Le Royaume-Uni adopte une loi énergétique historique de 8,3 milliards de livres, une perspective favorable pour le Maroc et le projet Xlinks    Crédit du Maroc s'apprête à lever jusqu'à un milliard de dirhams par emprunt obligataire subordonné    African Lion-25 : démonstration grandeur nature du système Himars que le Maroc a commandé près de Cap Drâa    Droit de réponse de Rodolphe Pedro    Errachidia : Célébration du 69è anniversaire de la création des Forces Armées Royales    Partenariat Etat-associations : 13 milliards de dirhams alloués sur deux ans, selon les rapports 2022-2023 présentés à Rabat    Un nouveau projet maroco-chinois de dessalement inaugure une phase avancée de coopération environnementale    Marsa Maroc crée « Ports4Impact » pour porter son engagement RSE    Décarbonation : Appel à adapter les stratégies publiques aux nouvelles exigences environnementales    Standard Chartered inaugure, ce 15 mai, un bureau de représentation à Casablanca avec l'appui des autorités monétaires marocaines    La BERD accorde 756 millions de dirhams à Bank of Africa pour la transition écologique des entreprises    La CGEM et la CGECI explorent à Abidjan les moyens de renforcer leur partenariat stratégique    Transport et logistique : Trois conventions signées pour renforcer l'innovation    Le Caire et Rabat cultivent leurs convergences en matière de droits humains    Massive Qatari Investments in the United States Surpass One Trillion Dollars During Trump's Visit to Doha    Les prévisions du jeudi 15 mai    De Tanger à Pékin : le livre Ainsi j'ai connu la Chine révèle la profondeur des liens historiques entre le Maroc et la Chine    Découverte de trois nécropoles préhistoriques et de peintures rupestres sur la presqu'île de Tanger    Un institut supérieur des arts ouvre ses portes à Rabat à la rentrée 2025    Une panne géante d'électricité coûterait 125 millions d'euros par heure à la Belgique    Paris conserve sa 2e place de ville la plus agréable à vivre en Europe    Le destin du Polisario : Une fin similaire à celle du PKK ?    Espagne : plus de 370 000 Marocains affiliés à la sécurité sociale, un record parmi les étrangers    CAN U20 : Point presse de Mohamed Ouahbi avant Maroc – Egypte    Liga / J36 : Ce soir, Real-Majorque    Le Panathinaïkos souhaiterait conserver Azzedine Ounahi cet été    Real Madrid : Brahim Diaz forfait face à Majorque en raison d'une blessure    Le Dislog Maroc Padel Masters revient du 16 au 18 Mai à Casablanca    Raja Casablanca : Houssine Rahimi devrait rejoindre son frère à Al Ain    2025, une année fructueuse pour les sélections marocaines qualifiées à 4 coupes du monde    Rabat. SM le Roi Mohammed VI reçoit plusieurs ambassadeurs étrangers    Le projet de Code de procédure pénale adopté en Commission à la Chambre des représentants    Senén Florensa : « L'avenir sera fait de zones d'intégration, et la nôtre est euro-méditerranéenne-africaine »    Maroc : Un contrat renouvelable entre les établissements d'enseignement privé et les familles    Crime sexuel. Un Suédois d'origine turque arrêté à l'aéroport Mohammed V    8 dead, 20 injured in Essaouira-Agadir bus accident    España: El Partido Socialista acusa al Partido Popular de querer socavar las relaciones con Marruecos    Expulsions de fonctionnaires français d'Algérie: la France va "renvoyer" à son tour des diplomates algériens    Pèlerinage. SM le Roi, Amir Al-Mouminine, adresse un Message aux pèlerins marocains    Un séisme de magnitude 6,1 au large de la Crète    Leila Slimani at Cannes 2025 : «We laugh, even when part of the world is in darkness»    Huawei Maroc accompagne le Printemps Musical des Alizés et réaffirme son engagement en faveur de la culture    Tricinty Fest : Le rock et le metal font leur retour les 23 et 24 mai 2025    Festival Gnaoua 2025 : 33 Maâlems accueillent les voix du monde    Patrimoine : Marrakech, au fil de l'eau et des jardins    Les prévisions du mercredi 14 mai    Handball. 41e CACVC, Egypte 25 : Wydad Smara et l'AS FAR en lice cet après-midi    Trump a demandé au président syrien de normaliser la relation avec Israël    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dérive inquiétante aux Pays-Bas
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 12 - 11 - 2004

Une atmosphère très peu néerlandaise règne en ce moment, et ce depuis plus d'une semaine aux Pays-Bas. Depuis le meurtre de Theo Van Gogh, la Hollande a basculé dans une spirale de violence collective sans précédent.
