Protection sociale : Le CESE alerte sur les défis structurels et propose une refonte globale    Karim Zidane : La Commission nationale des investissements a approuvés 191 projets    Le Maroc considère la solution à deux Etats comme essentielle pour la stabilité régionale    Lekjaa : L'organisation d'événements sportifs, un levier de développement    L'application des peines alternatives au menu du prochain Conseil de gouvernement    L'accueil par le Maroc de la prochaine AG d'Interpol reflète sa position de partenaire fiable face aux défis sécuritaires mondiaux (responsable sécuritaire)    Code de la procédure pénale : Ouahbi défend une refonte structurante et ambitieuse    Gaza : La solution à deux Etats, c'est faire de la paix une réalité    Le CAD d'Attijariwafa Bank propulse l'intégration économique africaine depuis le Caire    Ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier    Tanger Med: SKF inaugure une nouvelle unité de paliers magnétiques    Organisation de coopération de Shanghai (OCS) : Xi'an accueille un forum sur la réduction de la pauvreté et le développement durable    JPO de la DGSN : La Police montée, un engagement fort au service de la sécurité touristique au Maroc    "African Lion 2025" : Exercice de lutte contre les Armes de Destruction Massive au port militaire d'Agadir    « Jiutian »... le porte-avions aérien chinois qui redéfinit la suprématie aérienne    Xi Jinping appelle à une industrie manufacturière plus forte pour faire avancer la modernisation chinoise    Affaires étrangères chinoises : Taïwan n'a ni base, ni raison, ni droit de participer à l'Assemblée mondiale de la santé    Santé : L'OMS adopte un accord international sur les pandémies    Guerre en Ukraine : Lenteur et absence d'avancées hypothèquent un accord de paix    Espagne : une panne nationale de télécommunications perturbe les services d'urgence    Presse italienne : Le Maroc, un acteur stratégique dans une région sahélienne en pleine recomposition    FRMF : M. Fouzi Lekjaâ reçoit la délégation de l'Equipe Nationale U20    Bruges : Naples et Leipzig insistent pour Chemsdine Talbi    Le Maroc triomphe aux Olympiades de la chimie à Paris    Global Growth Conference 2025 à Rabat : focus sur le financement et la transition énergétique    Série A : Ce vendredi, terminus !    Hammouchi reçoit les membres de la DGSN et DGST en partance pour le pélerinage    JPO de la DGSN : une occasion de sensibiliser les enfants et les jeunes à la disparition des mineurs    La langue chinoise ouvre de nouveaux horizons... Histoires de réussite    Scandale de la vente de diplômes universitaires au Maroc : l'affaire "Qilach" révèle un réseau de corruption académique plus vaste que prévu    Les prévisions du mardi 20 mai    L'intérêt culturel en Chine se manifeste : plus de 1,4 milliard de visites dans les musées en 2024    Festival de Fès des musiques sacrées : l'Afrique au cœur de la Renaissance    Prochain Spider-Man : le Maroc en toile de fond ?    Festival de Cannes : Denzel Washington reçoit une Palme d'or d'honneur surprise    FNM : Le Musée Nejjarine de Fès, premier établissement à recevoir le Label « Musée du Maroc »    Voilà comment le gouvernement a rendu à la profession d'enseignant ses lettres de noblesse    Trafic illégal de plastiques agricoles : le Maroc cité dans une vaste affaire de déchets exportés depuis l'Espagne    Santé : Le Maroc à l'initiative d'un projet de lutte contre la pénurie des ressources humaines    Global Growth Conference 2025 : Le modèle marocain d'inclusion économique mis en exergue    Maroc-Zambie : Vers un approfondissement des relations bilatérales    Lutte contre la corruption: Le Maroc et la Côte d'Ivoire signent un mémorandum d'entente    Coupe de la CAF : Simba SC – RS Berkane se jouera à midi    United : Mazraoui, un record de polyvalence et de régularité    ADM digitalise davantage l'autoroute : l'application Jawaz, un tournant pour la mobilité au Maroc    « Semaine Africaine » : L'UNESCO lance les festivités    Projet Madrastna : L'école fait son show    Le cinéma chinois brille au Festival de Cannes : un pavillon dédié reflète l'essor de la créativité cinématographique chinoise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le retour des jeunes expatriés marocains, entre opportunités et déceptions
Publié dans Al3omk le 19 - 08 - 2019

SOCIETE – Si l'on parle souvent de la fuite des "cerveaux" marocains vers l'Europe ou l'Amérique du Nord, peu de documentation existe sur le retour de ces jeunes diplômés ou cadres dans leur pays d'origine. Après avoir passé 5, 10 voire 15 ans hors du Maroc, ils sont nombreux à choisir de rentrer, une fois leur diplôme en poche ou après une (ou plusieurs) expériences professionnelles. Mais certains hésitent aussi à repartir. Témoignages.
