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«Le Maroc gagnerait à développer une éducation artistique dès le plus jeune âge»
Publié dans Albayane le 05 - 12 - 2019

L'association Kane Ya Makane fête ses 10 ans cette année. Zoom sur le bilan de cette association qui a fait de l'art un vecteur pour l'autonomisation des femmes et l'éducation des plus jeunes. Les détails avec Mounia Benchekroun, présidente-fondatrice.
Propos recueillis par: Danielle Engolo
Al Bayane : Quels ont été les principaux projets que vous avez lancés au cours de ces 10 dernières années ? Quel bilan en faites-vous?
Mounia Benchekroun : Kane Ya Makane fête effectivement ses 10 ans cette année et nous en sommes très heureux. Durant cette décennie, nous avons mené 2 projets, le premier en faveur de femmes rurales et le second, dont on a très peu parlé jusqu'à présent, c'est le projet Tanouir. Il s'agit d'un projet que nous avons créé sur mesure à partir de fin 2010 en faveur des élèves des écoles publiques situées en milieu rural.
Son objectif général à l'origine était de lutter contre l'abandon scolaire qui sévissait fortement à l'époque dans les écoles publiques et en particulier dans le monde rural.
Et la manière dont nous avons choisi de le faire, c'était en offrant à tous les enfants des écoles dans lesquelles nous intervenions un programme artistique sous forme d'ateliers hebdomadaires, alternant contes, comptines, arts plastiques, BD, marionnettes, théâtre, et activités autour du jeu.
L'objectif spécifique de ces ateliers tels que nous les avons pensés, était d'agir directement sur leur épanouissement, leur éveil (projection, questionnement et transmission de valeurs) et leur créativité.
Donc l'idée c'était vraiment de leur offrir au sein de l'école un espace bienveillant, enveloppant et ludique qui allait les réconcilier avec l'école, avec l'apprentissage. Il était question également de faire que cet espace (la salle tanouir) dans lequel ils allaient passer 4 années – durée moyenne du projet dans les écoles) leur permette de s'explorer en toute sécurité, de découvrir leur richesse, leur identité, d'avoir accès à leur imaginaire, à leur créativité, d'apprendre à s'exprimer, de prendre conscience de ce qui les anime, les fait vibrer, les amener progressivement à laisser émerger leurs rêves, à développer leurs capacités de projection pour imaginer leur vie et stimuler leur curiosité naturelle, les refamiliariser avec le questionnement comme outil de conscience de soi, de l'autre et du monde qui nous entoure.
Après une première phase du projet sur la période 2010-2013, nous avons rajouté un programme de français à la demande de tous (élèves, professeurs, parents, directeurs), que nous avons conçu en privilégiant aussi une approche très ludique. Parallèlement, des formations associant la pédagogie à un volet ludique (le conte, le théâtre ou le jeu comme outil d'apprentissage) étaient dispensées aux instituteurs de nos écoles d'intervention.
En terme de bilan, au niveau quantitatif, ce sont 21 000 enfants qui ont bénéficié sur une durée moyenne de 4 ans de notre programme Tanouir, 28 écoles publiques, plus de 320 instituteurs que nous avons formés. Au niveau qualitatif, nous avons constaté avec grande satisfaction que le pari initial, qui était d'agir positivement sur le développement personnel et éducatif des enfants à travers un programme artistique, a été gagné. Et ce, de l'avis de tous, des enfants, des parents, des instituteurs, des directeurs, des représentants provinciaux de l'Education Nationale, qui souhaitent tous sa généralisation dans les écoles publiques. L'impact du projet est probant, qu'il s'agisse de leur lien à l'école, à l'apprentissage, de leurs capacités de projection, à leur façon d'être, aux valeurs qui leur ont été transmises, de leur liberté d'expression, de confiance en soi et de leur ouverture sur un champ des possibles que le projet a permis d'élargir.
Dans les zones rurales où vous êtes intervenus, ya t'il eu un impact positif en termes de développement, au cours de ces 10 ans?
