Qu'est-ce que le «polisario» ?    L'histoire ne tombe pas en prescription et les documents en témoignent... Document français : le Sahara oriental est une terre marocaine    Séisme d'Al-Haouz : Deux ans plus tard, le fossé entre chiffres et réalité    Guinée-Bissau. Dépôt de candidatures pour les présidentielles    Cinq régions concentrent les trois quarts des dépenses de consommation des ménages en 2023 (HCP)    Les travaux du projet de la LGV Kenitra – Marrakech atteignent leur vitesse de croisière    PLF 2026 : les économistes istiqlaliens déclinent leur feuille de route    La BERD nomme l'égyptien Haytham Eissa à la tête de ses opérations au Maroc    La présidente de la commission des affaires économiques du Sénat français salue le dynamisme "notable" du Maroc dans le secteur des EnR    5G au Maroc : Lancement officiel prévu en novembre 2025    Afghanistan : le séisme dans l'est du pays fait plus de 900 morts    Près de 300 migrants atteignent Ceuta en deux semaines    Bénin. Romuald Wadagni entre dans la course à la présidentielle de 2026    Chery Maroc s'associe à l'initiative « Powering Tomorrow Through Education » en Afrique    Le Brésil instaure un visa électronique gratuit pour les participants de la COP-30 à Belém    Le Maroc poursuit les travaux du stade Adrar pour la Coupe d'Afrique des nations et le Mondial 2030    Foot : Cérémonie en hommage à la sélection nationale sacrée championne du CHAN    Football. Eliesse Ben Seghir dans la Bundesliga    Un Marocain de 29 ans interpellé en Italie en vertu d'un mandat international pour organisation de flux migratoires clandestins    Le FIFM lance « Atlas Programs », une nouvelle bannière des actions professionnelles    7 ème Art : Entrée en vigueur de la réforme du CCM et de l'industrie du cinéma    2B pose sa première pierre au Maroc    Afrique du Sud : Abdessalam Ouaddou et le staff des Orlando Pirates blessés dans un accident de voitures    Le mercato ferme ses portes... partiellement    Pékin accueille pour la première fois la "Course caritative Zayed"... Un événement mondial alliant sport et humanité    Eliminatorias Mundial 2026: Neil El Aynaoui encantado con su participación con Marruecos    Eclipse: La próxima «luna de sangre» será visible en Marruecos el 7 de septiembre de 2025    Echanges extérieurs : le déficit commercial se creuse à près de 195 MMDH à fin juillet    Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d'Information : le Général de Brigade Abdellah Boutrig nommé par le Roi    Maroc U20 : Voici la liste des joueurs convoqués pour affronter les Etats-Unis en amical    Les prévisions du mardi 2 septembre 2025    Le festival le plus attendu de l'automne dévoile son line-up et invite à prolonger l'été à Essaouira !    Commune de Ras El Ma : l'ex-président poursuivi pour fraude et abus de pouvoir    Accidents, enseignement supérieur et droits d'auteur au menu du prochain Conseil de gouvernement    Ecoles privées : l'OMPC dénonce des pratiques commerciales illégales    Sécurisation des établissements scolaires    Soins dentaires : le Maroc refuse l'étiquette du "low-cost"    Elim Mondial 2026 : les Lions de l'Atlas lancent leur préparation    Le Maroc, espace sûr au cœur de la stratégie américaine en Afrique    Combattants marocains en Irak : Fin du calvaire des Djihadistes repentis [INTEGRAL]    Football : L'international marocain Sofyan Amrabat rejoint le Real Betis    Un exercice naval entre les FAR et l'US Navy pour sécuriser les ports    Souk Sebt Oulad Nemma : Un veilleur de nuit arrêté pour l'enlèvement d'une fillette de deux ans    Cinéma : entrée en vigueur de la réforme du CCM et de l'industrie du cinéma    Mostra de Venise : Le Maroc, un partenaire stratégique dans la coproduction cinématographique    Atlas Programs : Le FIFM renforce son ancrage professionnel avec Atlas Distribution Meetings    Clôture de Ciné Plage Harhoura : le film "Mon Père n'est pas mort" remporte le grand prix    Association Doukkala : Azemmour, Territoire, Identité, Avenir, au coeur d'une vision partagée !    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Les six mois au Maroc qui ont changé la vie d'Eugène Delacroix
Publié dans Yabiladi le 26 - 04 - 2018

Le 26 avril 1798 est né Eugène Delacroix. Figure du romantisme dans la peinture française du XIXe siècle, il a vécu six mois au Maroc. Aussi court soit-il, ce séjour a été assez long pour influencer ses œuvres, distinguées par leur singularité aux temps d'un orientalisme pompeux.
