Challenge N°976 : Du 4 au 10 juillet 2025    Réorganisation du Conseil national de la presse : Ce qu'il faut retenir du texte adopté par le gouvernement    MAE : nomination de 22 nouveaux Consuls Généraux    Sahara marocain : Le Guatemala considère l'initiative d'autonomie comme "l'unique base sérieuse, crédible et réaliste pour la résolution du différend" régional    Assises de l'IA : Un premier pas, des attentes immenses    Jouahri : Les banques participatives ne représentent que 2 % des actifs du secteur bancaire marocain    «Aéroports 2030» : l'ONDA réorganise ses trois pôles majeurs    Football féminin : Une terre, un rêve, un sacre.. Le Maroc joue sa CAN    Les secteurs porteurs en Côte d'Ivoire : quelles opportunités pour une entreprise marocaine ?    Fouzi Lekjaa intronise Achraf Hakimi en Leader des Lions de l'Atlas    La Renaissance de Ziyech passera-t-elle par Florence ?    Coopération Maroc-Espagne-France : 15 tonnes de cannabis saisies    Rencontre entre le Directeur général de l'ICESCO et l'Ambassadeur de Chine au Maroc pour discuter des préparatifs de la participation à la réunion ministérielle sur le dialogue des civilisations à Pékin    L'ambassadeur de Chine au Maroc explore la mémoire de l'amitié historique à travers les Archives Royales    Elections partielles : Le PAM, RNI et Istiqlal remportent 64% des sièges    MRE : Le Maroc opère un vaste mouvement consulaire, 45% des postes aux femmes    Algérie : L'historien Amine Belghit condamné à 5 ans de prison    Solidarité à Khénifra : le ministère de la Santé prend en charge le traitement de Firdaws Bousarfan    CAF unveils new WAFCON trophy ahead of tournament in Morocco    Rougeole : Utrecht renforce la vaccination avant les départs au Maroc cet été    ISIDERM et ISDIN s'unissent pour promouvoir l'éducation sur la protection solaire au Maroc    Spain : Sumar pressures PSOE over coalition pact, avoids Western Sahara dispute    Casablanca : 4 personnalités décorées chevalières de l'Ordre des arts et des lettres par la France    Un homme interrompt le trafic du tramway à Casablanca en s'allongeant nu sur la voie    Six personnes interpellées à Fès après une rixe nocturne à l'arme blanche    Essaouira accueille la 2ème étape du Championnat du Maroc de Kitesurf Strapless    L'historien algérien Mohamed Lamine Belghit condamné à cinq ans de prison au terme d'un procès expéditif pour «atteinte à l'unité nationale»    Le syndrome du Maroc : une obsession médiatique algérienne révélée par la disparité de couverture entre les agences de presse des deux pays    Cinq chefs d'Etat africains à la Maison Blanche    Classement des hôtels : la SMIT engage la "guerre" aux étoiles    Biens culturels. La Côte d'Ivoire et la Suisse s'accordent    Tanger : Le caftan marocain brille lors de la Luxury Network Morocco    Rabat : L'OPM organise une semaine de concerts gratuits pour célébrer la musique classique    L'ADN d'un Egyptien de l'Ancien Empire révèle des origines marocaines et mésopotamiennes    Le ministère de la culture soutient 379 projets d'édition et du livre pour plus de onze millions de dirhams en 2025    L'attaquant portugais Diogo Jota et son frère meurent dans un accident de la route en Espagne    L'Atalanta et l'OM se disputent les faveurs de Nayef Aguerd    Le Maroc à l'épreuve d'un risque climatique devenu structurel    Real Madrid : En manque de temps de jeu, Brahim Diaz inquiète    Elodie Nakkach : Pas de pression inutile, juste l'envie d'aller loin    Energie propre : L'UE investit 3,66 milliards d'euros pour aider les Etats membres à faible revenu    Chicago : 4 morts et 14 blessés dans une fusillade de masse    Inwi lance la campagne #Lbess_touni pour soutenir les Lionnes de l'Atlas    Algérie : Le FMI alerte sur l'urgence d'un ajustement économique    Le président de la Fédération kabyle de football écrit : Quand une interview devient un chef d'accusation de terrorisme en Algérie    OCP Nutricrops renforce sa coopération stratégique avec le Bangladesh    La ville marocaine de Chefchaouen renaît en Chine : une réplique fidèle de la ville bleue au cœur de Harbin    La finale de la Coupe du monde des clubs pourrait se jouer à 9h du matin    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les civilisations à l'épreuve de la mondialisation (11)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 11 - 10 - 2006

Cependant, progressivement, au cours du XIVe siècle, bon gré mal gré, et parce qu'ils s'imposent par la force au cours de guerres où la Chine est chaque fois vaincue, les étrangers deviennent les égaux des Chinois. Ce que les lettrés chinois appellent « les affaires barbares » (iwu) devient après 1860 « les affaires occidentales » (yang-wu). On parle de « sciences occidentales)) (hsi-hsueh) dans les années 1870-1880, puis, au cours des années 1890, de «nouveau savoir» (hsin-hsueh). Certains lettrés rejettent l'ouverture parce qu'elle est due à l'initiative occidentale. Mais d'autres l'acceptent parce qu'elle est « moderne », conforme à l'esprit du temps et aux nécessités de la situation.
