Conseil National du PI : La moralisation des élections pour une gouvernance forte et égalitariste    Le Maroc face au défi de l'eau : Comprendre, agir, anticiper...    Congrès Mondial de l'Eau : Les ressources hydriques face à la fragilité déférlante des équilibres    Youcef Belaïli : Hakimi mérite le Ballon d'Or africain    Ligue 1 : Titularisé, Nayef Aguerd en difficulté face au TFC    « Derrière les palmiers », de Meryem Benm'Barek : À Tanger, l'amour n'est jamais innocent    « Calle Málaga » : Maryam Touzani chante Tanger, la mémoire et le droit de rester    Dakhla : Bientôt la construction de l'Ecole nationale des technologies avancées    Benjamin Netanyahu demande la grâce présidentielle    Sahara : Moncef El Marzouki critique l'attitude de l'Algérie    Khalid Alami Houir élu nouveau secrétaire général de la CDT    En présence de l'ambassadrice de Chine... Lancement de la 4e édition de la "Coupe de l'Ambassadeur" de Wushu à Témara    1/4 de finale CDM (f) Futsal : Maroc-Espagne ce lundi: Horaire ? Diffusion?    Tournoi UNAF U20 (f) : Les Lioncelles face à la Jordanie en après-midi    Coupe Arabe FIFA 2025 : Une réforme historique dans le mode de calcul du classement mondial des sélections nationales    Abderrahmane Sennaghi reçoit un doctorat honorifique pour ses efforts de coopération sino-africaine    Le Real Betis donne des nouvelles sur l'état physique de Sofyan Amrabat    Bourse de Casablanca: 5 milliards d'échanges au mois de novembre    Un réseau de sociétés fictives épinglé pour fraude douanière massive    Aradei Capital : Un chiffre d'affaires en hausse de 6% à fin septembre    Aziz Akhannouch : « Construire le Maroc fort et équitable que nous méritons »    Desde Marruecos, Moncef El Marzouki critica la política argelina sobre el Sahara    Moroccan embassy launches mobile consulate in Shanghai to assist nationals    The Polisario Front seeks $100 million in humanitarian aid    Saâd Benmbarek : « Valoriser les acquis et faire mieux dans le futur »    « La voie des réalisations » incarne une dynamique partisane inédite au Maroc    Le Prince Moulay Rachid préside un dîner offert par SM le Roi à l'occasion de l'ouverture officielle de la 22e édition du FIFM    Le temps qu'il fera ce dimanche 30 novembre 2025    Des mesures draconiennes prévues pour stopper la peste porcine en Espagne    Fès-Meknès: Plus de 5.000 entreprises créées en 2025    Rencontre à Rabat à l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien    Le FIFM rend hommage à Jodie Foster    Le Prince Moulay Rachid préside le dîner royal d'ouverture du FIFM    Taza : Un incendie fait des ravages au marché de la médina    Le temps qu'il fera ce samedi 29 novembre 2025    L'initiative d'ouvrir un consulat mauritanien à Laâyoune place Nouakchott devant un nouveau test diplomatique    Akhannouch détaille une nouvelle dynamique industrielle et sociale pour Rabat-Salé-Kénitra    La Chine enregistre en octobre un excédent commercial de plus de 640 milliards de yuans    Dakhla : Inauguration du siège de l'Académie Africaine des Sciences de la Santé    Chutes de neige et fortes pluies locales parfois orageuses dans plusieurs provinces du Royaume    FIFM : IA, création et avenir du 7e art, le jury de la 22e édition prend la parole    FIFM : Avec "Sirât", Oliver Laxe puise dans le désert marocain pour un cinéma des extrêmes    Marrakech Film Festival launches with diverse lineup and iconic tributes    Amérique du Sud : L'Algérie et le Polisario se répartissent les missions    Le Maroc organise à Athènes le 1er Symposium international méditerranéen « Atlas »    Les Etats-Unis vont réexaminer les « Greencards » détenues par les ressortissants de 19 pays    SM le Roi félicite le Président mauritanien à l'occasion de la fête nationale de son pays    Médias : Rabat désignée capitale arabe de l'information pour 2026    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Jeux sans frontières
Publié dans Albayane le 10 - 04 - 2023


Mohammed Bakrim
« Ce qui est beau chez Tchekhov, c'est qu'on ne sait jamais qui a tort et qui a raison »
La question des rapports cinéma-théâtre ne peut être réduite à la seule dimension de l'adaptation. Celle-ci n'en constitue qu'un aspect. Ce sont des rapports inscrits dans une historicité du fait même que le cinéma est venu après le théâtre mais avec des ambitions qui n'ont pas manqué de bousculer la hiérarchie des traditionnels des arts.