Peintures, dessins, gravures… Autant de productions artistiques ont été léguées par Delacroix au peintre Charles Cournault (1815 – 1904). Jusqu'à nos jours, ces objets donnés au musée national Eugène Delacroix en 1952 par les héritiers de Cournault permettent d'étudier la part aussi réaliste que fantasmagorique de l'œuvre orientaliste mais singulière de Delacroix. Ses travaux peuvent aussi être contemplés, appréciés et étudiés lors des nombreuses expositions rendant hommage à Delacroix, et surtout à ses sources d'inspiration où le Maroc tient une grande place.
Le voyage de Delacroix au Maroc débuta en janvier 1832 pour durer six mois. L'occasion fut pour lui de concevoir des centaines de croquis et d'aquarelles, soigneusement conservés pendant longtemps. Tout au long de sa carrière et jusqu'à sa mort en 1863, l'ensemble de son œuvre constitua ainsi un hommage aux figures et aux espaces de son quotidien mondain en Afrique du Nord.
Comme une ode lyrique qui dessinait le déracinement, ses souvenirs du Maroc se mêlèrent à une vision imaginaire et sensible, puisant également son inspiration dans la littérature de son temps.
Une mission diplomatique en toile de fond
Rien ne prédisait qu'un nom comme celui d'Eugène Delacroix, encore peu connu à l'époque, brillerait de mille feux auprès des professionnels de l'art et recevrait de nombreuses commandes de l'Etat français, au lendemain de son retour du Maroc. En effet, même ce voyage n'était pas prévu. Cependant, un changement de dernière minute marqua un tournant dans la vie artistique de Delacroix.
En 1830, les troupes françaises débarquèrent à Alger. Dans la foulée, les chefs de tribus de Tlemcen prêtèrent allégeance au sultan Moulay Abderrahmane (1822 – 1859), demandant sa protection et reconnaissant la tutelle du royaume chérifien sur l'Ouest algérien. En France, l'initiative ne fut pas perçue d'un bon œil. Déterminée à avoir la main sur l'Afrique du Nord, l'occupation préconisa de déclarer la zone comme territoire neutre, délimitant ses frontières avec celles de Moulay Abderrahmane.
Le Sultan du Maroc, Eugène Delacroix (1845)
Avant d'intervenir de plus en plus dans la gestion des affaires politiques et économiques des Alaouites, Louis-Philippe Ier (1830 – 1848) proposa une solution diplomatique au statut de Tlemcen et d'Oran. Pour ce faire, le comte Charles-Edgar de Mornay (1803 – 1878) fut envoyé auprès du sultan marocain, en 1832. Le diplomate français était accompagné d'une délégation qui portait «un message de paix». Sa mission fut accomplie : la France obtint le retrait des troupes de Moulay Abderrahmane de l'Ouest algérien et des frontières furent tracées.
Collectionneur d'œuvres d'art avant de s'investir dans la politique, le compte de Mornay tint à être accompagné d'un peintre. Le choix porta sur l'aquarelliste Eugène Isabey (1803 – 1886), mais celui-ci se désista. Peu connu mais talentueux et surtout très inspiré par le style d'Isabey, Eugène Delacroix fut appelé en renfort, à condition de prendre à sa charge les frais de ce séjour incongru. Prévoyant initialement de parfaire son parcours artistique en Italie, le jeune peintre se retrouva embarqué en direction de Tanger, le 11 janvier 1832.
Dans Les carnets de voyage au Maroc d'Eugène Delacroix en 1832, Cerise Fedini indique que ce choix n'était pas un pur hasard, du moins aux yeux de la diplomatie française :
«Aux yeux du gouvernement français, il n'est pas seulement le peintre de la Liberté guidant le peuple, mais il se trouve être aussi un «fils de l'Empire» ; son père, Charles-François Delacroix, était en effet ministre du Directoire, puis ambassadeur et préfet, et ses deux frères, Charles et Henri, étaient officiers de Napoléon.»
Un déclic en Afrique du Nord
Malgré son intérêt pour les tableaux orientalistes de ses aînés, Delacroix trouvait «sans vie» une partie importante de ces travaux-là, selon Cerise Fedini. Ce voyage lui permit donc de découvrit l'Andalousie, le Maroc et l'Algérie à travers sa propre sensibilité, ce qui fut sans doute la singularité de son œuvre orientaliste mais résolument différente des productions artistiques antérieures.
