34e Sommet Arabe : SM le Roi réitère la pleine disposition du Maroc à s'engager dans toute dynamique susceptible de rehausser l'Action arabe conjointe    Le président d'Interpol salue la capacité du Maroc à assurer la sécurité et la stabilité    Bourita tient des pourparlers bilatéraux avec son homologue syrien en marge du sommet arabe à Bagdad    RELATIONS SINO-MAROCAINES    Migration : Le Maroc, un partenaire stratégique et fiable de l'Allemagne    Sahara marocain : Bruxelles désarme les illusions séparatistes d'Alger    A Laâyoune, Akhannouch met en avant les réalisations de l'Exécutif    La Chine trace la voie de l'avenir : un bond géant dans le développement du réseau ferroviaire à grande vitesse    Maroc : Honda étoffe son offre hybride avec le HR-V e:HEV    Paris accueille une rencontre stratégique sur l'investissement des MRE    CAC dévoile la troisième édition du Village Auto    Afrique : plus de 11 000 véhicules électriques vendus en 2024, le Maroc en fer de lance    Le Maroc prépare l'ouverture de 8 340 nouvelles chambres avec 57 projets hôteliers en cours    Agriculture familiale : Les pistes du CESE pour un renouveau durable [INTEGRAL]    Safi: L'ENSAS et l'AMT éclairent l'avenir énergétique lors d'un workshop d'exception    La « Déclaration de Bagdad » soutient le rôle du Comité Al-Qods, présidé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI    Plaider pour la justice, une tradition chinoise au sein des Nations Unies    La Chine... de « l'usine du monde » à l'esprit du monde : Pékin accueillera-t-elle un sommet Trump-Xi ?    Anti-terrorisme : Interpellation d'un membre de « Daech » en Espagne en collaboration avec la DGST    Affaire Amir DZ : quatre hommes mis en examen à Paris pour enlèvement et séquestration en lien avec une entreprise terroriste    Coupe de la CAF (finale aller) : la RSB fait un pas vers le sacre    CAN U20 : L'essentiel des déclarations de Mohamed El Ouahbi avant la finale    Le Maroc se hisse parmi les marchés émergents du jeu d'argent avec un chiffre d'affaires prévu à 1,23 milliard de dollars en 2029    HB Africain / CACVC : Vendredi, Derb Sultan et Samara vainqueurs, AS FAR battue    Confédération Brésilienne de Football : Le Président, ayant engagé Ancelotti, révoqué par la justice !    CCAF / Finale retour : Simba conteste la délocalisation à Zanzibar    Avec Hakimi, le PSG au complet contre Auxerre pour fêter le titre    Le Maroc participe à la Coupe COSAFA du 4 au 15 juin    Ministère des Affaires étrangères marocain appelle les membres de la communauté marocaine en Libye à faire preuve de la plus grande vigilance    Vente de diplômes de master et de doctorat au Maroc : crise de qualité ou chaos académique ?    En détails... L'élargissement du cercle des personnes impliquées dans la vente de diplômes de master à Agadir    Une maladie génétique ignorée dont les familles souffrent en silence    Paris impose désormais un visa aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens    1,2 million de Marocains pris en charge pour l'HTA en 2024    Helsinki célèbre l'amitié avec le Maroc à travers une nouvelle association    Musiques sacrées du monde: Fès-tival de l'âme, un vortex d'émotions    Alain Weber : «Le sacré se manifeste à travers la transcendance»    Prague célèbre les Journées du patrimoine culturel marocain    Températures prévues pour le dimanche 18 mai 2025    Nasser Bourita représente S.M. le Roi au 34e Sommet arabe et au Sommet économique et de développement    USA: La Cour suprême suspend à nouveau les expulsions d'immigrés clandestins    L'USFP met fin à sa participation à la motion de censure contre le gouvernement    Moody's abaisse la note de crédit des Etats-Unis à AA1 sur fond d'augmentation de la dette publique    La princesse Lalla Hasnaa inaugure la 28e édition du festival de Fès des musiques sacrées du monde    Le Maroc brille à Cannes : Abdelaziz El Bouzdaini, figure de proue d'un cinéma en pleine ascension    Sahara : Neither the EU nor any of its member states recognize the «SADR»    S.A.R. la Princesse Lalla Hasnaa préside l'ouverture du 28e Festival de Fès des musiques sacrées du monde    Comediablanca 2025 avance ses dates    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Beckett en amazighe ou l'amazighe à l'épreuve de la modernité
Publié dans Agadirnet le 02 - 05 - 2007

L'événement d'abord : le mois de décembre dernier, une troupe de théâtre gadirie a mis en scène, dans l'espace de l'IFA, la pièce symbole de Beckett : En attendant Godot. Une mise en scène de Mostapha Houmir et une traduction-adaptation de Mohamed Ouagrar, jouée par des jeunes qui se partagent la passion pour la langue amazighe et pour le théâtre. C'est cette passion qui explique la réussite d'un spectacle qu'on pourrait qualifier de «théâtre expérimental».