Attentats et incendies des écoles islamiques, profanation de mosquées, menaces et insultes dans la rue…
Les musulmans, et plus particulièrement les Néerlandais d'origine marocaine, sont les cibles d'une déferlante de haine qui ne masque plus ses mots. Dans l'euphorie, certains responsables politiques néerlandais, dans un excès de zèle, s'en sont même pris au Souverain du Maroc. Le commissaire européen au Marché intérieur, le Néerlandais Frits Bolkestein, a opéré une sortie fracassante sur la télévision néerlandaise dimanche dernier : « Le Roi du Maroc doit se prononcer contre l'extrémisme musulman et montrer clairement que son pays ne veut pas être un exportateur d'assassins ». Trois jours après, le Maroc officiel sort de son mutisme et réplique par la voie du ministre délégué aux Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri : « Le Maroc rejette énergiquement ces propos qui ont porté des jugements inadmissibles sur une prétendue responsabilité du Maroc dans cet assassinat ». Et d'ajouter: «Comment M. Bolkestein, membre de la Commission européenne, peut-il ignorer la position (…) du Royaume sur le terrorisme?». Le ton monte, et pour une fois, la diplomatie marocaine change de tonalité dans une affaire pareille.
Mais du reste, la question reste posée : comment une société, pourtant réputée pour son ouverture et sa tolérance, a basculé de cette manière dans une espèce de hystérie collective contre la communauté marocaine ?
Dans sa riposte aux propos du commissaire européen, le responsable marocain insiste sur le fait que « cette communauté est, aujourd'hui, profondément préoccupée par l'attitude de certains responsables politiques néerlandais, largement relayée par les mass-médias qui, tout en insistant sur les origines de l'assassin, ont recours à des approches simplistes et réductrices qui tentent de faire assumer à toute une communauté, le comportement déviant et criminel de l'un de ses membres ».
La remarque du ministre n'est pas dénuée de sens. Dès l'annonce du meurtre, les responsables politiques néerlandais ont été les premiers à monter au créneau. La surenchère politicienne allait commencer très tôt. Plusieurs groupes parlementaires estiment que le gouvernement ne manifeste pas suffisamment de dynamisme dans la lutte contre les extrémistes musulmans, fustigeant un exécutif « laxiste et naïf ».
Vendredi, c'est le vice-premier ministre, Gerrit Zalm, qui va jeter de l'huile sur le feu des émotions suscitées dans le pays en déclarant la guerre à l'extrémisme musulman. « Le gouvernement considère le meurtre de Theo Van Gogh comme le début de la guerre sainte islamique aux Pays-Bas.
C'est une offensive contre l'Etat de droit néerlandais. Nous déclarons la guerre en retour. Nous intensifions la lutte et nous ferons disparaître des Pays-Bas les mouvements islamiques radicaux ». Des propos aussitôt critiqués par nombre de personnalités politiques qui ont reproché au responsable d'avoir omis d'ajouter à sa déclaration de guerre, un avertissement à la population, pour qu'elle ne se fasse pas justice elle-même. Ils ont déploré au passage que le gouvernement ait repris la terminologie du président américain Bush sur la « war on terror ». Cinq jours après le meurtre, la presse néerlandaise faisait encore état de chamailleries entre les services de renseignements et les autorités, d'une part, et entre le ministère public et le ministre de la Justice, de l'autre. Dans la foulée, un ex-député propose d'exclure les musulmans des droits civiques constitutionnels, tels que la liberté de fonder leurs propres écoles et associations.
Les Pays-Bas ont changé
Artisan d'une politique restrictive de l'immigration au sein du gouvernement conservateur néerlandais, la ministre chargée de l'Immigration et l'Intégration, Rita Verdonk, tente d'apaiser les tensions : « Nous ne permettrons pas que la communauté musulmane soit exclue et mise en accusation (...), qu'on rentre dans une spirale de peur et de haine ». Propos nuancés cependant quand elle ajoute plus loin : « Nous devons nous demander si nous (les Pays-Bas, ndlr) n'avons pas été naïfs ces dernières années, nous demander aussi si nous n'avons pas pendant si longtemps accepté n'importe qui ».
