Nabil EL BOUSAADI Après l'importante mobilisation sociale de 2019 dont l'ampleur et la soudaineté avaient surpris le monde entier, le Chili s'était trouvé contraint de tourner une page importante de son histoire. C'est à ce titre que le 4 Juillet 2022, la présidente et le vice-président de la Convention constitutionnelle avaient remis au président Gabriel Boric le projet final du nouveau texte constitutionnel qui devait venir en remplacement de celui hérité de l'ère Pinochet (1973-1990) et que le chef de l'Etat avait, immédiatement, signé un décret convoquant un référendum pour le 4 Septembre 2022 par le biais duquel les chiliens allaient être appelés à dire s'ils acceptent (« Apruebo ») ou rejettent («Rechazo») la nouvelle Constitution. Mais après ce référendum, le texte constitutionnel proposé avait été rejeté par 61,9% des chiliens qui lui avaient reproché de ne pas avoir instauré de nouveaux droits sociaux en matière d'éducation, de santé et de logement et d'avoir délibérément écarté le droit à l'avortement et ignoré les droits des peuples autochtones. Face à ce rejet, les principales formations politiques du pays avaient convenu d'entamer de nouvelles négociations afin de relancer le processus constitutionnel à telle enseigne que ce dimanche 7 mai, 15,1 millions de Chiliens ont pris la direction des bureaux de vote pour élire, parmi 350 candidats, les 50 membres qui formeront le Conseil Constitutionnel qui aura pour mission de rédiger cette nouvelle Constitution tant attendue. Au terme de ce scrutin, qui entre dans le cadre de ce deuxième processus de réécriture de la Loi fondamentale du pays, c'est le Parti républicain, classé à l'extrême-droite de l'échiquier politique chilien et farouchement opposé à une réforme de la Constitution qui, en recueillant 35% des suffrages exprimés, s'est emparé de 22 sièges alors que seuls 29% des électeurs ont soutenu la coalition de gauche, qui appuie le gouvernement de Gabriel Boric, en lui accordant 17 sièges et qu'avec 21% des suffrages exprimés, la droite traditionnelle n'a obtenu que 11 sièges. Autant dire qu'il s'agit-là d'un triomphe pour l'opposition qui a réussi à séduire l'électorat en promettant « ordre et stabilité » dans un contexte de crise sécuritaire et migratoire au Chili car, avec un tel résultat, le Parti Républicain, qui s'oppose farouchement aussi bien à l'avortement qu'aux immigrés, n'aura pas besoin du concours des autres représentants de la classe politique chilienne pour rédiger la Constitution qui lui sied et qu'il pourra opposer son véto à tout amendement qui ne lui conviendrait pas. Après la réception de l'avant-projet, rédigé par un comité d'expert et comprenant les douze principes essentiels qui ne pourront pas être modifiés dont notamment celui afférent au fait que le Chili est une économie de marché, le Conseil Constitutionnel, formé à l'issue du scrutin de ce dimanche, devra y apporter tous les ajustements et les amendements qu'il jugera utiles avant de le soumettre à un référendum le 17 décembre 2023. S'il est incontestable que ce dimanche le Chili a opéré un important virage à droite et que, dans un contexte de crise sécuritaire et migratoire, ceci constitue un triomphe pour l'opposition qui est parvenue à séduire les chiliens en leur promettant « ordre et stabilité », attendons pour voir...