Il vaut mieux payer un prix léger en agissant sur l'inflation à travers le rehaussement du taux directeur de la banque centrale rapidement et efficacement plutôt que d'attendre et de voir se généraliser peut-être plus encore l'inflation et d'être obligé de prendre des mesures encore plus draconiennes. La décision de Bank Al-Maghrib d'élever son taux directeur de 50 points à 2% a été l'élément phare du point de presse d'Abdellatif Jouahri, et ce en marge de la tenue mardi du troisième Conseil de Bank Al-Maghrib au titre de l'année 2022. Le wali de la banque centrale a donné un éclairage à cette décision qui intervient après le maintien du taux directeur à 1,5% depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19. Lors de son intervention, M. Jouahri a rassuré que l'impact de cette hausse du taux directeur est limité. Il est estimé à 0,1%, voire 0,2%. Cette décision est en effet motivée par l'accroissement de l'inflation. Pour Abdellatif Jouahri, il s'agit de l'apport «le plus positif» qu'une banque centrale puisse apporter à la croissance. «Il vaut mieux payer un prix léger en agissant sur l'inflation à travers le rehaussement du taux directeur de la banque centrale rapidement et efficacement plutôt que d'attendre et de voir se généraliser peut-être plus encore l'inflation et d'être obligé de prendre des mesures encore plus draconiennes et qui vont avoir des conséquences autrement plus négatives à la fois sur les particuliers et les entreprises», indique-t-il. Et de rappeler que «parmi les missions des banques centrales figure la lutte contre l'inflation, de la juguler et ramener les prix à un niveau qui soit compatible avec une croissance inclusive et durable à l'heure où le pouvoir d'achat et la croissance sont du ressort du gouvernement». La décision de la banque centrale est également animée par l'effort du gouvernement en vue de soutenir le pouvoir d'achat dans ce contexte difficile. Citons dans ce sens les 10 milliards de dirhams accordés au secteur agricole ou encore les 2 milliards de dirhams pour relancer le secteur du tourisme, sans oublier l'appui aux transporteurs qui devrait atteindre, selon les chiffres avancés par Abdellatif Jouahri, les 5 milliards de dirhams d'ici la fin de l'année. En citant ces exemples, M.Jouahri explique les convergences que la banque centrale et le gouvernement puissent faire en période d'inflation qui est très haute pour juguler rapidement les pressions inflationnistes et contribuer de facto à ce que la croissance reprenne. «Nous avons mesuré dans le cadre de cette décision que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour contribuer à soulager le pouvoir d'achat de la population compte tenu de la conjoncture actuelle», rappelle-t-il. Rappelons que dans le communiqué diffusé à l'occasion de sa réunion trimestrielle, le Conseil de Bank Al-Maghrib a noté que l'économie continue de pâtir de cet environnement externe défavorable et des répercussions d'une sécheresse particulièrement sévère, avec une nette décélération de la croissance et une forte accélération de l'inflation. «Cette dernière continue d'être alimentée par des pressions d'origine externe, mais les dernières données disponibles montrent une large diffusion vers les prix des produits non échangeables», peut-on lire. Et d'ajouter que «par rapport à ses prévisions de juin, Bank Al-Maghrib table désormais sur un niveau d'inflation nettement plus élevé en 2022, suivi d'un ralentissement moins marqué en 2023». Se référant à Bank Al-Maghrib, les données relatives aux huit premiers mois de l'année indiquent que l'inflation a poursuivi son accélération pour atteindre 8% en août après 7,7% en juillet, 6,3% en moyenne au deuxième trimestre et 4% au premier. Elle est tirée essentiellement par le renchérissement des produits alimentaires et des carburants et lubrifiants. En outre, les données disponibles dénotent une diffusion de plus en plus large de la hausse des prix. «En effet, sur les 116 sections de biens et services qui composent le panier de référence de l'indice des prix à la consommation, 60,3% ont connu une augmentation de plus de 2% en août contre 42,2% en janvier», explique la banque centrale à ce propos. Rappelons que les projections de Bank Al-Maghrib tablent sur une accélération de l'inflation à 6,3% sur l'ensemble de l'année, contre 1,4% en 2021, avant de revenir à 2,4% en 2023. Portée par la hausse des prix des produits alimentaires qui y sont inclus, sa composante sous-jacente devrait passer de 1,7 à 6,3% en 2022 et revenir à 2,5% en 2023.