D'une manière synthétique, on pourrait schématiser l'évolution chronologique de ces rapports à travers trois grandes phases. Il va sans dire que c'est un découpage porté par les grandes tendances et qu'il ne s'agit nullement de segments définitifs, les frontières étant poreuses et les rapports théâtre/cinéma marqués par une élasticité esthétique et dramatique. Nous distinguons une évolution en trois grands moments
* Un moment de « filiation »
* Un moment de rupture
* Un moment de coexistence et de libre échange
Un moment de filiation au tout début de ces rapports où le cinéma s'est beaucoup « appuyé » sur le drame, les pièces de théâtre notamment pour se forger une place au soleil. On sait qu'au départ le cinéma a souffert d'un déficit de légitimité artistique. Je rappelle que pour ces initiateurs y compris Louis Lumière « ce n'est qu'une industrie qui n'a pas d'avenir ». Le succès de la première projection publique l'a cantonné dans la case d'un simple spectacle forain destiné à la plèbe. Il était rejeté par les intellectuels de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle ; « un simple divertissement d'ilotes ; un passe-temps pour les illettré » écrira par exemple Georges Duhamel. Longtemps, il s'est comporté ainsi comme un enfant illégitime. Certains créateurs inspirés sont allés puiser dans le patrimoine consacré par la culture légitime pour prouver que le cinéma jouer dans la cour des grands ; on a alors commencé à adapter des chefs-d'œuvre de théâtre et de la littérature. Un mouvement qui s'étend dans toute l'Europe (on adapte Victor Hugo ; le premier Shakespeare au cinéma remonte à 1910). Le cinéma retrouve alors des pères généreux, des parrains prestigieux à l'image du poète Apollinaire qui convoque le cinéma dans son projet de révolution artistique et annonce au monde qu'il doit « se préparer à la naissance d'un art nouveau qui ne sera pas un art de plus mais la synthèse de tous les autres ».
Une thèse prémonitoire qui trouve son illustration pratique dans les travaux et recherches du théoricien du cinéma franco-italien Ricciotto Canudo. A partir de la taxonomie établie par Hegel sur les arts du temps et les arts de l'espace, Canudo va fonder, vers le milieu des[H1] [H2] années 1920, l'expression du septième art qui marquera définitivement le cinéma. Pour Canudo, le cinéma vient « boucler » la distinction entre les arts du temps (la poésie, la musique, la danse-théâtre) et les arts de l'espace (l'architecture, la sculpture et la peinture).
Désormais, le cinématographe des années frères Lumière, devient le cinéma avec son prestige artistique. Il aspire désormais à voler de ses propres ailes d'autant plus qu'en Amérique, un cinéaste de génie, W. Griffith, va donner au cinéma des moyens intrinsèques spécifique pour asseoir sa nouvelle identité.
C'est le deuxième moment de notre schéma, celui de la grande rupture. Si les frères Lumière ont inventé le cinéma, Griffith a inventé le langage cinématographique. D'abord, il va libérer la caméra de la posture théâtrale du point de vue de « Monsieur de l'orchestre » : la caméra en effet était jusqu'ici immobile et adoptait un seul point de vue face à la scène ; on suivait ce qui se passait à l'écran comme un spectateur de théâtre. Désormais depuis Griffith, la caméra s'introduit dans d'autres espaces et fait voyager le regard du spectateur. Cette mobilité va générer la deuxième grande révolution griffithienne, celle du montage. Désormais le film s'écrit aussi dans la salle de montage. Le cinéaste est aussi un auteur. De grands noms viendront renforcer cette tendance d'un cinéma art total (Eisenstein, Vertov...). La compétition avec le théâtre est menée à partir d'un nouveau rapport de forces au bénéfice du cinéma. Le grand dramaturge Jean Anouilh dira même que « le cinéma sauvera le théâtre ! ». Et ce sont maintenant des hommes de théâtre qui viennent trouver dans le cinéma de l'inspiration ou un moyen de prolonger leur quête artistique (Patrice Chéreau).
