En envoyant une lettre au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le Front Polisario défend-il réellement ses propres intérêts ou ceux de l'Algérie ? Explications. À la suite de la fuite dans les médias du projet de résolution sur le Sahara occidental, rédigé par les Etats-Unis et soumis récemment aux membres du Conseil de sécurité, le Polisario tente de réagir en adressant une lettre à Antonio Guterres. «Par cette missive, la direction du Front ne fait que s'exprimer au nom de l'Algérie», analyse Bachir Edkhil dans des déclarations à Yabiladi. «En insistant sur "le partage de la facture de la paix", Alger appelle indirectement les Etats-Unis à faire pression sur le Maroc pour obtenir des concessions économiques dans la région. Après plus de cinquante ans de soutien financier au Polisario, l'Algérie ne veut pas repartir les mains vides, ayant fait du dossier du Sahara un pilier de sa politique étrangère et intérieure. Elle espère obtenir des compensations», souligne cet ancien fondateur du Polisario, qui a rallié le Maroc en 1992. Mohammed VI propose à Alger de rejoindre l'initiative atlantique Pour rappel, en novembre 2001, l'ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika avait suggéré à l'ex-émissaire de l'ONU pour le Sahara occidental, l'Américain James Baker, l'option de la «partition» de la région. Une idée acceptée par le Polisario, mais catégoriquement rejetée par le Royaume. Cette option a été remise sur la table par l'actuel envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, lors de son exposé à huis clos au Conseil de sécurité le 16 octobre 2024. Une proposition que le Maroc a de nouveau ignorée. Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avait même invité publiquement Mistura «à révéler qui lui a soufflé cette idée et celles qui l'ont encouragé à présenter un projet (…) mort-né» devant les Quinze. «À part parler au nom de l'Algérie, la lettre du Polisario n'apporte rien de nouveau. Elle recycle de vieux discours, déconnectés du contexte géopolitique actuel.» Bachir Edkhil «Les conditions de vie dans les camps de Tindouf se sont nettement détériorées. Les relations entre la direction du Front et son parrain algérien se sont refroidies, car Alger subit la pression des Etats-Unis, qui exigent un règlement rapide du conflit. Cela est illustré par les déclarations de Steven Witkoff sur le projet de paix entre le Maroc et l'Algérie», explique-t-il. Pour Bachir Edkhil, le pouvoir algérien est désormais invité à s'engager dans l'initiative américaine. En cas de refus, il devra assumer les conséquences de son soutien au mouvement séparatiste, notamment face à un éventuel classement du Polisario sur la liste américaine des organisations terroristes. Le premier pas a d'ailleurs été franchi il y a quelques mois au Congrès américain, avec la présentation d'un projet de loi par le sénateur républicain Joe Wilson et le député démocrate Jimmy Panetta. Dans son discours du 6 novembre 2024, à l'occasion du 49e anniversaire de la Marche verte, le roi Mohammed VI n'a pas fermé la porte à une possible adhésion de l'Algérie à l'initiative visant à offrir aux pays du Sahel un accès à l'océan Atlantique. «Cette entreprise se veut bénéfique pour l'ensemble des pays de la région», avait-il précisé.