tel espace, dans le cadre de l'une de nos résidences.
Nous étions deux artistes maghrébins, dans ce lieu où on allait faire une représentation. Cela signifiait beaucoup pour moi, en termes d'appropriation, avec le passif de la domination occidentale dans nos pays. Ce sont des rapports dont il y a toujours des restes mais qu'il faut s'en.
C'était donc pour moi un acte très fort de faire résonner l'aïta dans une église désacralisée en France.
Aita mon amour / Ph. MYMAL - Jazzablanca 2025
A titre plus personnel, l'aïta est pour vous une manière de rendre hommage à vos aïeux…
C'est complètement un hommage à mes racines, très paysannes. Avec mon frère et ma sœur, nous faisons partie de la première génération à naître en ville, à Casablanca. La campagne n'a jamais été loin de nous.
Ici, nous sommes dans un festival de jazz et vous êtes plutôt ouverte sur les autres styles musicaux, puisque vous jonglez facilement entre les registres internationaux et locaux. Pensez-vous vous essayer au jazz, à l'avenir ?
Pourquoi pas ? Je pense que nous pourrions tout essayer et je suis convaincue qu'il n'existe pas frontières dans la musique. Je suis déjà un très bon public et une consommatrice de styles très diversifiés.
Aita mon amour / Ph. MYMAL - Jazzablanca 2025
Article modifié le 07/07/2025 à 18h42


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