C'est la troisième phase de notre découpage provisoire, celui de la coexistence et du libre-échange entre « le père des arts et le septième art ».
Des rapports apaisés, d'enrichissement mutuel, de dialogue esthétique. Une figure tutélaire marque cette nouvelle condition : William Shakespeare. Il n'appartient plus uniquement au théâtre mais également au cinéma. Omniprésent sur les planches et à l'écran. Le Roi Lear est l'emblème de cette nouvelle relation. Si sa première adaptation remonte à 1910 par un cinéaste italien, entre 1934 et 2009 la pièce a été adaptée dans 14 versions. Y compris dans des formats inédits (Le Roi lion, dessin animé de Disney !) ou sous d'autres cieux comme avec Ran, chef-d'œuvre de Akira Kurosawa (1985) ; un Shakespeare mythique transposé dans un Japon médiéval avec des transformations inédites (trois filles à la place des trois garçons)...Cependant, un grand cinéaste britannique va se faire une spécialité dans l'adaptation de Shakespeare, Kenneth Branagh. Il n'hésite pas à réécrire Shakespeare à l'esthétique hollywoodienne marqué par des cinéastes comme David Lean et Brian de Palma.
Mais dans ce bref panorama, on ne peut occulter un cinéaste qui a fait du rapport théâtre-cinéma la matière première de son travail. Il s'agit de John Cassavetes, la figure historique du cinéma indépendant américain. Un film illustre très bien sa philosophie en la matière que je pourrai résumer dans l'idée que le cinéma, le théâtre n'ont pas de frontières internes et non pas de frontières avec la vie. Il s'agit du film Opening night (1977). A première vue, on pourrait dire qu'il s'agit d'un film sur la préparation d'une pièce de théâtre « la seconde épouse ». Mais la mis en scène nous emporte dans une autre réflexion dès la séquence d'ouverture marquée par deux faits majeurs : la déconstruction de l'intrigue de la pièce répétée qui va de pair avec celle du dispositif théâtral. La caméra de Cassavetes abolit les frontières entre les coulisses, la scène, la salle...Le deuxième fait majeur clôt la séquence d'ouverture d'une manière tragique avec l'accident mortel d'une jeune fan de l'actrice principale (du film et de la pièce jouée dans le film). Cette mort qui va hanter le personnage féminin et amener une réflexion sur le temps qui passe, l'âge et le vieillissement...Un chef-d'œuvre !
Au Maroc, Faouzi Bensaïdi est l'un des cinéastes qui ne cessent dialoguer, à travers ses films, avec le théâtre. Son nouveau film présenté au FIFM 2022, Jours d'été rappelle cette filiation quasi biographique avec le théâtre.
Un film-balade, c'est le concept deleuzien qui me vient à l'esprit pour qualifier le film. Revenu à ses premières amours, le théâtre via une pièce de Tchékhov, Bensaïdi en profite pour proposer un hymne aux actrices et aux acteurs. Il les aime bien et le lui rende bien. Le film démarre avec une certaine ambiance d'allégresse, d'où l'idée de balade. Il n'y a pas de causalité ou de grands événements. Plutôt une chorégraphie. Il y a du théâtre, une formulation inédite des dialogues, et beaucoup de cinéma dans la mise en scène. La première demi-heure est faite de jeu, de clins d'œil, de mise en abyme avec une dynamique qui finit par nous enchanter. Si, pour Tchékhov, le théâtre est l'achèvement de son art, son aboutissement, pour Faouzi, il demeure une source d'inspiration pour la formation de l'acteur, l'animation de la scène (théâtre dans le théâtre chez Tchékhov /cinéma dans le cinéma chez Bensaïdi) et une voie insolite pour l'exploration de l'âme humaine.
Faouzi Bensaïdi


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.