On ne peut prétendre à une embellie permanente tant que demeureront les œdèmes source régulière d'inflammation diplomatique entre Rabat et Madrid. Le récent démantèlement par les autorités marocaines d'un tentaculaire réseau de trafic de drogue vers l'Espagne vient rappeler, ici dans le mauvais registre, ce que ce pays est pour le Maroc. L'inverse est également vrai et s'il y a quelque chose qu'aucun des deux pays ne pourra jamais faire c'est déménager pour changer de voisinage. Le constat est si évident qu'il en devient idiot. Pourtant, il faudra se le répéter comme une méthode Coué aux effets thérapeutiques afin qu'un jour nos rapports cessent d'être ce «volcan en sommeil» perpétuellement exposé aux brusques écoulements de lave en fusion. Un autre constat, aussi évident et donc aussi idiot que le premier mais autant nécessaire à renouveler : les relations entre les deux pays sont importantes et stratégiques. Elles sont en principe régies, là dans le bon registre, par un traité de paix, d'amitié, de bon voisinage et de coopération. Ce traité n'est pas resté sur tous les fronts lettre morte. L'Espagne qui accueille sur son territoire près d'un demi- million de Marocains, représente actuellement le deuxième partenaire économique du Royaume, juste derrière la France, avec des échanges commerciaux de plus de 6 milliards d'euros alors que quelque 600 entreprises espagnoles opèrent au Maroc. On peut rêver de mieux mais ce n'est déjà pas mal si l'on retient que de par leur nature et de par la proximité des deux pays, ces relations sont appelées à s'intensifier et ne peuvent d'ailleurs que l'être. Pour autant on ne peut prétendre à une embellie permanente tant que demeureront les œdèmes source régulière d'inflammation diplomatique entre Rabat et Madrid. Malgré une légère amélioration de la position espagnole depuis que le Maroc s'est engagé sur la voie d'une large autonomie, l'affaire du Sahara vient en tête des sujets à problèmes. La dernière affaire de l'octroi de la nationalité espagnole à plusieurs hauts responsables marocains, justifiée par une prétendue responsabilité de l'Espagne vis-à-vis des régions du Royaume alors sous protectorat espagnol, illustre bien ces équivoques qui donnent lieu à des tensions d'autant plus inutiles qu'elles sont évitables. La persistance des anachronismes que constitue la colonisation de Sebta et Mellilia nourrissent de leur lot la longue liste des incompréhensions. Sous les feux incandescents de l'actualité, parce que spectaculaires, la lutte contre l'émigration clandestine et le trafic de drogue soumis à une dépréciation cyclique de Madrid, en dépit de l'énorme effort marocain, ressemble à de l'ingratitude et s'apparente à un entretien de la pression pour le moins inélégant. D'où une énième évidence : Le grand voisin ibérique a encore besoin de faire un travail sur lui-même pour maîtriser les ressorts psychologiques qui commandent souvent son approche du Maroc. Et s'il est certain que les relations du Maroc avec l'Espagne du PSOE sont meilleures qu'avec celle du parti populaire, il leur faudra, pour être pleinement productives, dépasser le cadre, du semblant, de la forme et du ton.