Le programme «Talents de femmes» et le programme «Tanouir» ont eu tous les deux un fort impact sur leurs bénéficiaires. Avec «Talents de femmes» qui s'est déroulé dans la région berbérophone d'Agadir, les femmes ont pu révéler un véritable talent artistique après avoir été formées par de grands peintres marocains et étrangers. Ce programme a eu un impact économique direct sur ces femmes, puisque 70% du produit des ventes de tableaux a été reversé à la coopérative créée pour l'occasion. Ce projet a également créé une activité sociale dans le douar où il n'y avait pas avant de lieu pour discuter, échanger et se retrouver. La peinture est aussi une activité thérapeutique d'expression de soi, d'accès à son imaginaire. L'apport financier leur a également permis d'acheter un terrain pour abriter le local de la coopérative.
Il est important d'appuyer le développement socio-économique des femmes qui dans la société marocaine, y compris dans le milieu rural, jouent un rôle primordial dans la scolarisation de leurs enfants, la santé et l'hygiène.
De son côté, le programme Tanouir a produit un impact majeur sur les enfants, mais aussi sur le personnel enseignant. Au fil des années, nous avons pu mesurer comment le projet permettait aux enfants de mieux se connaître, de se situer par rapport au monde qui les entoure, de se questionner et de se projeter dans l'avenir. Les enfants peuvent ainsi faire le lien entre ce qu'ils ont envie de faire plus tard et la nécessité de poursuivre une scolarité. Les parents témoignent eux aussi de la transformation qu'ils observent chez leurs enfants qu'ils trouvent plus matures et responsables. Ils projettent également pour leurs enfants des rêves qui pouvaient paraître inaccessibles, mais finalement tout à fait envisageables par la poursuite de leur scolarité et la persévérance. Quant aux enseignants, ils mesurent comment le programme Tanouir facilite leur travail au quotidien avec des enfants qui se sont mis à aimer l'école ! De leur côté, ils ont pu acquérir de nouvelles techniques plus ludiques qui leur permettent d'améliorer leur enseignement.
L'art en tant que vecteur de développement. C'est le pari que relève votre association? Peut-on dire aujourd'hui que le Maroc peut surfer sur l'art pour éradiquer la pauvreté?
Ces deux projets témoignent selon nous de la force de l'art et de la culture comme vecteurs de développement éducatif, personnel, et socio-économique, pour peu qu'on les mette au service des priorités des bénéficiaires qu'ils ciblent et qu'on le fasse avec professionnalisme.
En ce qui concerne la question de la pauvreté, cette dernière repose sur de nombreux autres facteurs et mécanismes que l'art et la culture ne peuvent naturellement pas résoudre seuls.
Si on prend l'exemple de la poursuite de la scolarisation jusqu'à l'obtention de diplômes ouvrant l'accès au marché du travail, notre programme apporte une contribution importante à l'école publique pour que les élèves retrouvent un lien positif à l'apprentissage et poursuivent leur cursus scolaire, outillés de soft skills qui leur seront très utiles dans leur vie; mais il ne pourra nullement se substituer à une éducation de qualité, ni régler tous les problèmes à l'origine de l'abandon scolaire. Il ne pourra non plus pallier au décalage existant entre de nombreux cursus universitaires et les besoins des entreprises.
De la même manière, faire éclore le talent de ce groupe de femmes a certes permis de les renforcer socio-économiquement, mais cela a exigé de nombreux efforts de notre part pour organiser des expositions destinées à vendre leurs œuvres. Sans ces efforts, et en l'absence d'une véritable politique culturelle et artistique, les effets économiques de notre projet resteront limités et s'estomperont dans le temps, faute de relais institutionnel et/ou privé.
Par contre, même si l'art et la culture ne peuvent à eux seuls éradiquer la pauvreté, il nous parait essentiel de souligner leur rôle néanmoins fondamental pour toute nation. Ils font partie intégrante de l'identité d'un pays, de son histoire, qu'ils contribuent par ailleurs à alimenter.
