La mise en application de la Moudawana a mis en évidence plusieurs lacunes et dysfonctionnements au niveau de la pratique, a fait savoir Saadia waddah, juriste et militante des droits des femmes. La juriste a soulevé, de prime abord, les obstacles au niveau du fonctionnement du système judicaire lui-même qui n'est pas en phase avec l'avancement et la modernisation du Code de la famille. Pour elle, si le bilan de l'application du code de la famille a fait émergé la recrudescence du recours au divorce à l'amiable, cela prouve la maturité acquise par les couples et leur option pour le dialogue et les négociations au lieu du conflit. N'empêche, la hausse du niveau du nombre de divorces consensuels requiert aussi une autre lecture, souligne la juriste. « Les couples recourent à cette forme de divorce parce que le tribunal ne leur rend pas justice ». La difficulté émane d'abord de l'impossibilité, parfois, à connaître la réalité des revenus de l'époux. « Dans ce cas de figure, on a eu plusieurs fois affaire à des déclarations fausses sur le revenu du mari. Ce qui ne permet pas aux femmes d'avoir accès à leurs droits », justifie Mme Wadah. Le problème est surtout posé pour les époux exerçant des métiers libéraux à qui les tribunaux réclament des attestations d'honneur qui constituent la preuve de leurs ressources. Quand au mariage des mineures, Saadia waddah estime que la loi devrait statuer définitivement sur l'âge du mariage. Car, précise-t-elle, le code de la famille actuel donne au juge le pouvoir d'appréciation. L'absence d'un système unifié, pour l'estimation des indemnités, constitue également un hic majeur. «Le ministère de tutelle doit normalement faire appel à des experts pour mettre en place un barème clair pour la détermination des indemnités de divorce avec des indicateurs précis, notamment la période du mariage, le revenu, etc». Saadia wadah met aussi l'accent sur un autre écueil de taille qui entrave l'exercice judiciaire. Cela concerne l'absence des moyens logistiques des tribunaux. Un déficit qui cause un retard énorme dans le jugement des dossiers. « C'est le cas par exemple du tribunal d'appel de Casablanca. Les dossiers traités début octobre sont reportés à janvier de l'année suivante», selon la juriste. Cette situation n'est pas sans conséquence sur la situation des femmes et des enfants.