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Mohamed Harakat : «Un Code sur la gouvernance n'est pas suffisant»
Publié dans Albayane le 14 - 04 - 2011

Les limites de la gouvernance des entreprises publiques sont multiples. Tel est le constat du professeur Mohamed Harakat, président fondateur du Centre international des études stratégiques et de gouvernance globale.
Et pour cause, le manque d'une stratégie participative et claire de développement et la faiblesse du contrôle interne de ces entreprises. A cela s'ajoutent d'autres entraves, portant aussi sur le manque de reddition de comptes objective, critique et indépendante sur le secteur public… Et la solution ? Mohamed Harakat met l'accent sur la nécessité de développer une communication de qualité totale dont l'objectif est l'alerte des dirigeants des multiples risques auxquels se heurte la gestion dans le but de protéger davantage les actionnaires et l'épargne publique.
Al Bayane : Au Maroc la gestion de l'entreprise publique est souvent pointée du doigt, pensez-vous qu'avec l'adoption d'un Code sur la gouvernance des entreprises publiques, cela va contribuer à améliorer la transparence au sein de ces entités étatiques ?
-Mohamed Harakat : Le Code certes prévoit un ensemble de mesures importantes de transparence basées sur les recommandations de l'OCDE telles que l'ouverture des conseils d'administration à des administrateurs indépendants, l'instauration d'une évaluation périodique de ces établissements, la définition des relations de ces établissements avec les parties prenantes. Il met l'accent également sur le rôle et les responsabilités. En fait, il s'agit d'une démarche pédagogique, par excellence, qui permet de sensibiliser les divers acteurs sur les limites des pouvoirs et de l'éthique ainsi que le contrôle à instaurer au sein des entreprises publiques. C'est un projet important sur le plan de la réglementation. Or, il n'est pas suffisant. Il me semble qu'un tel Code ne peut être effectif sans la production d'abord d'un rapport critique sur les contraintes et les perspectives de la gouvernance des entreprises au Maroc dans toute sa globalité et qui fera l'objet de débat public en termes de vision, de mérite, d'organisation, de ressources humaines, de production de richesse et d'évaluation continue des risques.
Quelles sont, selon-vous, les véritables entraves auxquelles se heurtent des organismes d'audit des finances publiques dans l'accomplissement de leur mission ?
-Les limites de la gouvernance des entreprises publiques sont multiples. Cela réside, à mon sens, dans le manque d'une stratégie participative et claire de développement et la faiblesse du contrôle interne de ces entreprises. A fin de 2009, l'inventaire des établissements publics et des participations financières de l'Etat et des collectivités locales totalise 721 entités contre 716 en 2008 (240 établissements publics, et 481 sociétés réparties en sociétés d'Etat (95), filiales publiques (128) et sociétés mixtes (258). Le portefeuille public reste diversifié au niveau de la taille, du statut juridique, de ses relations avec l'Etat et de son positionnement sur le marché. Il compte aujourd'hui 237 établissements publics dont 17 détenant 183 filiales et 67 sociétés anonymes à participation directe du Trésor et des collectivités locales. On y compte 16 groupes publics détenant 123 filiales et 5 sociétés mixtes avec 84 filiales. Ce portefeuille public intervient pour 7% du PIB et 30% de l'investissement national. L'investissement a atteint 76 milliards de DH en 2010 contre 18 milliards de DH en 1999.
C'est paradoxal de remarquer qu'en dépit da la largesse de ce secteur, ses investissements importants, celui-ci n'a pas pu réaliser une performance significative pour notre pays en termes d'indice de développement humain, d'emploi, d'éducation, de santé et d'innovation et de recherche scientifique !
Faut-il remarquer à ce titre qu'à part le rapport Jouahri (1976), il n existe pas à mon sens d'audit ou de rapport d'évaluation globale de la gouvernance de ces établissements et leur apport au développement. Les audits effectués à ce jour y compris ceux de la cour des comptes demeurent partiels ou ineffectifs. Le parlement, l'opinion publique, la société civile ignorent le coût réel (économique et social) de la gouvernance au sein de ces entreprises (hauts salaires des dirigeants, performance, réalisation, privatisation, etc.). De même, il n'existe pas de structure indépendante chargée de l'audit et de l'évaluation des établissements publics à l'échelon national ou régional. De surcroît, l'information présentée chaque année par le ministère des finances au Parlement, dans le cadre du rapport sur le secteur des établissements et entreprises publics annexé au projet de loi des finances, demeure insuffisante et ne permet pas un véritable débat sur ce secteur.
Quelles sont alors les limites du contrôle du secteur public au Maroc ?
Les limites du contrôle résident dans le manque de reddition de comptes objective, critique et indépendante du secteur public, stratégie, leadership, mobilité, mérite, contraintes structurelles, coût, avantage et perspectives de développement. Le secteur public est une richesse nationale. Il s'agit de la sauvegarder, la développer et la contrôler en permanence. Nous pouvons mentionner particulièrement parmi ces limites le manque d'une stratégie claire dans la majorité des établissements publics en termes de vision d'opportunités, de contrôle interne, de menaces et de risques. L'opinion publique, surtout après le mouvement du 20 février, réclame plus de transparence et d'efficacité dans la gestion publique. Elle veut connaître le coût de la gouvernance et de la corruption dans la société et au sein notamment de ce large secteur (salaires et indemnités des dirigeants, domination familiale, clientélisme, fuite de capitaux, coût social de la privatisation de l'eau et de l'électricité, etc.). Les observations faites par la cour des comptes ici et là sur quelques infractions ou sur le contrôle de gestion demeurent informelles car elles ne permettent pas d'informer l'opinion publique sur la réalité de la gouvernance dans ce large secteur. La cour des comptes et les autres instances de contrôle se trouvent dépassées par les événements. Il est question d'élargir davantage les compétences de ces corps de contrôle. L'évaluation de ce contexte nécessite, par conséquent, des moyens de contrôle, un contrôle effectif et de qualité et un système de sanction efficace et de poursuites. D'où l'importance de l'implication des Think tanks marocains dans l'élaboration d'une stratégie cohérente et pluridisciplinaire d'évaluation
Dans vos écrits, vous dites que les outils d'audit et de contrôle financier pratiqués dans les pays occidentaux, demeurent inadaptés à la réalité socio-économique des pays en voie de développement, ce constat s'applique-t-il au Maroc et pourquoi ?