Au-delà de l'événement, il y a une épreuve, une autre parmi d'autres que l'amazighe subit (depuis sa légitimité !) pour prouver son statut de langue esthétique, capable de traduire la vision de l'autre dans son expression la plus singulière : l'absurde. Une épreuve dramaturgique, donc, qui entre dans les diverses manifestations (poétique, romanesque, cinématographique, intellectuelleŠ) que connaît l'Amazighe comme langue de la modernité.
En effet cette jeune troupe a choisi de dire en amazighe ce que la langue de Molière a réussi à exprimer pour un public occidental : l'absurde. C'est-à-dire le sens du non sens ; un jeu sur la langue qui dégage une philosophie et une esthétique : celle de l'autre. C'est un exercice où la langue se réfère à elle-même ; un exercice poétique au sens aristotélicien. Si nous partons du postulat que chaque langue a sa poétique, nous pourrons imaginer l'intérêt, mais aussi la difficulté, que présente le transfère d'une poétique en une autre. Tel est l'intérêt que présente cette mise en scène de la pièce de Beckett en amazighe.
La langue amazighe, grâce à la conjugaison du génie du traducteur et celui du metteur en scène, il faut l'avouer, la représentation a réussi la gymnastique linguistique de l'absurde. La preuve ? Le public a été captivéŠétonné au sens philosophique, durant deux heures : un spectacle qui a suscité l'éveil de la raison et de l'imagination ! (des rires, des applaudissements au milieu du spectacle, des questions aux voisins!). Une mise en scène qui captive par le fonctionnement de la langue : l'ennui ce jour-là était absent.
La troupe a réussi à faire partager avec le public un humour, une réflexion, une vision du monde empreints à la fois de la culture amazighe et de la culture occidentale. Ce n'est plus d'une esthétique élitiste qu'il s'agit mais d'une culture universelle à travers le prisme d'une culture locale.
Il faut dire cependant que l'apport des médiateurs, que sont le metteur en scène et le traducteur, se révèle dans le travail sur les signes non linguistiques amazighes : «les Clochards» de Beckett deviennent «des Bakchiches» soussis chargés de connotations qui rappellent celles des Fabliaux du moyen âge en Europe : des personnages réduits à leur intelligence élémentaire, au «bon sens» de Descartes. Une intelligence qui pose des questions qui touchent au sens oublié ou masqué par l'habitude et l'aliénation culturelle et sociale. A l'enfant de Beckett, c'est un fou à la Don Quichotte que préfère Mostapha Houmir, le metteur en scène. Ainsi l'enfant (une autre intelligence élémentaire), devient le trait d'union entre Godo, l'invisible, et des humains dans leur condition de mortels et surtout de chercheurs de vérité inaccessible, par le biais d'une intelligence dépouillée de tout, même de la culture religieuse : des humains sans Dieu (Pascal). Les noms subissent également un travail artistique ; ils perdent leurs connotations latines très marquées, liées à « Vladimir » et à « Estragon », pour devenir des noms universels : «Gogo» et «Didi», ainsi l'égalité entre les humains et Dieu et opérée !
L'intrigue garde sa rhétorique originelle car Beckett a réussi à donner à sa pièce la puissance d'une matrice universelle. La transposition en langue amazighe était naturelle. L'espace et le temps qui sont par essence des dimensions culturelles sont ancrés dans la culture amazighe. C'est l'aspect qui donne à la pièce plus de caché local. En effet, l'arbre générique de Beckett devient un arganier en deuil, dans un linceul blanc. Le travail sémiologique est intentionnel : la mort et la vie symbolisées d'une façon synchronique et non plus diachronique comme dans la pièce originelle. Une prouesse dramaturgique réussie.
Cependant l'essentiel est dans le langage car il s'agit bien d'une mise en scène de la langue amazighe qui devient la langue universelle : elle ne fait que traduire ce qui est universel dans les humains : leurs angoisses existentielles. C'est donc un langage d'humanité que cherche à tenir la pièce en amazighes, et elle a réussi. En effet dans la salle du spectacle, il y avait des français, des arabophones, des amazighophones : chacun reconnaît sa langue dans le rythme des phrases amazighes, dans leurs intonations, dans leurs sonoritésŠles gestes et les silences contribuent à la construction de la signification. Les acteurs, qu'il faut saluer ici, ont donné d'eux-mêmes pour habiller la gravité métaphysique du texte de Beckett d'un déguisement trivial et amusant, pour exprimer la mélancolie absurde dans un discours léger et divertissant. Que signifie donc En attendant Godo en amazighe ? Cela signifie avant tout que l'amazighe est une langue vivante comme les autres, qu'elle peut exprimer des poétiques quelle que soit leur origine, qu'elle porte en elle la puissance d'une langue universelle, qu'elle exprime à la fois sa vision du monde et celle des autres. Il suffit de lui donner la possibilité de le faire. C'est ce que l'IFA a fait ; car la liberté d'une langue, peut être aliénée (et sa seule faiblesse) par des rapports de forces autres que culturels.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.