À quelques mois des prochaines échéances électorales, plusieurs formations politiques marocaines réorientent leur discours et leur communication en direction d'un électorat jeune marqué par une montée des revendications sociales et des mobilisations spontanées. Les réactions de la majorité et de l'opposition illustrent une même volonté d'intégrer la jeunesse dite « Génération Z » au centre du débat politique, dans un contexte où les réseaux sociaux constituent le principal espace d'expression et de contestation. Le 2 octobre 2025, le chef du gouvernement et secrétaire général du Rassemblement National des Indépendants (RNI), M. Aziz Akhannouch, s'est exprimé après une période de silence ayant suivi les manifestations initiées par le collectif GenZ 212. Il a indiqué que « l'Exécutif restait disposé à dialoguer et à répondre aux revendications sociales ». De plus, son parti s'est montré « prêt à dialoguer avec la jeunesse et à répondre positivement à ses attentes« , tout en organisant des rencontres avec des jeunes influenceurs pour « instaurer un dialogue direct et apaiser les tensions« . Parallèlement, le porte-parole du gouvernement, M. Mustapha Baitas, est intervenu le 4 octobre sur Medi1TV pour défendre le bilan de l'Exécutif en matière de couverture sociale et de santé, rappelant que ces réformes figuraient parmi les priorités gouvernementales. Au sein de la majorité, d'autres ministres ont également multiplié les prises de parole. Le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, M. Mehdi Bensaid, premier à s'être exprimé, a reconnu à plusieurs reprises un déficit de communication et la nécessité d'adapter les méthodes de dialogue aux nouvelles générations. Lire aussi : Les manifestations des deux derniers jours se sont déroulées sans aucun comportement de nature à transgresser le droit au rassemblement pacifique De même, la ministre de l'Aménagement du territoire national, de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Politique de la ville et coordinatrice du Parti authenticité et modernité (PAM), Mme Fatima-Zahra El Mansouri, a rappelé le 30 septembre à Marrakech que le déficit national atteignait trente mille médecins, tout en qualifiant les manifestations de « légitimes« , reconnaissant qu'en tant que responsables gouvernementaux, « nous n'avons pas réussi à accomplir nos missions« . Toutefois son intervention a été perçue comme une « découverte tardive de la détresse de la jeunesse« . Pour sa part, le ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, M. Younes Sekkouri, a insisté, le 2 octobre, sur la nécessité d'un dialogue structuré et d'une hiérarchisation des priorités, reconnaissant que « certaines priorités nécessitent une réponse urgente, tandis que d'autres requièrent du temps« . Le ministre s'est dit « prêt à revoir les priorités » gouvernementales. De son côté, le secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, M. Nizar Baraka, a lancé le programme « Equipe Génération Z », qui a réuni plus de deux cents participants, ainsi que l'opération « Microphone Ouvert », destinée à favoriser l'expression libre. Il a également admis lors de son passage sur la chaîne 2M, des retards dans plusieurs chantiers gouvernementaux et a plaidé pour la création d'une Académie numérique nationale afin de canaliser les propositions des jeunes. En outre, il est considéré comme le plus réactif de la majorité, tentant un « engagement direct » avec la jeunesse. Le navire prend l'eau... Dans le camp de l'opposition, le secrétaire général du Mouvement Populaire (MP), Mohamed Ouzzine, a convoqué le 2 octobre une réunion « extraordinaire » de son bureau politique au cours de laquelle il a saisi l'opportunité pour mettre en cause la majorité pour sa gestion des politiques sociales. De plus, le MP a proposé une révision structurelle des stratégies dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'emploi et du logement. Il a également suggéré la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les causes du mouvement social. En parallèle, l'ancien chef du gouvernement et dirigeant du Parti de la Justice et du Développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a reconnu « la légitimité des revendications » tout en appelant les jeunes à « suspendre leurs manifestations« . Il a averti : « Votre message est arrivé, et toute poursuite des protestations aura des conséquences graves« . Pour sa part, le secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme, Nabil Benabdellah, a déclaré que le gouvernement avait perdu la confiance d'une partie de la population et devait selon ses mots « envisager une démission anticipée ». En outre, d'autres figures politiques ont également cherché à se positionner. La secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), Nabila Mounib, a participé physiquement aux manifestations à Casablanca avant d'être critiquée par le collectif GenZ 212, qui a rejeté toute tentative de récupération politique. Face à cette mobilisation, la majorité gouvernementale, composée du RNI, du PAM et de l'Istiqlal, a tenu une réunion élargie le 30 septembre pour affirmer avoir « pris acte et compris les revendications exprimées par la jeunesse sur les réseaux sociaux » et ont fait part de leur « prédisposition à y répondre favorablement à travers le dialogue pour parvenir à des solutions réalistes et applicables« . Aujourd'hui, les formations politiques investissent également les espaces numériques, notant que plusieurs d'entre elles observent les échanges sur les plateformes fréquentées par les jeunes, notamment Discord, qui a rassemblé jusqu'à douze mille utilisateurs simultanés au plus fort des discussions du collectif GenZ 212.