Déposez ici vos affaires, débarrassez-vous de votre sac, de votre téléphone, fermez les yeux, et laissez-vous guider, en confiance… C'est ainsi qu'a commencé mon aventure. Le groupe Ici-Même, est venu de Grenoble particulièrement pour partager avec nous, une expérience hors du commun, une balade sonore. Ce groupe composé essentiellement de jeunes artistes et architectes est venu nous faire découvrir la capitale économique du Maroc à travers les sons ! Moi qui suis arrivée à Casablanca il y a à peine quatre jours, et qui ai du mal à m'y repérer, quand j'ai entendu dire qu'il y aura une promenade «guidée par des experts», je me suis dit que je ne peux espérer mieux et je n'ai pas hésité, une seconde, à répondre présente. Ma joie et ma soif de découverte ne dura pas longtemps. Une fois arrivée sur les lieux, on me demande de me débarrasser de tout ce qui m'est essentiel (téléphone, sac à main, montre..), et un monsieur qui m'est complètement inconnu s'éloigne en emportant mes petits bijoux dans un cadi ! En voyant ce spectacle, j'avais envie de crier «au voleur !» pour récupérer mes affaires à tout prix ! Mon manque de courage m'en a (heureusement) empêché. Il ne s'agissait pas d'une visite touristique de la ville de Casablanca, c'était une flânerie aveugle au vrai sens du terme. Les yeux fermés, je me laisse guider par un inconnu dans un espace qui m'est également inconnu. La seule chose qui me rassura, c'est l'écoute des sons intimes de la ville, des sons qu'on ne perçoit pas les yeux ouverts mais qui ne nous sont pas du tout étrangers ! On marchait lentement, je sentais des frôlements, des bruits de fonds auxquels je n'aurai jamais accordé attention, des petites paroles chuchotées, des éclats de rires que j'ai eu la sensation d'entendre pour la première fois de ma vie. Je sentais la chaleur des restaurants, la vitesse des voitures et le bruit insupportable plus que jamais des voies de circulations. Quoique j'aie les yeux fermés, j'ai pu sentir la lumière, je différenciais facilement entre un espace clos et un espace ouvert. Au cours de cette douce flânerie aveugle, j'ai découvert à la fois la diversité culturelle de notre pays et la grande schizophrénie dans laquelle on baigne. J'ai eu droit à toutes formes d'expressions, à la plupart des cafés et épiceries dans lesquels mon guide (dont j'ignore toujours l'identité) m'a fait entrer, je n'entendais que des paroles en langue amazigh, que j'essayais de déchiffrer dans l'espoir de savoir où j'étais mais sans résultats. Dans la rue, j'avais l'impression d'être téléportée vers un pays francophone, les gens «marocains ordinaires» ne communiquaient entre eux qu'en langue française. J'ai pu réaliser à quel point notre colonisateur a gardé ses traces en nous. Avec une telle expérience, vos repères laisseront peu à peu place à un paysage sonore, olfactif, tactile et subjectif. Ce parcours sonore a la délicieuse faculté de mettre tous vos sens en éveil et vous fait vivre une expérience sensorielle, poétique, hors du commun. Durant une heure de ma vie, j'ai fait partie de tous ces non-voyants qui perçoivent la ville autrement, Casablanca, pour moi comme pour eux, n'est pas seulement des zones, des quartiers et des voies de circulation. Ma première découverte de cette ville s'est faite d'abord de sons, odeurs, et lumières. Cette virée m'a touchée, m'a fait vibrer de manière unique et inattendue… * Journaliste stagiaire de l'ISIC