La parution d'un article dans Le Monde, consacré à Mehdi Hijaouy, soulève de vives interrogations sur la proximité trouble entre ce quotidien réputé et un fugitif poursuivi pour des délits graves. La tonalité, les silences significatifs et la sélection tendancieuse des faits étayent la thèse d'un alignement préoccupant de la rédaction parisienne sur la version des faits que tente d'imposer l'intéressé (et ses complices). Ancien cadre déchu de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), Mehdi Hijaouy, âgé de cinquante-deux ans, fait l'objet d'une notice pour escroquerie aggravée et facilitation d'émigration illégale. Ce qui pourrait relever d'un simple fait divers judiciaire a été métamorphosé, sous la plume d'un journaliste du Monde, en épopée sélective à coloration politique. Le traitement rédactionnel laisse peu de place au doute : en invoquant à plusieurs reprises une prétendue «procédure politique adossée à un coup monté judiciaire», en reproduisant sans contrepoint les assertions de ses avocats français – MM. William Bourdon et Vincent Brengarth – et en omettant toute exploration sérieuse des griefs précis formulés par les autorités marocaines, Le Monde se départit de sa rigueur habituelle pour adopter les accents du plaidoyer. La construction même de l'article conforte cette impression. Mehdi Hijaouy y est présenté comme un homme de l'ombre au service du royaume, intellectuel du renseignement reconverti dans le conseil stratégique, patriote loyal envers le roi Mohammed VI, injustement accablé pour avoir osé remettre à ce dernier un «Livre blanc sur le renseignement, la sécurité et la défense nationale». L'opération de communication, habilement drapée dans les habits du reportage, écarte méthodiquement tout questionnement sur les dérives financières, les réseaux parallèles et les manœuvres d'influence qui nourrissent les accusations contre l'ancien responsable aux fréquentations douteuses. L'attitude du quotidien soulève d'autant plus de perplexité que le dossier judiciaire s'est entre-temps épaissi. Une dizaine de personnes, dont plusieurs officiers de police, ont été lourdement condamnées pour leur proximité avec M. Hijaouy. Des peines allant jusqu'à trois ans et demi de prison ont été infligées pour corruption, assistance à personne recherchée ou faux en écriture. Loin de mentionner la gravité de ces éléments, Le Monde choisit de les diluer dans des considérations générales sur un «climat de rivalités internes» ou des «luttes d'influence». Le silence de la rédaction sur les motivations exactes de ce soutien éditorial alimente les soupçons d'une connivence. L'ombre d'une collusion – qu'elle soit idéologique, structurelle ou même politique – avec l'intéressé ne peut être écartée. Ce tropisme rédactionnel contraste avec la retenue manifestée par les autres grands titres de la presse française, dont aucun ne semble partager la vision apitoyée de M. Hijaouy telle que diffusée par Le Monde. En se faisant le relais complaisant d'un narratif univoque, le journal fragilise la frontière entre information et influence. Cette affaire soulève une question cruciale : un média de référence peut-il, au nom d'une supposée quête de vérité, s'arroger le droit de légitimer des fugitifs condamnés ou recherchés pour des faits graves, sans procéder à l'examen méthodique de l'ensemble des pièces ?