Je l'ai écrit et dit maintes fois dans les années quatre vingt du siècle dernier après avoir constaté que les grandes entreprises publiques marocaines font recours aux grands cabinets étrangers d'audit, ce qu'on appelle aujourd'hui les «Big four». Il n'en reste pas moins que l'audit opéré à ce jour par ces cabinets demeure très coûteux pour l'entreprise marocaine. Il est question d'établir des structures appropriées de contrôle interne moins coûteuses et plus efficaces. Mais cela est tributaire de la volonté du leadership de l'entreprise, son éthique, son image de marque et sa volonté de contrôler réellement son entreprise. A titre d'illustration, nous remarquons que la fonction audit et contrôle de gestion n'est pas toujours opérationnelle dans ces établissements. Faut-il souligner que plusieurs rapports et études ont tous démontré que l'état de la transparence, à l'heure de la crise, dans le monde des affaires, est déplorable. La gestion de l'entreprise est semblable à celle de l'Etat. Le problème de la sincérité de la reddition des comptes est un processus complexe revêtant plusieurs aspects technique, juridique, humain, institutionnel et sociologique .Il est par excellence culturel. D'où l'importance de l'évaluation continue des dispositifs de contrôle interne et des risques dans l'entreprise. Le législateur marocain a prévu, en outre, un ensemble de dispositifs de contrôle externe dans les sociétés, faisant appel public à l'épargne pour assurer des missions de contrôle et du suivi des comptes sociaux. Il en est de même des sociétés de banque, de crédit, d'investissement, d'assurance, de capitalisation et d'épargne. Mais les résultats de contrôle demeurent modestes. En effet, le dysfonctionnement des systèmes d'information et de communication de l'entreprise, à l'instar de l'Etat, frappe plus ou moins pratiquement tous les pays et très peu échappent à la corruption et à la mauvaise gouvernance. C'est l'ère de la globalisation de la corruption. Ses impacts seront néfastes sur le Maroc en absence des mesures de contrôle et d'audit stratégique.
D'après les recherches que vous avez effectuées, quels sont les dysfonctionnements qui caractérisent les processus de décision budgétaire au sein des établissements publics au Maroc ?
Les pratiques frauduleuses sont multiples et complexes dans l'espace du secteur public. Elles touchent les dépenses de fonctionnement de la société, les honoraires des administrateurs, les missions, les conventions passées entre la société et ses dirigeants, emprunts contactés auprès de la société, les incompatibilités administratives et financières, etc. La loi insiste beaucoup sur le contrôle conféré plus particulièrement aux commissaires aux comptes. Ces derniers ont une mission permanente de contrôle. De même, la loi stipule que ces commissaires devront opérer toutes vérifications qu'ils jugent opportuns et peuvent se faire communiquer sur place toutes les pièces qu'ils jugent opportunes et utiles à l'exercice de leurs missions et notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès verbaux. Ils sont tenus de porter à la connaissance du conseil d'administration ou directoire et du conseil de surveillance les irrégularités et inexactitudes qu'ils auraient découvertes. Ils doivent également établir des rapports spéciaux prévus sur les conventions prévues en vertu de la loi. Ainsi, même en absence de fraude, la loi dispose que les conséquences préjudiciables à la société des conventions désapprouvées peuvent être mises à la charge de l'administrateur ou du directeur général intéressé, ou éventuellement des autres membres du conseil d'administration.
Quelles sont les mesures que devraient adopter l'Etat marocain pour qu'on puisse parler d'une bonne gouvernance ?
Les épistémologues disaient que «toute est communication et que trop de communication tue la communication». Nous aurons besoin d'une entreprise communiquante et une communication organisée. Il est question de développer une communication de qualité totale dont l'objectif est l'alerte des dirigeants des multiples risques auxquels se heurte la gestion dans le but de protéger davantage les actionnaires et l'épargne publique. Dans une période de crise, la communication devrait être globale, transparente et sincère. La responsabilité des commissaires est fondamentale en matière de la production de l'information et de la communication tant aux dirigeant et aux actionnaires qu'au public. Ils devront respecter la charte déontologique régissant leur métier. Ils ne devront pas s'immiscer dans la gestion. La pratique a montré que, parfois, ces commissaires exercent des fonctions de conseils et des fonctions d'audit externe .Ce sont deux fonctions incompatibles. Une entreprise ne peut être forte que par le respect d'un ensemble de principes relevant de l'élaboration d'une stratégie claire et participative, une organisation fiable et ouverte, un leadership compétent, un système d'éthique et de reddition de compte. Dans ce contexte, l'environnement du contrôle est un élément fondamental de la culture d'une organisation. Il comporte l'intégrité, l'éthique, la compétence du personnel, la philosophie et le style de management des dirigeants. En définitive, la gouvernance des entreprises publiques mérite, à mon sens, d'être mentionnée dans la constitution pour lui accorder l'intérêt institutionnel nécessaire pour bien être ancrée tant dans la culture de la société que dans l'esprit des gestionnaires publics. La gouvernance de l'entreprise est une grande question sociologique nécessitant un changement de mentalité.


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