JPO de la DGSN : nouveau record d'affluence    Jet2holidays déploie un dispositif de suivi en temps réel des transferts vers l'aéroport de départ, incluant le Maroc    Légère détente des prix à la consommation en avril 2025    Chimie. Entre ambitions vertes et défis structurels    L'Institut International pour la Transition Durable en Afrique tient son Assemblée Générale    El Bouari : La petite et moyenne agriculture familiale représente 54% de la population rurale    Akhannouch : Mise en œuvre des peines alternatives dès août    FICAM 2025 : À Meknès, une révolution cartoonesque de l'animation !    Sahara marocain: La Slovaquie reconnaît l'Initiative marocaine d'autonomie "comme base pour une solution définitive"    Hilale: "Le Sahara est Marocain par l'histoire, le droit et la libre expression de ses populations"    L'Inspecteur général des FAR reçoit le Commandant de la mission de l'ONU    La Slovaquie réaffirme son soutien aux intérêts du Maroc au sein de l'UE    Akhannouch : le gouvernement mobilisé pour accompagner la réforme de la Justice    HCP : la pauvreté multidimensionnelle en repli    BAD-Maroc : revue de portefeuille pour optimiser 2,9 Md€ d'investissements structurants    Fouad Machrouh nommé directeur de l'ISCAE    Une gifle sévère pour l'Algérie... Visite officielle de Saddam Haftar, fils du commandant en chef de l'armée libyenne, dans la capitale du Niger    Le président sud-africain humilié à Washington : un moment d'embarras révèle le double discours et la dangerosité de son régime    Le Premier ministre chinois en visite en Indonésie et participation à un sommet régional en Malaisie    Bruxelles: tentative d'infiltration diplomatique du polisario ignorée par l'Union européenne    African Lion : Déploiement d'un hôpital médico-chirurgical de campagne dans la province de Tiznit    Prison et amende pour la famille Jerando    Une centaine de miliciens du Polisario impliqués dans le terrorisme au Sahel    L'Algérie s'endette : Un désaveu cinglant pour le discours souverainiste de Tebboune    La CAF dévoile un tout nouveau trophée pour la Ligue des champions    Liga : Luka Modric annonce son départ du Real Madrid    « Le Parisien » : Hakimi, un «athlète hors norme»    Leicester : Partir ou rester? Bilal El Khannouss face à un choix difficile    Lekjaa : Avec ou sans la Coupe du Monde, le Maroc est dans une logique de développement    Algérie, Iran, trafic au Sahel... l'engrenage terroriste du polisario    Le JZN de Rabat annonce la naissance de plus de 80 animaux d'espèces rares et menacées    Le temps qu'il fera ce jeudi 22 mai 2025    Les températures attendues ce jeudi 22 mai 2025    Télécommunications : Itissalat Al-Maghrib et Wana créent deux coentreprises dans les infrastructures passives    Kayouh appelle à Leipzig au renforcement de la représentation des pays africains au sein de l'ITF    Transport : Le Bahreïn veut renforcer son partenariat avec le Maroc    Tourisme : Grenade fait sa promotion à Rabat    «La Huppe et les Douze Oiseaux» : Une comédie musicale soufie et poétique au cœur de l'enfance    Cannes 2025 : Randa Maroufi consacre Jerada et offre au Maroc un prix    Mondial U17 – Maroc 2025 : les 24 nations qualifiées connues    Nayef Aguerd, entre incertitudes et spéculations sur son avenir    Coupe COSAFA : Le Lions de l'Atlas fixés sur leurs adversaires    Plusieurs proches de Hicham Jerando condamnés à Casablanca pour offense à une institution constitutionnelle    Plus de 2,4 millions de visiteurs : la DGSN établit un record à El Jadida lors des journées de l'ouverture citoyenne    Musiques sacrées à Fès: un souffle haïtien guérisseur au jardin Jnan Sbil    Dialogue des âmes et renaissances artistiques : les incontournables du Festival de Fès    Morocco reportedly considered as filming location for next Spider-Man film    Journée mondiale du thé : Le Maroc à l'honneur au siège de la FAO à Rome    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Je est un autre»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 14 - 02 - 2002

«Je crois ?» est le titre de la pièce jouée mardi au théâtre 121 de l'IF de Casablanca. Cette pièce souligne les risques inhérents à la déconstruction du langage.
