Lancée en 2005 sous l'impulsion du roi Mohammed VI, l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) célèbre cette année ses 20 ans. Deux décennies d'action sociale, de projets communautaires et d'investissement dans l'humain. Mais à l'heure du bilan, si les chiffres témoignent d'un engagement structurel, les défis de durabilité et d'impact à long terme restent entiers. Le 18 mai 2005, le Roi Mohammed VI posait les bases d'un chantier social inédit : faire de la lutte contre la pauvreté, l'exclusion et la précarité une priorité nationale. Depuis, l'INDH s'est structurée en plusieurs phases, chacune marquée par une volonté de recentrage sur l'humain et l'investissement dans les générations futures. Un effort budgétaire inédit De 2005 à 2023, l'INDH a mobilisé un budget global de plus de 60 milliards de dirhams (MMDH), avec une montée en puissance nette : près de 18 MMDH ont été injectés dans la seule phase III (2019-2023), dont plus de 80 % financés par l'État. En deux décennies, plus de 56.000 projets et actions ont été réalisés, touchant directement quelque 18 millions de bénéficiaires, selon les données officielles. À travers ses quatre programmes actuels — rattrapage des déficits en infrastructures, accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité, amélioration du revenu et inclusion économique des jeunes, et impulsion du capital humain — l'INDH a visé une approche plus intégrée, plus participative, censée répondre aux critiques sur les effets limités des premières phases. Des résultats visibles mais inégaux Sur le terrain, les effets sont indéniables. Dans les zones rurales reculées, des centaines de kilomètres de routes rurales ont été construites ou réhabilitées, des centres de santé ouverts, des unités de soins mobiles déployées. L'accès à l'eau potable et à l'électricité s'est amélioré, réduisant l'isolement structurel de dizaines de douars. Côté jeunesse, plus de 200.000 jeunes ont bénéficié de formations ou d'un accompagnement à l'entrepreneuriat depuis 2019. L'approche de l'INDH en matière d'inclusion économique a permis l'émergence de microprojets générateurs de revenus, souvent en lien avec les spécificités locales (agriculture, artisanat, écotourisme...). Mais le bilan reste contrasté. L'impact économique réel de ces projets sur le long terme peine à se consolider. Faute d'un écosystème entrepreneurial robuste ou d'un encadrement soutenu, de nombreux projets s'essoufflent une fois le financement initial épuisé. La logique de "démarrage" ne suffit plus : ce sont désormais l'ancrage, la viabilité et la montée en compétences des porteurs de projets qui sont en jeu. Ainsi, consciente de ces limites, l'INDH a réorienté depuis 2019 une partie de son action vers l'investissement dans le capital humain, notamment à travers l'amélioration des conditions d'apprentissage en milieu rural et la généralisation des unités d'éducation préscolaire. À ce jour, plus de 12.000 classes de préscolaire ont été aménagées dans les communes rurales, accueillant près de 350.000 enfants. Une avancée considérable dans un pays où l'égalité des chances dès la petite enfance demeure un défi majeur. Des centres de santé de proximité ont également été mis à niveau, avec un accent particulier sur la santé maternelle et infantile. À l'horizon 2030 : consolider les acquis, changer d'échelle Pour que l'INDH tienne toutes ses promesses, le prochain virage devra être celui de la consolidation : garantir l'impact durable des projets, renforcer l'autonomie locale, associer davantage les citoyens dans la gouvernance et basculer vers une logique de redevabilité. Vingt ans après sa création, l'INDH reste un chantier national d'envergure. Elle a prouvé qu'une politique publique centrée sur l'humain peut mobiliser ressources et énergies. Mais pour devenir un levier véritable de transformation sociale, elle doit passer d'une logique d'aide à une logique de développement durable, inclusive et ancrée dans la réalité du terrain. INDH en chiffres : – 1.700 km de routes et pistes rurales construites, – 88.000 ménages raccordés à l'eau potable et 20 000 à l'électricité, – 2.000 centres sociaux créés pour les populations vulnérables, – 11.500 entreprises et 4.700 coopératives soutenues, – 9.400 salles de classe construites, bénéficiant à 310.000 enfants en milieu rural, – 130 plateformes pour jeunes accueillant plus de 380.000 bénéficiaires, La phase III (2019-2023) a ainsi permis la réalisation de 25.500 projets pour un budget de 10,5 MMDH, avec un accent particulier sur le développement de la petite enfance, la santé communautaire et l'inclusion économique des jeunes. Par ailleurs, l'INDH a contribué à des avancées significatives dans plusieurs domaines, affichant ainsi : – un taux de scolarisation en milieu rural pour les enfants de 4-5 ans passé de 33 % en 2017-2018 à 83,5 % en 2023-2024, – une réduction du taux de mortalité maternelle à 72,6 décès pour 100.000 naissances, 88,5 % des femmes bénéficiant de consultations prénatales – la mise en place de 1.265 moyens de transport scolaire pour 282.779 élèves.