Coopération internationale : le SGG accueille une délégation du Centre for international legal cooperation    Nasser Zefzafi entame une grève de la faim et de la soif    Investissement étranger en instruments financiers: quatre secteurs s'accaparent 66% des volumes échangés en 2024    Nouvelles facilités pour la réalisation d'opérations de change de devises via cartes bancaires internationales    Bourse de Casablanca : ouverture dans le vert    Interview avec Haitam Nkita : « Le silence amplifie la détresse des étudiants marocains de Chypre du Nord »    Performances boursières en 2025 : le Maroc et la Tunisie surpassent les marchés du Golfe    Industrie : un géant chinois du cigare prospecte au Maroc    Cours des devises du mardi 9 décembre 2025    Immigration : L'UE donne un tour de vis à sa politique    Chine-Japon : De la tension dans l'air    USA-Corée : Washington veut dénucléariser complètement Pyongyang    Présidentielle au Brésil : la candidature du fils aîné de Bolsonaro bouleverse le jeu politique    USA : Le président Trump veut centraliser la régulation de l'IA au niveau fédéral    Coupe arabe 2025 : le programme des matchs de ce mardi    Ligue des Champions : Voici le programme de ce mardi    Le Maroc accueille un séminaire international sur la lutte contre le piratage audiovisuel à l'approche de la CAN 2025    Meknès : Lalla Asmaa inaugure un centre d'excellence pour enfants sourds    La Chambre des représentants adopte un projet de loi relatif à l'enseignement scolaire    Meknès: Lalla Asmaa inaugura un centro de excelencia para niños sordos    Effets post-Covid : Sommes-nous devenus plus vulnérables face à la grippe ? [INTEGRAL]    Education : Au cœur des classes préscolaires d'éveil de la FMPS    Sahara autonomy discussions revive appeals for the release of Gdim Izik prisoners    Basket / DEX (J8) : Le FUS signe un retentissant 102-60, le MAS toujours en tête    Ligue des champions : coup d'envoi de la J6 de la phase de ligue ce soir    GST, ANP, coopération douanière... au menu du prochain Conseil de gouvernement    Conseil de gouvernement : la transformation de l'ANP en SA au menu    Agroalimentaire : le Maroc ouvre un pop-up «Kingdom of taste» à Paris    L'ambassadeur du Maroc au Mexique plaide pour le renforcement du partenariat ente Rabat et Mexico    CA FIFA 25 : Retour en vidéo et images sur la qualification des Lions pour le quart    Cinéma : Clôture de la 2e édition du programme Tamayouz Atelier Pro    2500 ans de Naples célébrés au Maroc    Interview avec Meryem Benm'Barek et Nadia Kounda : «Derrière les palmiers» montre à quel point l'amour est politique    «Khamssa w Khmiss» : Jaylann, le retour manifeste    Les températures attendues ce mardi 9 décembre 2025    Le temps qu'il fera ce mardi 9 décembre 2025    Ligue Europa: Igamane incertain pour le déplacement de Lille face aux Young Boys    Le Canada candidat pour accueillir le Sommet de la Francophonie en 2028    Sekkouri: Hausse de 17,5% du nombre d'entreprises créées à fin août 2025    Face à la hausse du sans-abrisme, l'Intérieur renforce les structures d'accueil et d'assistance    La stratégie sécuritaire américaine mise sur un élargissement des Accords d'Abraham avec Israël    SM le Roi donne Sa Haute Approbation pour instituer le 9 décembre de chaque année comme journée nationale de la médiation de service public (Communiqué)    M. Talbi Alami représente S.M. le Roi à la cérémonie d'investiture du Président réélu de la République de Côte d'Ivoire    UNESCO : Le secrétariat général déjoue une manœuvre algérienne sur le caftan    Controverse autour d'un café à Taza : droits d'auteur ou approche punitive ?    Lancement de la deuxième édition du Festival des Talents de Casablanca dédié à la culture et aux arts locaux    France: quatre morts dans le crash d'un petit avion dans l'Ariège    Casablanca : le Festival des Talents de retour pour une 2e édition    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les civilisations à l'épreuve de la mondialisation (11)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 11 - 10 - 2006

Cependant, progressivement, au cours du XIVe siècle, bon gré mal gré, et parce qu'ils s'imposent par la force au cours de guerres où la Chine est chaque fois vaincue, les étrangers deviennent les égaux des Chinois. Ce que les lettrés chinois appellent « les affaires barbares » (iwu) devient après 1860 « les affaires occidentales » (yang-wu). On parle de « sciences occidentales)) (hsi-hsueh) dans les années 1870-1880, puis, au cours des années 1890, de «nouveau savoir» (hsin-hsueh). Certains lettrés rejettent l'ouverture parce qu'elle est due à l'initiative occidentale. Mais d'autres l'acceptent parce qu'elle est « moderne », conforme à l'esprit du temps et aux nécessités de la situation.