Fadoua est de ceux-là. Architecte de 29 ans, aujourd'hui réinstallée à Casablanca, elle a quitté le Maroc à 18 ans, juste après son bac dans un lycée français. "La suite logique était de partir étudier en France. Mon installation s'est passée en douceur car j'étais dans un internat en banlieue parisienne pendant 2 ans, en pleine campagne, nourrie et blanchie. J'ai ensuite pris mon envol pour la capitale, et ce pendant 4 ans. La vie estudiantine parisienne, la bohème… de belles années! J'avais enfin mon appartement à moi", se remémore-t-elle.
"J'appréhendais un peu le retour au bled"
Pendant son master dans le sud de la France, elle rencontre son âme soeur. Retour à la capitale, mais cette fois-ci à deux. "Puis un court séjour dans le nord de la France pour trouver du boulot… en vain!", explique-t-elle, crise oblige. "Malgré les nombreux CV parachutés un peu partout en France, on ne trouvait pas de travail. Nous avons donc décidé de tenter l'aventure au Maroc à deux".
Bingo. Deux semaines plus tard, Fadoua trouve un job dans la capitale économique, bientôt suivie par son mari français, qui trouve lui aussi du travail. "J'appréhendais un peu le retour au bled avec un gawri, mais finalement je n'ai jamais eu de soucis. Au début, c'était un peu compliqué dans le sens où nous n'avions plus nos repères, pas de vie sociale. Ma famille, le soleil et voyager au sein du Maroc était nos seules motivations de rester", explique-t-elle.
Pour Anwar, 31 ans, aujourd'hui auditeur interne au sein d'un groupe bancaire à Casablanca, le parcours est un peu le même, bien que le retour au pays faisait partie de ses plans dès le début de son expatriation. "J'ai quitté le Maroc juste après le bac, j'avais 17 ans à l'époque", raconte-t-il. Après deux années de fac en sciences mathématiques à Paris puis un master en finance dans un institut privé, il commence à travailler comme auditeur externe dans un cabinet d'audit dans la capitale française avant de rejoindre une agence étatique.
Lorsqu'il fait le bilan de son expatriation en France, Anwar constate qu'"au delà de tout apport académique et professionnel, les 13 années passées à Paris furent une expérience riche humainement". Mais pour lui, revenir au Maroc était une évidence. "Ce retour est planifié depuis le premier jour en France. Etant donné le potentiel de développement qu'offre le Maroc aujourd'hui, n'importe quel jeune est tenté par un retour au bercail", estime le trentenaire qui faisait partie, en France, de l'Association des Marocains aux Grandes Ecoles (AMGE), dont l'objectif principal est de faciliter le retour des étudiants et cadres marocains au Maroc. "Ce retour s'inscrit dans une démarche citoyenne avant tout."
Les raisons du retour
Alors que plus de neuf Marocains diplômés sur dix (91%) seraient prêts, s'ils en avaient l'opportunité, à partir travailler à l'étranger, selon une enquête réalisée en avril par le site Rekrute.com auprès de 1.882 sondés titulaires d'un bac +3, près des trois quarts des Marocains résidant à l'étranger (MRE) interrogés dans le cadre de cette étude pensent quant à eux rentrer au Maroc un jour.
Les principales raisons qui les poussent à envisager leur retour sont, dans l'ordre: la volonté de contribuer au développement du pays, la possibilité de mener une meilleure carrière après leur expérience acquise à l'étranger, la proximité avec la famille, l'envie de se lancer dans l'entrepreneuriat, et le coût de la vie plus bas.
Au contraire, l'environnement de travail peu stimulant, le style de management, la pression sociale, la crainte d'avoir des perspectives de carrière peu motivantes, le contexte économique et la peur de percevoir un salaire trop bas sont autant de raisons qui freinent les MRE à rentrer au Maroc. Des freins qui diffèrent en fonction de l'âge.
"Tous les débutants (100% des moins de 25 ans) ont surtout peur de se retrouver dans un environnement de travail peu stimulant. À cet âge, ils ont besoin d'acquérir de l'expérience et de progresser dans un milieu challengeant", indique Rekrute. "Les expérimentés et les seniors quant à eux, ont surtout peur de la pression sociale. Ils sont plus soucieux de maintenir une certaine liberté et leur qualité de vie."
