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La musique pour libérer la mémoire
Sotto voce de Kamal Kamal
Publié dans Albayane le 22 - 11 - 2015

Sotto voce est le troisième long métrage de Kamal Kamal. Il est écrit à partir de faits réels racontés à l'auteur par sa mère. Il nous précise dans un entretien : «Ma mère aimait raconter sa vie, et l'histoire de son passage d'Algérie vers le Maroc en 1958, à travers la ligne Morice ; elle revenait souvent avec des détails qui me laissaient clouer à mon siège à visualiser cette aventure à couper le souffle».
Le film s'ouvre justement sur un générique sobre : musique+texte blanc sur fond noir et qui fait référence à «une histoire vraie ». Les premières images apparaissent à la seconde 49, le générique continue avec les noms des comédiens. Les plans de la scène d'ouverture, montés avec des mouvements d‘appareil, sont une introduction qui met en scène une opposition entre une série de plans extérieurs : des paysages enneigés, des fils barbelés ; sans indication précises d'une date, et qui sont suivis immédiatement d'un plan de situation donnant une double information spatio-temporelle «Casablanca 2011» pour qu'une voix off nous accompagne dans un lieu fermé, non précisé. La voix se souvient. Cette double spatialisation nous offre une première opposition : un au-delà et un en-deçà ; entre l'extérieur lieu de l'histoire versus l'intérieur lieu de la mémoire. Tout le film sera le récit d'une traversée, celle diégétique qui amène un groupe de résistants et de jeunes à tenter de traverser la ligne Morice et sur un plan symbolique comment passer de la mémoire, forcément individuelle et sélective à l'histoire qui reste tributaire d'autres contingences. Cette barrière sera aussi franchie sur le plan esthétique avec le passage récurrent du langage audiovisuel du cinéma au langage théâtralisé de l'art lyrique.
Comment cette citation intervient-elle et à quelle moment. Nous découvrons une jeune fille arrivant pour s'installer dans une sorte de pensionnat. Elle porte un violoncelle. Elle attire l'attention d'un des pensionnaires. C'est Ba Hassan. C'est un vieux militant algérien ; arrêté au Maroc pour meurtre au temps de la révolution algérienne. Reclus et silencieux. Il avoue vivre sous le poids du passé. L'arrivée de la jeune fille va faire revivre cet épisode douloureux de sa vie. L'agression que va subir la jeune musicienne (séquence chargée délibérément d'ambigüité : qui a fait quoi et pour quoi ?) va précipiter la mise en parallèle du récit mémoriel (celui de Ba Hassan) – je l'appelle second- et le récit de la jeune musicienne – je l'appelle récit premier. Une image essentielle va ressurgir pour alimenter ce double voyage. Quand la jeune fille arrive au pensionnat, on découvre Ba Hassan en coiffeur coupant les cheveux de l‘un de ses colocataires. Or ce geste (couper les cheveux) est fondateur d'un épisode important du récit second celui que la jeune fille va déclencher. Une image apparaît à 3'56'' avec le personnage de Zahra, les cheveux complètement rasés. Je formule l'hypothèse que cette image ne fonctionne pas en ce moment du film comme flashback. C'est une sorte de souvenir rapide, une apparition ou plutôt en usant d'un concept deleuzien « d'image réminiscence».
«Le passé ne disparaît pas hors de l'être, qu'il n'est pas non plus stocké dans le cerveau, mais qu'il se conserve en soi, selon un mode d'être spécifique, à l'état virtuel. Cependant le passé ne nous est pas livré en tant que virtuel : l'opération du souvenir nécessite toujours une réactualisation». Ce processus de réactualisation est enclenché par la rencontre avec la jeune fille. C'est plus qu'un rêve, c'est un souvenir pur. C'est justement cette manifestation de cette nature qui est, selon Deleuze, l'enjeu de la réminiscence proustienne. «La réminiscence nous livre le passé pur, l'être en soi du passé». C'est un plan proustien et la jeune fille au violoncelle tient lieu de madeleine !
Cette séquence nous met sur la voie du déclenchement du récit second. Oral d'abord. Ayant sympathisé avec la jeune musicienne, Ba Hassan se met en position de narrateur. Il nous livre une série d'informations. Il était étudiant en médecine à Paris en 1954, mélomane, il aimait l'opéra qu'il comptait introduire dans sa démarche de praticien orthophoniste.
Le film prend en charge l'introduction de cette séquence du passé parisien de Ba Hassan avec un flashback original qui arrive à la 9'22''. Le retour au passé est préparé par la bande son avec le trouble créé chez le personnage par le violoncelle. C'est l'instrument qui ouvre le flashback. Cependant, la séquence est montée en deux moments avec une rupture au niveau de l'image. Le flashback concernant le passé du personnage est montré en noir en blanc ; dans une utilisation canonique de cette figure de style. Mais dès qu'il entre à l'opéra, on retrouve les images en couleur, donnant à l'extrait lyrique une autre dimension extra-diégétique, relevant d'un autre récit ; le récit en miroir. Il nous donne des informations à plusieurs niveaux.
Une dimension informative, stricto sensu : la passion de l'étudiant pour la création lyrique ; son projet d'en faire un adjuvant thérapeutique.
Une dimension dramaturgique : l'opréa raconte quelque chose et ce qu'elle raconte informe les événements futurs que va vivre le personnage principal, une fois rentré chez lui. L'extrait parle de devoir, de violence, c'est pratiquement une déclaration de guerre. On est dans l'extra-diégétique, relevant d'un autre récit ; le récit réfléchissant et anticipant le devenir du personnage. Là aussi, nous sommes en présence d'une mise en abyme prospective. Les extraits d'opéra reviendront à d'autres reprises (4 autres extraits suivront) scandant le récit principal et lui offrant des pauses, mettant le spectateur en situation de distance et l'invitant à une réflexion sur les événements historiques qu'il voit.
Ce n'est pas la seule forme de mise en double du récit. Le recours à la musique non comme adjuvant dramatique mais comme actant revient à des moments forts du récit. Kamal Kamal explicite ce constat fruit de l'analyse : «J'ai utilisé une version instrumentale de la chanson » «Je crois entendre encore» de Bizet, vers la fin du film. Beaucoup, qui ne connaissent pas les paroles vont la prendre pour une musique qui accompagne l'image. Pour les gens avertis, c'est une musique porteuse d'informations et surtout d'espérance pour cette fille qui s'est vu balafrer le visage :
« Je crois entendre encore
Cachée sous les palmiers ;
Sa voix douce et sonore ;
Comme un chant de ramiers ».


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