Chambres professionnelles : le dépôt des candidatures clôturé le 31 décembre    Edito. «Les ECO», une histoire au-delà des pages    HCP : hausse de la demande intérieure de 7,6% au T3-2025    Aide sociale directe : 49 MMDH mobilisés depuis le lancement du dispositif    Retraites : Le gouvernement va-t-il jeter l'éponge ? [INTEGRAL]    Réseau hydro-agricole de Saïss: CMGP Group décroche le marché    Bourse : l'action CMR s'envole après des résultats prometteurs    Fès-Meknès : 10 milliards de dirhams engagés par la SRM d'ici 2030    Revue de presse de ce mercredi 31 décembre 2025    Gaza : la France appelle, avec une coalition internationale, à lever les entraves à l'aide humanitaire    CAN 2025 : le programme des matchs du mercredi 31 décembre    CAN 2025 : les Lions de l'Atlas entrent en mode conquête    CAN 2025: Le Maroc face à la Tanzanie en huitièmes de finale    Mondial 2026 : 250 millions de dollars pour sécuriser l'espace aérien américain    Main-d'œuvre : les Baléares recrutent des chauffeurs au Maroc    Institut de l'UNESCO pour l'apprentissage tout au long de la vie : le Maroc élu à la tête du Conseil d'administration    Douze ans après, des robots plongent dans l'océan indien pour retrouver le vol MH370    Ali Achour : « Les revendications kabyles reflètent un malaise ancien »    Le Maroc et la Jordanie renforcent leur coordination diplomatique face aux tensions au Moyen-Orient    Présidentielle en Guinée : Mamadi Doumbouya largement en tête des premiers résultats    Pluies, neige et oubli : Chronique d'un pays à deux vitesses    Marrakech : l'exposition « Mohammed Ben Allal, récits du quotidien » au musée Jamaâ el-Fna    Le Niger adopte la carte d'identité biométrique de l'AES    CAN 2025 : Marrakech vue de l'Ouganda    Heirs of Greatness Day célèbre l'artisanat d'excellence africain    CAN 2025 : le programme des matchs du mardi 30 décembre    Rejet du Somaliland, soutien au polisario : l'Union africaine face à ses incohérences    Le président coréen en visite d'État en Chine pour un sommet avec Xi Jinping    Réforme de la santé : Vers une généralisation progressive des GST en 2026    DGSN : 15 morts dans 1.941 accidents en une semaine en périmètre urbain    La MINURSO réduit ses effectifs    Soutien social direct : Nadia Fettah reconnaît les limites du système de ciblage    Les Émirats refusent d'être impliqués dans les événements en cours au Yémen    Maroc : L'indice des prix à la production augmente de 0,3% en un mois (HCP)    Chambre des représentants : Examen en commission du projet de loi relative à la procédure civile    CAN 2025 : Le Maroc face à la Tanzanie en huitièmes de finale    Le Maroc à la tête du CA de l'Institut de l'UNESCO pour l'apprentissage tout au long de la vie    Marruecos: Cambios en los derechos de importación en 2026    Fireworks and small fires in Molenbeek after Morocco beats Zambia    Le streamer Ilyas El Malki condamné à dix mois de prison ferme    CAN 2025 : «Tous les matchs seront des finales» (Walid Regragui)    CAN 2025/Maroc-Zambie : L'expérience de supporter dans le stade    Manœuvres militaires : Simulation chinoise d'un blocus des ports de Taïwan    Malgré les stéréotypes, le darija gagne en popularité parmi les apprenants étrangers de l'arabe    Ouverture des candidatures pour la 12e édition du Prix national de la lecture    Rachat de Warner Bros. Discovery : Le conseil d'administration s'orienterait vers un rejet de la dernière offensive de Paramount    Fondation Chouaib Sdaiki, vigie culturelle sur la côte de Mazagan    Vernissage de l'exposition nationale «60 ans de peinture au Maroc» le 6 janvier 2026    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les civilisations à l'épreuve de la mondialisation (11)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 11 - 10 - 2006

Cependant, progressivement, au cours du XIVe siècle, bon gré mal gré, et parce qu'ils s'imposent par la force au cours de guerres où la Chine est chaque fois vaincue, les étrangers deviennent les égaux des Chinois. Ce que les lettrés chinois appellent « les affaires barbares » (iwu) devient après 1860 « les affaires occidentales » (yang-wu). On parle de « sciences occidentales)) (hsi-hsueh) dans les années 1870-1880, puis, au cours des années 1890, de «nouveau savoir» (hsin-hsueh). Certains lettrés rejettent l'ouverture parce qu'elle est due à l'initiative occidentale. Mais d'autres l'acceptent parce qu'elle est « moderne », conforme à l'esprit du temps et aux nécessités de la situation.
