Trois questions à...Khalid Zaïri, documentariste... Khalid Zaïri, jeune cinéaste, producteur, ayant déjà accumulé une riche expérience à la télévision (la célèbre Lalla Fatéma ou encore Bnat Lalla Mnana...) et au cinéma (fiction et documentaire), entame aujourd'hui un ambitieux projet de documentaire sur le tristement célèbre Mora, ancien officier de l'armée française, engagé par les compagnies minières pour recruter de la main d'œuvre du Maroc profond... Après la chair à canon, des bras pour le charbon. Il nous en dit plus Tu viens de rentrer de France où tu as tourné une partie de ton film consacré aux mineurs marocains recrutés dans les années 1960 et 1970 ; dans une déclaration au média français La voix du nord, tu parles d'un film mémoriel et générationnel...Peut-on nous en dire plus ? C'est un film sur notre mémoire collective, celle des femmes et des hommes, des exilés «économiques et climatiques », de plus de soixante-six mille marocains, essentiellement originaires du Sud du Maroc, partis travailler pour les charbonnages de France dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, tous recrutés par un seul et même homme : Felix Mora, ancien officier français. Le film est une collecte de mémoire orale de ces valeureux hommes, il restitue des moments de leurs aventures d'exils. Une mémoire partagée entre deux espaces et deux univers de référence, le Maroc et la France. Entre deux et trois générations, celle des pères, des fils et petits-fils. Il pallie à ces silences sur la mémoire individuelle et collective, des migrants marocains en France ; il a à cœur d'affermir le lien entre les générations, entre mineurs et leurs descendants. Le film donne à voir tout un pan méconnu de l'histoire des mineurs marocains en France, en écho à celle de Félix Mora. Les protagonistes témoignent de la diversité des parcours et des expériences, la leur et celle de leurs parents. Le film célèbre leur parcours de vie, la résilience de leur exil économique, il œuvre à faire connaître l'histoire méconnue des mineurs marocains en France pour leur rendre un juste hommage et perpétuer leur mémoire. A travers ces convulsions mémorielles de mes protagonistes, le film revisite la banalité de leur blessure intérieure, de leur souffrance Il pose aussi la question de la continuité sociale, et du rapport entre générations avec, en filigrane, les questions de reconnaissance sociale et de reconquête mémorielle. Les témoignages de mes protagonistes sont utilisés comme un élément constitutif de l'ensemble de film et non pas comme un contrepoint illustratif ou probatoire. Le film ambitionne de faire participer les mineurs marocains à l'élaboration de leur propre histoire, une tentative de réappropriation de l'Histoire "par le bas". Une volonté confirmée de prise de position sur le passé sur la question de l'histoire migratoire marocaine. Comment est né le projet et quelles sont les phases qui ont marqué sa conception pour ne pas dire son écriture puisque on est dans un documentaire ? L'idée est née à travers une discussion avec mon très cher ami et camarade Mohammed Bakrim (envers qui je suis très reconnaissant, c'est grâce à lui que j'ai pu faire des études de Cinéma) sur son blog http://assaiss-tifaouine.blogspot.com/2015/08/. Dans sa description ethnosociologique de la route RN 203 qui relie Marrakech à Taroudannt, Mohamed Bakrim cite le nom de Félix Mora et parle des mineurs marocains en France. Nous avons évoqué alors l'idée d'un documentaire sur le sujet. Une première monture du projet a été élaborée par Mohammed Bakrim, elle a été développée après différents repérage en France et au Maroc. Ensuite, le projet a participé à l'appel d'offre de 2M, il a été retenu. En suite le projet a été réécrit, en fonction de l'évolution des repérages mais aussi des scripts doctoring. Aujourd'hui la première partie a été tournée entre le Maroc et la France, la deuxième partie se fera le mois de Mai 2022. Je tiens à remercier tous ceux qui ont cru à ce projet monsieur Réda Benjelloun de 2M, Nada Abou Ghanim, la commission du fonds d'aide (l'avance sur recettes du CCM) et le grand Producteur Norvégien Egil Odegard. Outre le tournage en France sur la trace des anciens mineurs et de leurs descendants aujourd'hui, quelles sont les régions marocaines concernées par le sujet ? Le film va dans le Maroc profond qui est très rarement filmé, il donne à voir certains petits villages et Douar du Sud d'où sont partis les mineurs, comme Manzala, Tenkert, Ifrane anti Atlas, Tafingoult. Cela concerne aussi les villes comme Agadir, Ouarzazate, Tiznit, Marrakech, Guelmim.