Ce qui devait être un moment fort de la vie politique nationale s'est transformé en scène de désunion amère. La motion de censure, censée fédérer les rangs de l'opposition autour d'un objectif commun, mettre en cause la responsabilité politique du gouvernement de Aziz Akhannouch, n'aura finalement fait que révéler les fissures béantes entre ses composantes. Le rideau est tombé sans vote ni débat, mais avec fracas. Une débâcle assumée de toutes parts, mais dont chacun cherche encore le coupable. La débandade a commencé lorsque l'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) a annoncé, vendredi dernier, son retrait de la coordination parlementaire avec le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), le Mouvement Populaire (MP) et le Parti de la Justice et du Développement (PJD), mettant ainsi fin à la deuxième tentative en quelques mois de déposer une motion de censure contre l'exécutif. Une décision qui a officiellement mis fin à cette initiative, tout en ouvrant une nouvelle crise de confiance entre les partis d'opposition. Au lieu d'une offensive coordonnée, l'opposition s'est retrouvée dans une cacophonie d'accusations croisées, chacun tirant à boulets rouges sur l'autre. L'article 105 de la Constitution, qui encadre la motion de censure, semble être resté lettre morte, pris en otage par des querelles internes et des calculs partisans. Lors du Conseil national de l'USFP tenu samedi à Rabat, Driss Lachgar, premier secrétaire du parti, n'a pas mâché ses mots. Il a dénoncé des manœuvres de récupération politique, des conflits jugés « absurdes » et des tentatives de marginalisation, notamment autour de la désignation de l'orateur qui aurait dû présenter la motion au Parlement. « Gaspillage du temps politique », « manque de coordination », « absence de vision commune »... Le diagnostic est sans appel. Du côté du PPS, la déception est palpable. Nabil Benabdellah, son secrétaire général, a fustigé une séquence politique désastreuse, qui renvoie selon lui une image « très négative » de l'opposition. Il regrette l'incapacité collective à s'unir autour d'un moment symbolique et démocratique. Le PPS, affirme-t-il, poursuivra seul, s'il le faut, son rôle d'opposant, face à une majorité « confortée et sereine » par cette désorganisation. Le leader du PPS a également rappelé que son parti avait opté pour une posture mesurée, fondée sur le dialogue et l'intérêt général, sans chercher la lumière ni revendiquer la prise de parole. Mais les tensions se sont cristallisées autour de cette question, éclipsant le fond du débat, à savoir la responsabilité du gouvernement devant les citoyens. Le secrétaire général du Mouvement Populaire, Mohamed Ouzzine, a lui aussi exprimé son étonnement, allant jusqu'à qualifier la situation de « préoccupante ». Il déplore un retrait annoncé via les médias, sans concertation ni respect des mécanismes de coordination. Mais ce qui a surtout fait bondir le leader Haraki, c'est l'utilisation du terme « détournement de la motion » par l'USFP. Une expression lourde de sous-entendus, qui a fait naître des interrogations sur la propriété même de l'initiative. « Qu'est-ce qui a été détourné exactement ? Et qui en serait le propriétaire légitime ? », s'est-il interrogé, dénonçant un climat de « flou et de confusion ». Ouzzine a rappelé que le MP avait été à l'origine de l'idée, et que toutes les parties impliquées semblaient s'accorder sur l'objectif. Mais l'éclatement de cette coalition hétéroclite montre bien que l'opposition, plus que jamais, souffre d'un déficit d'unité et de stratégie. L'affaire de la motion de censure n'aura donc été qu'un miroir tendu à une opposition en perte de repères. L'opposition, censée incarner l'alternative politique, s'est sabordée sur des détails de protocole et des querelles de préséance. A quelques mois des élections législatives, cette situation pourrait laisser des traces profondes.