Près de la moitié (44%) des Marocains désireux de tenter leur chance à l'étranger comptent y rester toute leur vie. L'autre moitié se divise entre ceux qui envisagent de rester entre 5 et 10 ans à l'étranger (27%) et entre 2 et 5 ans (23%). 6% comptent s'expatrier pendant moins de deux ans.
Changer de vie
Youssef, 32 ans, architecte dans un cabinet familial à Rabat, a quant à lui passé près de 15 ans en France, entre ses études à Toulouse et son premier job à Paris. "J'ai choisi de rentrer au Maroc pour changer de vie après mon expérience parisienne. Je ressentais une sorte de fin de cycle, et ai souhaité partir avec en tête de nouveaux objectifs", raconte-t-il.
Une vision partagée par Mehdi, 30 ans, juriste mais également DJ, qui a passé plus de 10 ans en Europe, entre la France, l'Angleterre et l'Ecosse pour ses études. Après un premier retour au Maroc en 2013 pour une année de stage, il décide de repartir en France suivre un master à Toulouse, puis entame une année d'expérience professionnelle dans la capitale.
"Paris m'a fatigué. Vie trop chère, recherche de boulot compliquée. Au Maroc, il y a plus d'opportunités, le soleil, la famille et surtout, je suis un passionné de musique électronique et tout est à faire ici alors qu'à Paris, c'est saturé à ce niveau-là", nous explique-t-il. "Quand je suis rentré au Maroc en 2013, je n'étais pas prêt, j'avais encore envie de la vie étudiante que je menais en France. Le retour en 2017 était plus intéressant dans la mesure où j'ai décroché un travail qui me plaît avec beaucoup de responsabilités, et j'ai créé un projet musical avec un ami qui démarre très bien", assure-t-il.
La tentation de repartir
Si tous les témoignages que nous avons recueillis se rejoignent sur les raisons du retour, généralement guidées par une opportunité de travail, le besoin de se rapprocher de sa famille et de changer de climat, revenir s'installer au Maroc implique des contraintes qui poussent certains jeunes marocains à envisager de repartir à l'étranger.
"Je ne pense pas rester longtemps au Maroc. L'état d'esprit en général ne nous convient pas. Les diverses libertés que l'on a pu avoir en France et le civisme des gens nous manquent", admet Fadoua, qui estime que son expérience professionnelle, enrichie par les responsabilités facilement acquises au Maroc, peut être une "valeur ajoutée" pour tenter à nouveau sa chance en France. "Après, je pense que pour la retraite, et avec des sous, on peut très bien vivre au Maroc. Donc peut-être, qui sait, un re-retour dans 30 ans…"
Pour Anwar, "travailler au Maroc pour un Marocain, c'est être au service de son pays et être près de sa famille. Psychologiquement, c'est une situation très confortable", reconnaît-il. "En revanche, l'aspect social est parfois un peu compliqué, la fluidité et la binarité des échanges manquent un peu à notre société. La société marocaine, comme n'importe quelle société, a ses codes, ses qualités et ses défauts. Il faut savoir en tirer le meilleur, tolérer parfois mais ne pas tout accepter. Il faut affirmer sa personnalité tout en restant humble: un exercice social pas toujours facile", poursuit-il.
La famille, les traditions, cela peut être un poids pour ces trentenaires qui se sont formés et ont entamé leur vie "d'adulte" à l'étranger. "Le Maroc est un package où il faut prendre tout ces éléments dans sa prise de décision. Dans notre culture méditerranéenne, la famille compte beaucoup. Mais pour être épanoui avec sa famille et dans la société d'une manière générale, il faut être épanoui professionnellement. In fine, tout est lié", conclut Anwar.
Youssef, de retour au Maroc depuis quelques mois seulement, dit se sentir un peu "étranger" dans son propre pays. "C'est un sentiment bizarre ou se mêlent repères d'enfance et nouveaux rapports sociaux et professionnels", explique-t-il. S'il envisage pour le moment de rester au Maroc, il se voit aussi vivre "dans un autre pays, sur un autre continent et découvrir d'autres choses. La vie est courte".
"Au bout de 4 ou 5 ans, beaucoup de gens sont désabusés"
Pour Mehdi El Yousfi, directeur général du cabinet de conseil en recrutement et ressources humaines DIORH, basé à Casablanca, "le principal élément qui incite les gens à repartir, c'est que le Maroc est un pays où il est difficile d'être heureux dans la vie professionnelle", tranche-t-il. "Dans l'entreprise marocaine, il y a encore beaucoup de choses à faire en termes d'équité et de transparence, à tous les niveaux: que ce soit dans la relation à l'environnement légal, dans le travail, la relation aux collègues, au management, aux clients, aux fournisseurs… Au bout de 4 ou 5 ans, beaucoup de gens sont désabusés". Selon lui, le Maroc ne bénéficie pas encore d'un "business friendly environment" (environnement propice au business).
