Le Maroc, Etat à la colonne vertébrale institutionnelle solide, semble désormais visé de l'intérieur par des entreprises de délégitimation patientes, méthodiques et opérées selon une grammaire nouvelle de la subversion. À mesure que se resserrent les lignes de fracture entre sphère politique, intérêts économiques et contre-pouvoirs institutionnels, des conflits d'ambitions ainsi qu'une constellation d'individus exilés guident une offensive insidieuse contre la souveraineté structurelle du royaume. Certains spéculent déjà sur l'après-Mohammed VI. Cherchant maladroitement à se positionner déjà par rapport à la transition, ils jouent plutôt avec le feu. Avertissement salutaire! «Chaque époque a ses hommes. Mais encore faut-il que ces hommes aient le sens de l'Etat. Le Maroc, lui, continuera» : si ces mot résonnent avec force aujourd'hui, c'est parce que les critiques se cristallisent autour de ce que plusieurs observateurs qualifient d'oligarchisation rampante et nuisible. Une tendance marquée par la captation des leviers de décision publique au profit de quelques fortunes dont l'influence s'étend bien au-delà de leur secteur d'origine. CNSS, une intrusion ciblée dans le sanctuaire collectif Le premier signal d'alerte, encore interprété par certains comme un acte isolé, a été l'attaque informatique ayant frappé la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Près de deux millions de dossiers confidentiels, portant sur l'identité, les antécédents professionnels ou encore la situation patrimoniale de citoyens affiliés, se sont retrouvés entre des mains indéterminées. Les autorités ont d'emblée envisagé un acte de cybercriminalité classique venu de l'Algérie. Mais l'analyse des logiques internes du piratage, de ses délais et de ses relais médiatiques a fait émerger une hypothèse plus inquiétante : celle d'une opération conduite avec la complicité – voire sous la supervision – d'agents installés au sein même de l'appareil administratif. Barlamane.com ne croit guère à un acte extérieur. La CNSS ne se résume pas à une caisse : elle est l'un des vecteurs concrets de la protection publique, le lien tangible entre l'Etat et ses classes laborieuses. Frappée en son cœur, cette institution a symboliquement rappelé que les attaques d'apparence technique peuvent s'avérer, en réalité, politiques, destinées à servir des intérêts personnels. Quand les fondements souverains deviennent des cibles Quelques semaines après cette intrusion, une campagne d'une rare virulence s'est propagée contre une des figures-clés de l'Etat marocain : Mostafa Terrab, président-directeur général du groupe OCP, entreprise stratégique assurant plus de 20 % des exportations nationales. Mais bien avant ces deux institutions, Abdellatif Hammouchi, directeur général de la sûreté nationale (DGSN) et de la surveillance du territoire (DGST), garantes de la sécurité nationale, fait l'objet d'une campagne abjecte sans relâche, guidée de l'intérieur et exécutée par des malfrats établis à l'étranger. À la tête de l'Office chérifien des phosphates (OCP) depuis 2006, Mostafa Terrab ne s'est jamais contenté de présider un conglomérat industriel : il a façonné, par touches successives, la matrice d'un Etat développeur, capable de projeter sa souveraineté économique bien au-delà de ses frontières naturelles. Sous sa direction, l'OCP s'est affranchi de son statut de simple exploitant minier pour devenir un acteur géoéconomique central, maîtrisant toute la chaîne de valeur, depuis l'extraction du phosphate brut jusqu'à la fourniture de solutions agronomiques sur mesure destinées aux agricultures du monde. Loin des oripeaux managériaux ou des logiques de rente, M. Terrab incarne une technocratie rare dans la région : disciplinée, discrète, et fondée sur une vision de long terme, articulée autour de la souveraineté alimentaire, de la science appliquée et de la diplomatie du savoir. Il appartient à cette lignée d'hommes d'Etat sans mandat, mais dont l'influence excède souvent celle des décideurs formels. Dans les arcanes de l'appareil sécuritaire