Plus qu'une simple figure de style, la phrase de la responsable néerlandaise reflète un certain état d'esprit. Quelques indicateurs sociologiques en témoignent : selon un sondage, 40 % des Néerlandais souhaitent que les 900.000 musulmans du pays, sur 16 millions d'habitants, ne « se sentent plus chez eux » après l'assassinat de Theo Van Gogh. Malgré les condamnations sans appel de l'assassinat par les musulmans des Pays-Bas, les réactions négatives à l'égard de cette communauté se sont multipliées. Pour 80 % des Néerlandais, des mesures plus dures doivent être prises pour l'intégration des immigrés, l'assassinat par un musulman extrémiste étant pour certains la preuve de l'échec de la politique d'intégration multiculturelle des Pays-Bas.
Les médias locaux ont joué un rôle non négligeable dans cette exacerbation des esprits. À l'image de plusieurs sociétés occidentales, les Pays-Bas restent une société émotive dominée par la télévision, dans laquelle les émotions sont considérées comme authentiques et qui servent de prétexte pour tirer une justification morale. Au-delà d'un simple revirement, c'est d'une société plutôt fermée dont il s'agit. Des sociologues néerlandais expliquent que leurs compatriotes ont plus de mal que certains à accepter à part entière des gens qui sont bien intégrés, mais qui ont une autre couleur de peau ou une autre religion. Les Pays-Bas ont longtemps vécu les uns à côté des autres mais pas les uns avec les autres.
Une communauté
problématique
Dans sa réplique sur les propos du commissaire européen, Fassi Fihri a clairement mis en évidence un aspect fort controversé. « Comment peut-il (NDRL, le commissaire) feindre d'ignorer que le présumé assassin du réalisateur Van Gogh est né et a été élevé aux Pays-Bas, où il réside toujours ?
Aussi, et plutôt que d'essayer de trouver des boucs-émissaires extérieurs, M. Bolkestein devrait plutôt apporter une contribution utile à la réflexion sur les objectifs, les conditions et l'efficacité du système d'intégration des communautés étrangères, en particulier sur le plan socio-économique mais aussi de l'éducation. Il devrait s'interroger sur les raisons d'un développement, dans son pays, d'un islamisme radical, étranger à la culture et aux valeurs du Maroc ». Mohammed Bouyeri, le meurtrier présumé, né et grandi à Amsterdam, a, d'une certaine manière, un lien avec le débat sur l'intégration. Qui sont les Marocains des Pays-Bas ? Sur 16 millions d'habitants, le pays compte 944.000 personnes de confession musulmane soit 5,8 % de la population totale. Parmi elles, 306.000 personnes sont d'origine marocaine de première ou deuxième génération. Selon un rapport parlementaire sur l'intégration, le taux de chômage des personnes d'origine marocaine était de 10 % en 2002 contre 4 % pour les Néerlandais de souche. L'échec scolaire diminue, mais 17 % des personnes d'origine marocaine sont sorties du système sans diplôme en 2002, selon les statistiques du Bureau culturel du plan néerlandais. Rappelons que si la France, par exemple, privilégie l'assimilation, notamment par le biais de la scolarisation, les Pays-Bas financent directement les écoles publiques confessionnelles, chrétiennes comme islamiques. Économiquement, une bonne partie de la communauté marocaine vit dans la précarité financière, et nombreux survivent principalement grâce aux allocations sociales. Sauf que de nombreux Néerlandais dénoncent « l'arnaque » dont fait l'objet leur système de sécurité sociale.
D'ailleurs, entre les deux gouvernements existe toujours un litige non résolu et qui porte sur une demande des autorités néerlandaises (ignorée par les Marocains) de recensement de biens se trouvant au Maroc appartenant aux double-nationaux et qui bénéficient des allocations de chômage en Hollande.
Mais c'est bien la donne du fondamentalisme religieux qui vient compliquer la donne. Selon les estimations, il y aurait environ 5 % de musulmans radicaux, soit 47.000 personnes. Les services de renseignements néerlandais (AIVD) estiment qu'entre 100 à 200 extrémistes seraient actifs aux Pays-Bas, notamment venus de l'étranger pour tenter de recruter pour le Jihad violent. Le même rapport indique que quelques dizaines de jeunes Néerlandais musulmans, qui se sentent mal intégrés, étaient sensibles au discours sur le Jihad. Signe de l'échec de l'intégration à la hollandaise ? Un acte d'un extrémiste, visiblement dérangé remet-il en cause plus de vingt années de politique d'intégration ? Le débat devrait se poursuivre encore aux Pays-Bas. Le Maroc ne se sent pas concerné. Pour le moment.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.