Une vision partagée par Hamza Idrissi, fondateur de l'Initiative Careers in Morocco, organisateur de forums à l'étranger sur les opportunités de carrière au Maroc. "Il faut une réelle politique et stratégie pour accompagner le retour des talents au Maroc. Les jeunes générations sont encore plus exigeantes. Elles sont plus portées sur l'équilibre entre vie privée et professionnelle, à la recherche d'un cadre stimulant et en quête de liberté et de flexibilité. Elles ont du mal à s'intégrer dans le cadre local", explique-t-il au HuffPost Maroc. "Ce retour des jeunes expatriés est devenu circulaire: il ne s'inscrit plus dans une vision de retour définitif. Souvent, ces gens disposent de plusieurs nationalités et peuvent se déplacer agilement dans le cadre de leur projet professionnel".
Naoufel, 41 ans, superviseur en informatique de gestion, a vécu cette expérience. Parti du Maroc à l'âge de 19 ans pour s'installer à Montréal au Canada, il décide de rentrer après cinq ans d'études et une première expérience professionnelle. "Je n'avais jamais travaillé au Maroc, j'avais besoin d'être proche de la famille et de mes amis d'enfance. Aussi, je me suis marié". Mais après un an et demi passé dans une entreprise à Fès, il déchante. "Toutes les promesses à l'embauche n'ont pas été respectées. Je n'ai pas eu d'augmentation salariale et j'ai travaillé des heures supplémentaires sans être payé. On m'avait promis une évolution de poste et de m'aider pour avoir mon propre loyer. Je ne les ai jamais eus", confie-t-il, pointant du doigt les problèmes de l'administration marocaine, l'absence d'avantages sociaux, la corruption et le manque d'ouverture des gens. "J'ai ainsi décidé de repartir définitivement au Canada, car on vous donne la chance de réussir là-bas".
"On a une élite mondialisée qui compare très vite avec les autres pays. Le Maroc est un pays ouvert, qui avance, mais peut-être pas aussi vite qu'il faudrait. Il faut donc que les entreprises continuent à se moderniser. Elles ont pris conscience qu'il fallait qu'elles soient beaucoup plus attractives vis-à-vis de ces jeunes talents pour les garder, mais c'est encore très cosmétique", estime Mehdi El Yousfi. "Nous sommes aussi dans un pays où l'état de droit n'est qu'un mot, et où l'on peut avoir de gros problèmes avec l'administration. Cela n'incite pas à rester. C'est sur cet aspect-là que le Maroc doit travailler, afin de rendre le cadre beaucoup plus neutre et au service des gens, pour les inciter à rester".
3 conseils aux expatriés marocains qui souhaitent rentrer
Par Mehdi El Yousfi, directeur général du cabinet de conseil en recrutement et ressources humaines DIORH
1. Ne pas se faire d'illusions. "Mon premier conseil, c'est de ne pas avoir d'illusions en pensant qu'en rentrant au Maroc, avec un diplôme étranger, on devient une espèce d'objet rare. Ce n'est pas vrai. Le plus important, c'est de ne pas faire de complexe de supériorité en se disant qu'on rentre au Maroc comme des enfants prodigues."
2. Rentrer en ayant déjà trouvé du travail. "Le Maroc est un pays où les canaux du recrutement sont très mal ouverts, où ça marche beaucoup par cooptation, et où les opportunités ne sont pas forcément claires. Il est nécessaire de rentrer quand on a trouvé du travail – sauf si on rentre pour reprendre une affaire familiale, bien sûr. Le Maroc fait du sourcing en dehors du territoire, donc quand on vit à Paris ou à Londres, il y a moyen de trouver, depuis là-bas, du travail au Maroc."
3. Adopter une approche de long terme. "Il faut construire sur le long terme, parce que ce qui compte, c'est l'expérience et l'expertise. L'entreprise marocaine, en terme de gestion de la ressource humaine, ne le fait pas forcément très bien. Ce n'est pas une "productrice de bonheur". Il faut bien choisir la structure dans une approche de long terme. Quand on rentre à 25 ans, ce n'est pas non plus le salaire qui doit "driver" son choix. Le plus important à prendre en compte, ce sont les perspectives d'évolution, le cadre offert par l'entreprise, le management, l'environnement et les challenges."


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.