La Chine est l'exemple d'une civilisation dominante et majoritaire qui se trouva soudainement mise dans une position minoritaire et infériorisée, à l'échelle du monde (Fairbank, 1983). Vers 1900, la Chine passe brusquement du statut d'Empire (t'ien-hsia) à celui de nation (kuo). Défaite comme empire du Milieu, la Chine doit naître comme nation: « Dans une large mesure, l'histoire de la Chine moderne a été le processus de passage du t'ien hsia" au «kuo-chia», c'est-à-dire du statut de Civilisation à celui de nation» (Levenson, 1968. p. 102). Désormais la Chine n'est plus le monde, mais une unité (une nation) dans le monde. La « nationalisme » remplace peu à peu le « civilisationnisme » (ou le « culturalisme ») traditionnel. L'émergence d'un nationalisme chinois moderne, au contact du monde extérieur. s'opère sur la base de la désintégration du sinocentrisme ancien, dans la seconde moitié du XIXe siècle. On arrête de comparer les étrangers à des animaux. On utilise moins fréquemment le terme (le « barbares ». On parle de pi en plus de « terre lointaine » (yuan), d'« états étrangers » (wai-kuo), d « étrangers » (yang).
La transformation du statut (les étrangers et de l'étranger au cours du XIXe dans les grandes civilisations asiatiques s'est faite dans tous les cas sur la base du traumatisme de l'intervention extérieure et de la conquête coloniale ou impériale. L'entrée dans la modernité idéologique a été le fruit de la domination européenne, qui a entraîné dans son sillage la transformation des Européens, naguère barbares méprisables, intrus inférieurs, en maîtres puissants et supérieurs. Réciproquement les membres de ces grandes civilisations naguère prestigieuses et fières sont devenus, aux veux des Européens colonisateurs, des « indigènes », des « autochtones». Une seule exception à cet axiome : le Japon.
L'empire du Soleil Levant présente des caractéristiques qui le différencient sensiblement des trois civilisations précédemment évoquées. Dans les cas de l'Islam, de l'Inde, de la Chine, nous avons affaire à des civilisations qui sont tantôt des empires, tantôt des ensembles multi-ethniques, des mondes vastes, très peuplés qui, malgré les invasions étrangères (Inde, Chine), se considèrent comme supérieures à leurs envahisseurs (des nomades barbares) z ou bien qui, issues de peuples nomades et envahisseurs (Islam), ont acquis une centralité et une stabilité séculaire.
L'Islam, l'Inde, la Chine se considèrent, à des titres divers, à tort ou à raison, comme des civilisations centrales. A la centralité géopolitique de l'Islam ou de l'lnde des civilisations situées au « centre » de l'Asie), fait pendant la centralite idéologique de la Chine («empire du Milieu»). La Civilisation-Empire se distingue des périphéries plus ou moins remuantes et plus on moins barbares : les Francs pour l'Islam, les « mlecchas » pour l'inde, les Mongols et autres peuplades nomades de l'Asie centrale pour la Chine. Corrélativement, l'Europe apparaît, géographiquement, culturellement, idéologiquement, géopolitiquement, comme une région périphérique, marginale, comme une « puissance » secondaire, comme une quantité économique négligeable. C'est ce qui la rapproche du cas du Japon. Il y aurrait beaucoup à dire sur les avantages et les inconvénients comparés de la centralité et de la périphérie – ou la marginalité – dans l'espace et l'histoire.
A un certain moment de son histoire, l'Europe put avoir le sentiment d'être à la périphérie du monde, d'être coupée de ce qui lui semblait l'autre extrémité de la terre (la Chine), par la barrière infranchissable de l'Islam, puis par les invasions d'Asie centrale. Ce désavantage initial devait devenir par la suite le moteur de la recherche européenne de l'Autre, et de sa future hégémonie. Le Japon présente bien des similitudes avec l'Europe occidentale.
Le Japon s'est toujours su marginal, ou s'est toujours considéré comme périphérique. Situé géographiquement à la périphérie orientale de l'Asie – niais cela les Japonais anciens ne pouvaient le savoir – il a reçu de la Chine, son grand voisin «civilisé», l'écriture, une partie importante de sa culture, une religion (le bouddhisme, qu'il a su adapter à son génie national), bref les principaux éléments qui en font une « civilisation ». En quoi il se rapproche de l'Europe occidentale, qui reçut du Proche-Orient sa religion (le christianisme) et les éléments fondamentaux de sa culture profane (l'hellénisme). Mais alors que, semble-t-il, l'Europe a toujours soupçonné confusément sa marginalité (l'Empire romain envoya des ambassadeurs et des marchands vers la Chine et vers l'inde), le Japon, à l'ombre de la Chine, put croire pendant longtemps qu'il était proche du Centre éblouissant de la puissance et de la culture, et donc qu'il possédait une centralité relative.
Le Japon ne pouvait soupçonner 1 étendue de sa marginalité. Brutalement, au XVIe, et surtout à la fin du XIXe, il découvrit qu'il se trouvait à la périphérie de la périphérie, que la civilisation qu'il considérait comme le centre du monde est située en fait à la périphérie de l'Asie, et que les « Barbares de l'Ouest » étaient en fait le centre du monde, les porteurs de la Civilisation. La découverte commença au XVIe siècle, quand apparurent dans les mers d'Asie orientale les premiers Européens : Portugais, Espagnols, Hollandais. Ces « étrangers », ces êtres velus, bizarres, les Japonais les appelèrent «barbares du Sud » (nanbanjin), puis tout simplement « barbares » (banjin). Mais ils ne furent pas purement et simplement repoussés, méprisés.
• Gerard Leclerc
La Mondialisation culturelle
Les civilisations à l'épreuve


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.