Les Femmes d'Alger dans leur appartement, Eugène Delacroix (1834)
En Afrique du Nord, Delacroix fut ébloui par les paysages, fasciné par l'architecture et fortement interpellé par l'art de vivre des populations musulmanes et juives. Il prit des notes, réalisa des croquis et des aquarelles pour traduire ses impressions. Il arriva à Tanger le 24 janvier 1832. Sept carnets constituèrent son journal de voyage, mais quatre seulement furent conservés. «Souvenirs d'un voyage dans le Maroc» furent rédigés des années plus tard, retraçant ainsi l'expérience personnelle du peintre.
En l'espace d'une journée, Eugène Delacroit fut d'emblée submergé par tant d'impressions, dont il fit part dans un courrier, le 25 janvier, à Jean-Baptiste Pierret :
«Nous avons débarqué au milieu du peuple le plus étrange. Le pacha de la ville nous a reçus au milieu de ses soldats. Il faudrait avoir vingt ras et quarante-huit heures par journée pour faire passablement et donner une idée de tout cela. Les Juives sont admirables. Je crains qu'il soit difficile d'en faire autre chose que de les peindre : ce sont des perles d'Eden. On nous a régalés d'une musique militaire des plus bizarres. Je suis dans ce moment comme un homme qui rêve et qui voit des choses qu'il craint de lui voir échapper.»
Avant même de poser pied dans la ville septentrionale, Delacroix avait déjà effectué une première aquarelle à bord de La Perle. Il représentait «des montagnes bleues violettes, dans un jeu entre la clarté des murs et le blanc du papier», selon Fedini.
Vue de Tanger, Eugène Delacroix (1832)
En caravane, la délégation dont Delacroix faisait partie fut conduite à Meknès le 5 mars, faisant plusieurs escales en cours de chemin. Ses déplacements, ponctués par des sorties avec Charles de Mornay, constituaient à chaque fois de nouvelles occasions pour observer, faire un croquis et prendre des notes. Il observa ainsi que les habitants étaient «près de la nature de mille manières. La beauté s'unit à tout ce qu'ils font».
Delacroix arriva à Meknès le 15 mars et y séjourna pendant deux semaines. Sur place, il fit la rencontre du sultan Moulay Abderrahmane. Au cours d'une audience solennelle tenue le 22 du même mois, le peintre réalisa de nombreux croquis. L'audience consista à des négociations avec le sultan marocain, à qui des présents furent offerts. En échange, celui-ci donna un cadeau au roi français, signifiant la fin des différends entre les deux pays.
La célébrité après le retour
La délégation française revint à Tanger le 12 avril, en attendant la signature du traité par le sultan. Au mois de mai, Delacroix se rendit seul à Cadix et à Séville, avant de revenir pendant huit jours à Tanger. Une escale à Oran et une autre à Alger le mènera à Toulon, avec les autres membres de la délégation, le 5 juillet.
A la tête d'une nouvelle école de peinture, Eugène Delacroix fut nommé chevalier depuis 1831. Mais après ce voyage, il devint incontestablement le peintre français admiré de tous, aussi bien dans les Salons qu'au sein du gouvernement. Il fut alors nommé officier en 1846 et commandeur de la Légion d'honneur en 1855, en tant que peintre majeur ayant accompagné une ambassade en voyage officiel.
Fantasia, Eugène Delacroix (1832)
Tout au long de sa vie, Delacroix revint régulièrement au thème nord-africain à travers plus de quatre-vingts peintures, notamment Les Femmes d'Alger dans leur appartement (1834), La Noce juive au Maroc (1841), Le Sultan du Maroc (1845). Beaucoup plus qu'une tentative de calquer un monde «exotique», l'ensemble de ces œuvres traduisaient les impressions de l'artiste découvrant un nouvel univers. Conservatrice au Musée du Louve qui accueille une exposition rétrospective du peintre, Marie-Pierre Salé l'explique :
«Delacroix a été frappé et touché par le mode de vie qu'il considérait comme antique, naturel, simple. Il a été marqué par la façon dont les Marocains se drapaient avec élégance avec peu de tissus, subjugué par la beauté des couleurs, des paysages, il a regardé tout ça avec un regard sensible et rien dans son journal ne laisse présumer d'un sentiment de supériorité ou de jugement.»
A ce propos, le peintre avait bien noté, à son retour, que «l'aspect de cette contrée restera toujours dans [ses] yeux» et que les hommes et les femmes du Maghreb s'agiteraient dans ma mémoire, tant qu'il était en vie.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.