Entretien avec Boubker Slimani, légende du judo marocain L'histoire du judo marocain est intimement liée à Boubker Slimani. Cette légende tombée dans l'oubli dans son propre pays possède un palmarès long comme le bras et des plus reluisants. Premier judoka arabe et africain à prendre part aux Jeux olympiques, Boubker Slimani revient sur sa longue carrière marquée par des consécrations, des titres et de nombreuses médailles mais également sur son regret de voir qu'au bout du compte, il souffre d'un manque de reconnaissance. ALM : Pour commencer, parlez-nous de votre discipline. Qu'est-ce qui a motivé votre choix du judo ? Boubker Slimani : Honnêtement, au tout début de l'histoire je me voyais plus boxeur que judoka. Et c'est en fréquentant différents dojos que j'ai été remarqué par un entraîneur roumain qui m'a conseillé de m'orienter vers le judo où j'aurai tout à gagner. Il faut dire qu'il avait vu juste et je ne regrette pas d'avoir suivi son conseil. J'ai commencé le judo à l'âge de 13 ans en 1965 et je suis resté actif durant les 13 années qui ont suivi. Au terme de votre carrière, quelles ont été vos fonctions dans le judo marocain ? J'ai eu des expériences dans tous les aspects du judo. Après plus d'une décennie d'activité, je me suis dirigé vers l'entraînement en prenant d'abord en charge l'équipe nationale entre 1982 et 1986. Originaire de la ville de Khouribga, je me suis chargé par la suite d'entraîner le club de judo du groupe OCP. Qu'en est-il de votre palmarès? Le judo m'a donné l'occasion de visiter le monde entier et de laisser mon empreinte dans plusieurs pays. Au niveau national, j'ai été sacré huit fois champion du Maroc (80kg), 5 fois par équipe et 6 fois toutes catégories confondues et j'ai remporté le championnat du Maroc junior à l'âge de 17 ans. Aussi, j'ai été 2 fois champion d'Afrique et j'ai l'honneur d'être le premier judoka arabe et africain à prendre part aux Jeux Olympiques de Munich en 1972.Concernant les tournois, j'en ai remporté plusieurs, notamment à Vienne, Thonon-les-Bains, Mont Lozère et Barcelone. Selon vous quel est le bon âge pour commencer le judo ? Je considère que plus on commence à pratiquer jeune, plus on aura de meilleurs résultats. Concernant le judo, il est vivement recommandé de commencer le plus tôt possible, c'est-à dire vers l'âge de 6 ans. Les enfants qui commencent trop jeunes peuvent assimiler facilement les bonnes habitudes et qui seront par la suite considérées comme des acquis. C'est très important de leur enseigner la défense à travers l'utilisation d'une bonne posture, des principes d'équilibre, des tai sabakis. En revanche, la vitesse et l'attaque peuvent être perfectionnées plus tard. Quel regard portez-vous sur le judo marocain ? Le judo national est en perte de vitesse. Il est inadmissible de voir que le Maroc ne participe aux Jeux Olympiques de Tokyo qu'avec deux judokas seulement ! S'il faut analyser la situation et chercher d'où peut venir l'erreur, je pense tout simplement qu'il faut faire appel à de vrais encadrants et entraîneurs capables de rehausser le niveau et améliorer la compétitivité des judokas marocains. Le niveau actuel ne présage rien de bon. Pensez-vous que les judokas actuels sont moins forts que ceux de votre époque ? Il est difficile de répondre par un oui ou un non mais ce que je sais, sans vouloir être prétentieux, c'est que si je combattais maintenant je gagnerais probablement. Ceci n'est pas dû aux qualités techniques ou physiques. Mais au mental qui me donnait, à l'instar de plusieurs autres judokas de l'époque, une rage de vaincre. Aujourd'hui, nous avons l'impression que les pratiquants ont intégré la défaite comme une chose normale alors qu'à notre époque, elle était inconcevable. Le judo vous a-t-il permis d'avoir une vie confortable ? Quand on s'attarde sur mon palmarès, on a l'impression que cela m'a rapporté gros. Ce n'est absolument pas le cas. En dépit des primes dérisoires qui étaient en jeu, ma principale motivation était de représenter dignement mon pays et porter haut et fort la voix du Maroc car pour moi la patrie ne se négocie pas. Aujourd'hui, je perçois une pension mensuelle de 1.700 DH après avoir passé toute ma vie au service du judo national. Ce que je souhaite aujourd'hui, c'est de pouvoir bénéficier d'une aide financière afin de rouvrir ma salle de sport qui souffre de vétusté dans ma ville natale et accueillir à nouveau les passionnés de sport.