La Chine est l'exemple d'une civilisation dominante et majoritaire qui se trouva soudainement mise dans une position minoritaire et infériorisée, à l'échelle du monde (Fairbank, 1983). Vers 1900, la Chine passe brusquement du statut d'Empire (t'ien-hsia) à celui de nation (kuo). Défaite comme empire du Milieu, la Chine doit naître comme nation: « Dans une large mesure, l'histoire de la Chine moderne a été le processus de passage du t'ien hsia" au «kuo-chia», c'est-à-dire du statut de Civilisation à celui de nation» (Levenson, 1968. p. 102). Désormais la Chine n'est plus le monde, mais une unité (une nation) dans le monde. La « nationalisme » remplace peu à peu le « civilisationnisme » (ou le « culturalisme ») traditionnel. L'émergence d'un nationalisme chinois moderne, au contact du monde extérieur. s'opère sur la base de la désintégration du sinocentrisme ancien, dans la seconde moitié du XIXe siècle. On arrête de comparer les étrangers à des animaux. On utilise moins fréquemment le terme (le « barbares ». On parle de pi en plus de « terre lointaine » (yuan), d'« états étrangers » (wai-kuo), d « étrangers » (yang).
La transformation du statut (les étrangers et de l'étranger au cours du XIXe dans les grandes civilisations asiatiques s'est faite dans tous les cas sur la base du traumatisme de l'intervention extérieure et de la conquête coloniale ou impériale. L'entrée dans la modernité idéologique a été le fruit de la domination européenne, qui a entraîné dans son sillage la transformation des Européens, naguère barbares méprisables, intrus inférieurs, en maîtres puissants et supérieurs. Réciproquement les membres de ces grandes civilisations naguère prestigieuses et fières sont devenus, aux veux des Européens colonisateurs, des « indigènes », des « autochtones». Une seule exception à cet axiome : le Japon.
L'empire du Soleil Levant présente des caractéristiques qui le différencient sensiblement des trois civilisations précédemment évoquées. Dans les cas de l'Islam, de l'Inde, de la Chine, nous avons affaire à des civilisations qui sont tantôt des empires, tantôt des ensembles multi-ethniques, des mondes vastes, très peuplés qui, malgré les invasions étrangères (Inde, Chine), se considèrent comme supérieures à leurs envahisseurs (des nomades barbares) z ou bien qui, issues de peuples nomades et envahisseurs (Islam), ont acquis une centralité et une stabilité séculaire.
L'Islam, l'Inde, la Chine se considèrent, à des titres divers, à tort ou à raison, comme des civilisations centrales. A la centralité géopolitique de l'Islam ou de l'lnde des civilisations situées au « centre » de l'Asie), fait pendant la centralite idéologique de la Chine («empire du Milieu»). La Civilisation-Empire se distingue des périphéries plus ou moins remuantes et plus on moins barbares : les Francs pour l'Islam, les « mlecchas » pour l'inde, les Mongols et autres peuplades nomades de l'Asie centrale pour la Chine. Corrélativement, l'Europe apparaît, géographiquement, culturellement, idéologiquement, géopolitiquement, comme une région périphérique, marginale, comme une « puissance » secondaire, comme une quantité économique négligeable. C'est ce qui la rapproche du cas du Japon. Il y aurrait beaucoup à dire sur les avantages et les inconvénients comparés de la centralité et de la périphérie – ou la marginalité – dans l'espace et l'histoire.
A un certain moment de son histoire, l'Europe put avoir le sentiment d'être à la périphérie du monde, d'être coupée de ce qui lui semblait l'autre extrémité de la terre (la Chine), par la barrière infranchissable de l'Islam, puis par les invasions d'Asie centrale. Ce désavantage initial devait devenir par la suite le moteur de la recherche européenne de l'Autre, et de sa future hégémonie. Le Japon présente bien des similitudes avec l'Europe occidentale.
Le Japon s'est toujours su marginal, ou s'est toujours considéré comme périphérique. Situé géographiquement à la périphérie orientale de l'Asie – niais cela les Japonais anciens ne pouvaient le savoir – il a reçu de la Chine, son grand voisin «civilisé», l'écriture, une partie importante de sa culture, une religion (le bouddhisme, qu'il a su adapter à son génie national), bref les principaux éléments qui en font une « civilisation ». En quoi il se rapproche de l'Europe occidentale, qui reçut du Proche-Orient sa religion (le christianisme) et les éléments fondamentaux de sa culture profane (l'hellénisme). Mais alors que, semble-t-il, l'Europe a toujours soupçonné confusément sa marginalité (l'Empire romain envoya des ambassadeurs et des marchands vers la Chine et vers l'inde), le Japon, à l'ombre de la Chine, put croire pendant longtemps qu'il était proche du Centre éblouissant de la puissance et de la culture, et donc qu'il possédait une centralité relative.
Le Japon ne pouvait soupçonner 1 étendue de sa marginalité. Brutalement, au XVIe, et surtout à la fin du XIXe, il découvrit qu'il se trouvait à la périphérie de la périphérie, que la civilisation qu'il considérait comme le centre du monde est située en fait à la périphérie de l'Asie, et que les « Barbares de l'Ouest » étaient en fait le centre du monde, les porteurs de la Civilisation. La découverte commença au XVIe siècle, quand apparurent dans les mers d'Asie orientale les premiers Européens : Portugais, Espagnols, Hollandais. Ces « étrangers », ces êtres velus, bizarres, les Japonais les appelèrent «barbares du Sud » (nanbanjin), puis tout simplement « barbares » (banjin). Mais ils ne furent pas purement et simplement repoussés, méprisés.
• Gerard Leclerc
La Mondialisation culturelle
Les civilisations à l'épreuve


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.