La Chine est l'exemple d'une civilisation dominante et majoritaire qui se trouva soudainement mise dans une position minoritaire et infériorisée, à l'échelle du monde (Fairbank, 1983). Vers 1900, la Chine passe brusquement du statut d'Empire (t'ien-hsia) à celui de nation (kuo). Défaite comme empire du Milieu, la Chine doit naître comme nation: « Dans une large mesure, l'histoire de la Chine moderne a été le processus de passage du t'ien hsia" au «kuo-chia», c'est-à-dire du statut de Civilisation à celui de nation» (Levenson, 1968. p. 102). Désormais la Chine n'est plus le monde, mais une unité (une nation) dans le monde. La « nationalisme » remplace peu à peu le « civilisationnisme » (ou le « culturalisme ») traditionnel. L'émergence d'un nationalisme chinois moderne, au contact du monde extérieur. s'opère sur la base de la désintégration du sinocentrisme ancien, dans la seconde moitié du XIXe siècle. On arrête de comparer les étrangers à des animaux. On utilise moins fréquemment le terme (le « barbares ». On parle de pi en plus de « terre lointaine » (yuan), d'« états étrangers » (wai-kuo), d « étrangers » (yang).
La transformation du statut (les étrangers et de l'étranger au cours du XIXe dans les grandes civilisations asiatiques s'est faite dans tous les cas sur la base du traumatisme de l'intervention extérieure et de la conquête coloniale ou impériale. L'entrée dans la modernité idéologique a été le fruit de la domination européenne, qui a entraîné dans son sillage la transformation des Européens, naguère barbares méprisables, intrus inférieurs, en maîtres puissants et supérieurs. Réciproquement les membres de ces grandes civilisations naguère prestigieuses et fières sont devenus, aux veux des Européens colonisateurs, des « indigènes », des « autochtones». Une seule exception à cet axiome : le Japon.
L'empire du Soleil Levant présente des caractéristiques qui le différencient sensiblement des trois civilisations précédemment évoquées. Dans les cas de l'Islam, de l'Inde, de la Chine, nous avons affaire à des civilisations qui sont tantôt des empires, tantôt des ensembles multi-ethniques, des mondes vastes, très peuplés qui, malgré les invasions étrangères (Inde, Chine), se considèrent comme supérieures à leurs envahisseurs (des nomades barbares) z ou bien qui, issues de peuples nomades et envahisseurs (Islam), ont acquis une centralité et une stabilité séculaire.
L'Islam, l'Inde, la Chine se considèrent, à des titres divers, à tort ou à raison, comme des civilisations centrales. A la centralité géopolitique de l'Islam ou de l'lnde des civilisations situées au « centre » de l'Asie), fait pendant la centralite idéologique de la Chine («empire du Milieu»). La Civilisation-Empire se distingue des périphéries plus ou moins remuantes et plus on moins barbares : les Francs pour l'Islam, les « mlecchas » pour l'inde, les Mongols et autres peuplades nomades de l'Asie centrale pour la Chine. Corrélativement, l'Europe apparaît, géographiquement, culturellement, idéologiquement, géopolitiquement, comme une région périphérique, marginale, comme une « puissance » secondaire, comme une quantité économique négligeable. C'est ce qui la rapproche du cas du Japon. Il y aurrait beaucoup à dire sur les avantages et les inconvénients comparés de la centralité et de la périphérie – ou la marginalité – dans l'espace et l'histoire.
A un certain moment de son histoire, l'Europe put avoir le sentiment d'être à la périphérie du monde, d'être coupée de ce qui lui semblait l'autre extrémité de la terre (la Chine), par la barrière infranchissable de l'Islam, puis par les invasions d'Asie centrale. Ce désavantage initial devait devenir par la suite le moteur de la recherche européenne de l'Autre, et de sa future hégémonie. Le Japon présente bien des similitudes avec l'Europe occidentale.
Le Japon s'est toujours su marginal, ou s'est toujours considéré comme périphérique. Situé géographiquement à la périphérie orientale de l'Asie – niais cela les Japonais anciens ne pouvaient le savoir – il a reçu de la Chine, son grand voisin «civilisé», l'écriture, une partie importante de sa culture, une religion (le bouddhisme, qu'il a su adapter à son génie national), bref les principaux éléments qui en font une « civilisation ». En quoi il se rapproche de l'Europe occidentale, qui reçut du Proche-Orient sa religion (le christianisme) et les éléments fondamentaux de sa culture profane (l'hellénisme). Mais alors que, semble-t-il, l'Europe a toujours soupçonné confusément sa marginalité (l'Empire romain envoya des ambassadeurs et des marchands vers la Chine et vers l'inde), le Japon, à l'ombre de la Chine, put croire pendant longtemps qu'il était proche du Centre éblouissant de la puissance et de la culture, et donc qu'il possédait une centralité relative.
Le Japon ne pouvait soupçonner 1 étendue de sa marginalité. Brutalement, au XVIe, et surtout à la fin du XIXe, il découvrit qu'il se trouvait à la périphérie de la périphérie, que la civilisation qu'il considérait comme le centre du monde est située en fait à la périphérie de l'Asie, et que les « Barbares de l'Ouest » étaient en fait le centre du monde, les porteurs de la Civilisation. La découverte commença au XVIe siècle, quand apparurent dans les mers d'Asie orientale les premiers Européens : Portugais, Espagnols, Hollandais. Ces « étrangers », ces êtres velus, bizarres, les Japonais les appelèrent «barbares du Sud » (nanbanjin), puis tout simplement « barbares » (banjin). Mais ils ne furent pas purement et simplement repoussés, méprisés.
• Gerard Leclerc
La Mondialisation culturelle
Les civilisations à l'épreuve


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.