L'art a aussi pour effet, de toucher, d'émouvoir, d'ouvrir le cœur des gens, de questionner et de faire avancer, de nourrir les êtres de beauté, de stimulants sensoriels, intellectuels. Il permet de renforcer la cohésion d'une société, son ancrage identitaire tout en favorisant son ouverture vers l'Autre.
Pourquoi avoir choisi au cours de ces années principalement la peinture pour autonomiser les femmes ? Quid des autres formes artistiques et leur contribution au développement socio-économique des femmes?
Avec Talents de femmes, c'est effectivement la peinture qui a été choisie comme discipline initiale d'expression car c'est celle dont on se sentait le plus proche. Il s'agissait d'ouvrir un champ des possibles au travers de cette discipline, de faire prendre conscience aux femmes, à travers cette activité, de leur potentiel et de renforcer leur confiance en elles, de leur offrir un espace d'expression, d'échange, dans un contexte, le milieu rural, très peu épanouissant pour le genre féminin. De surcroit, le fait que ces femmes aient pu percevoir un revenu à travers cette activité artistique a permis de légitimer cette dernière, de leur donner une certaine liberté ainsi qu'une ouverture vers l'extérieur qui n'auraient pas été envisageables auparavant.
Par la suite, nous avons formé les femmes à la création de bijoux, domaine dans lequel leurs capacités créatives ont pu se redéployer, et elles-mêmes ont organisé une formation à la peinture sur soie. Finalement, la peinture était là comme une première étape, un socle, pour les faire accéder à leur créativité si riche.
Peut-on dire aujourd'hui que l'éducation artistique au Maroc est sur la bonne voie ? Comment l'évaluez-vous au Maroc et comment le royaume pourrait-il à votre sens la généraliser?
Sincèrement, nous sommes peu qualifiés sur la question. Nous pensons simplement que le Maroc gagnerait beaucoup à développer une véritable politique culturelle, qui inclurait naturellement une éducation artistique dès le plus jeune âge, mais aussi l'appui à la création artistique, le développement de l'offre artistique et culturelle, et de son accès à tous.
Au cours de ces 10 années, quels ont été vos défis dans la réalisation de vos projets ? A quelles difficultés avez-vous buté?
Nos deux principaux défis sont en premier lieu la question des ressources humaines : nous rencontrons effectivement régulièrement des difficultés à recruter des personnes engagées et compétentes, ce qui est particulièrement difficile à gérer dans un contexte de toute petite structure siège (5-6 personnes). Cela fait en outre plus de 5 années que nous cherchons un directeur pour Kane Ya Makane et que toutes nos tentatives n'ont pas été concluantes.
Si durant toutes ces années, le financement de nos programmes a régulièrement été assuré, majoritairement par des partenaires étrangers, aujourd'hui, notre défi est de faire connaitre nos projets et leurs impacts réels sur le terrain (une des raisons majeures de la célébration des 10 ans, qui a demandé un grand temps de préparation) pour donner envie à de nouveaux partenaires, entreprises et institutionnels, de contribuer à l'amélioration de l'éducation par le financement de notre programme Tanouir.
Quelles sont les perspectives de l'association pour les prochaines années?
Sur la prochaine décennie, nous souhaitons, parallèlement à la poursuite du déploiement en direct du programme «Tanouir» dans des écoles publiques, créer les conditions de sa généralisation au sein des écoles publiques et d'autres institutions (associations…). Notre programme est entièrement documenté, qu'il s'agisse des programmes par niveau scolaire, (nous intervenons auprès des enfants des niveaux de 1ère année primaire à la 6ème année primaire) des fiches pédagogiques, des guides de procédures… Si nous avions initialement fourni cet effort de formalisation pour assurer la qualité de déploiement sur le terrain, parallèlement à une formation et un encadrement rapproché de nos animateurs, il constitue aujourd'hui un point fort qui facilitera sa duplication et le transfert de notre savoir-faire auprès de tous les acteurs qui auraient la volonté de le déployer directement.


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