marocain, Abdellatif Hammouchi tient une place singulière. À la tête du pôle DGSN/DGST, il incarne une forme rare de verticalité régalienne où l'exigence de la légalité ne s'oppose jamais à l'efficience opérationnelle. Sous son autorité, les deux structures ont connu une refondation discrète mais profonde : professionnalisation accélérée des effectifs, évolution des chaînes de commandement, modernisation du renseignement technique, ouverture aux coopérations internationales sans dilution de la souveraineté nationale. M. Hammouchi ne gouverne pas par la parole, mais par la méthode. Il est le garant, non pas d'un ordre imposé, mais d'un équilibre essentiel. Sa longévité dans des fonctions d'une telle sensibilité, dans un contexte régional marqué par l'instabilité, en dit plus que les discours : elle témoigne de la confiance constante que lui accorde le roi Mohammed VI et de l'adhésion silencieuse d'une institution qui, en lui, reconnaît un homme d'envergure. Des voix discordantes à des fins de déstabilisation Derrière ces offensives coordonnées, plusieurs noms apparaissent régulièrement, comme les maillons d'un écosystème déterritorialisé de la contestation. Ils ne sont, en réalité, que des outils : Driss Farhane d'abord, Ali Lmrabet ensuite, et Hicham Jerando enfin — tous installés à l'étranger — participent à un plan de discrédit du pouvoir marocain en diffusant, sur des plates-formes en langue étrangère ou par le biais de relais médiatiques satellitaires, un discours hostile à l'appareil étatique. S'il est avéré qu'Ali Lmrabet obéit à un agenda algérien non dissimulé, Driss Farhane, avant son incarcération en Italie, et Hicham Jerando, en dépit de leur connexion avec Alger, sont instrumentalisés pour des règlements de compte maroco-marocains. Quelqu'un de chez nous veut abattre M. Hammouchi et le jeter à la vindicte populaire en tentant de le diaboliser et de lui faire endosser des crimes imaginaires. Mais la rue a sa propre opinion sur l'homme. Celui qui a réconcilié les citoyens avec leur police est couvert de louanges dans les réseaux sociaux, sollicité par ses pairs occidentaux, arabes et africains. L'engouement des marocains aux portes ouvertes annuelles de la DGSN est révélateur du sentiment de respect qu'ils portent à leur police. Et si l'on prend les chiffres des trois dernières années, on constate que les marocains se précipitent de plus en plus à ces portes ouvertes. En effet, le nombre de citoyens ayant visité les portes ouvertes d'El Jadida au premier jour (samedi) s'est élevé à environ 450.000 personnes, contre 320.000 environ le premier jour en 2024 à Agadir, et 142.000 en 2023 à Fès. Au grand dam des artisans de la campagne de dénigrement lancée depuis plusieurs mois contre la personne de Hammouchi, l'homme qui a su traduire dans les faits le principe du nouveau concept de l'autorité lancée par SM le roi Mohammed VI au lendemain de son intronisation. Le pouvoir économique se superpose-t-il à l'appareil d'Etat ? Alors que d'aucuns s'appliquent à saper les fondements de la stabilité du pays, un vrai danger se profile à l'horizon, lentement mais sûrement : l'oligarchisation progressive du champ politique. L'actuel chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, magnat de l'agro-industrie et acteur central du secteur pétrolier, a procédé fin 2024 à des nominations qui interrogent : un ancien administrateur de sa holding ainsi que plusieurs anciens collaborateurs ont été placés à des postes ministériels et à la tête d'établissements publics stratégiques. Cette interpénétration entre intérêt privé et fonction publique produit un malaise profond. À l'approche des législatives de 2026, les frontières entre action politique et préservation d'actifs patrimoniaux semblent s'estomper. Certains lanceurs d'alerte parlent d'un système de gouvernance par les actifs, où la décision publique serait, partiellement, déterminée par des équilibres économiques privés. Un véritable système tentaculaire est en marche. Voilà le danger qui guette le pays, pas le directeur général du pôle DGSN-DGST !