Le rideau ne se lève pas : en entrant dans la salle du théâtre 121, les spectateurs découvrent deux corps étendus sur scène. Ils restent dans cette position qui tient de la performance pendant à peu près un quart d'heure. L'image d'un bébé est projetée sur un écran, placé au fond de la scène. Cet avant-spectacle est accompagné par des sons : les vagissements d'un nouveau-né. La lumière s'éteint, et l'on découvre que le corps adulte couché sur la scène est un bébé. L'adulte joue le rôle d'un bébé. Il est en compagnie de sa sœur légèrement plus âgée que lui. Le bébé articule à peine ses mots : maman, papa, areu. Cinq ans plus tard, Pauline, la sœur du bébé, invente un jeu. Elle propose à son petit frère, Jean, de dire «je» à la place de «tu», et inversement. Jean est réticent au début, mais sa sœur le convainc qu'il ne s'agit que d'un jeu. Nous sommes d'emblée plongés dans l'univers de «Je crois ?», une pièce de théâtre écrite par Emmanuel Bourdieu et mise en scène par Denis Polalydès. Plusieurs scènes de cette pièce évoquent une espèce de mise en abyme. Mise en abyme, parce que dans un théâtre où tout relève du jeu, des acteurs inventent un jeu sur lequel repose toute la dramaturgie de la pièce. L'effet est vertigineux, et les spectateurs doivent redoubler de vigilance pour ne rien perdre de cet aspect réfléchissant de «Je crois ?».
Dire «je» à la place de «tu», c'est altérer le code du langage régissant les identités. Le fameux «Je est un autre» de Rimbaud est à considérer cette fois-ci au propre, puisque, c'est dans l'autre que Jean (Micha Lescot) cherchera son moi, et les sensations que son moi éprouve ne peuvent être sans la confrontation avec l'autre. Tout ce qu'il ressent appartient à un autre. La vie du frère se trouve bouleversée par ce jeu. Car si tout jeu a une durée qui neutralise la conscience de subir les contingences du temps réel, s'il abolit l'ordre habituel du monde, s'il n'est pas la vie courante, il n'en demeure pas mois qu'il obéit à des règles, et qu'il a toujours une fin. Le jeu de Jean est sans fin, il ne peut vivre sans jouer, puisque son existence est dans l'autre. Ainsi se dessine le caractère extroverti à l'extrême du frère : il est tourné vers le monde extérieur. Il voit ce que les autres éprouvent et remplit avec son vide affectif avec les sentiments d'autrui. Toute sa vie est projetée vers l'extérieur. Ce mouvement vers l'autre est accompagné de la projection d'images. Il est question de voir dans cette pièce. Les images entretiennent dans ce sens une résonance sémantique avec la vie tendue vers l'autre de Jean.
L'un des quatre personnages de la pièce est de surcroît photographe. Il s'appelle Simon, rôle magistralement rendu par Pierre-Alain Chapuis. Ce personnage montre à un moment de la pièce la photographie de Louis Payne par Alexander Gardner. Roland Barthes a commenté cette photographie dans «La Chambre claire». Il en parle ainsi : «En 1865, le jeune Lewis Payne tenta d'assassiner le Secrétaire d'Etat américain W.H. Seward. Alexander Gardner l'a photographié dans sa cellule ; il attend sa pendaison.
La photo est belle, le garçon aussi (…). Je lis en même temps : cela sera et cela a été ; j'observe avec horreur un futur antérieur dont la mort est l'enjeu (…). La photographie me dit la mort au futur.» Cette photographie est prémonitoire de la fin qui attend Jean. Au demeurant, l'intérêt des images est capital dans la mise en scène. Cécile Bouillot, qui joue le rôle de Pauline, souligne la complémentarité des images par rapport au jeu des acteurs. «L'image est importante dans la mesure où elle désigne les différents âges des personnages. Les acteurs n'ont pas eu à trop composer dans ce sens-là, parce que le spectateur voyait leurs âges défiler sur l'écran» dit-elle dans ce sens. Pierre-Alain Chapuis renchérit : «L'image a une grande capacité d'émotion. Nous avons tous feuilleté des images, des photos de souvenir. L'image est indissociable de la mémoire et de l'identité. Et tout le monde se retrouve dans ces images, ce qui s'en va, ce qui est fixé, ce qui reste. Ce n'est pas un hasard si «Je crois ?» qui repose sur la question de la mémoire et de l'identité ait fait de l'image une composante du spectacle».
Jean va se marier avec Murielle (Aurélie Rusterholtz) qui se dévouera entièrement à lui. Elle lui donne son âme. Il peut ainsi voir en elle, penser par elle, avoir une conscience à travers elle. Mais ce sacrifice ne réussit pas pour autant à le sauver. Il perd peu à peu sa capacité à voir dans les autres, sans pour autant retrouver la faculté de voir clair en lui-même. Les mots ne sont nulle part. Il cherche en vain à les retrouver dans autrui. Jean sombre dans le vide, il n'est pas l'autre et encore moins lui. Il n'est rien, sinon une carcasse bonne pour le monde du silence.
D'autre part, le jeu des acteurs est irréprochable. Une mention toute particulière à Cécile Bouillot, Pauline, dont la voix percutante et particulière a captivé les spectateurs. La seule chose qui a manqué à ce spectacle pour que la fête soit totale, c'est une scène plus large que celle du théâtre 121. Aurélie Rusterhotz dit dans ce sens: « Moi, j'ai eu du mal à m'y habituer. J e trouve que c'est un spectacle qui demande de l'espace où les corps et les silhouettes doivent respirer et se mouvoir en toute liberté. De ce côté-là, il y avait quelques contraintes». Cette pièce sera jouée le jeudi 14 février à l'IF de Meknès, le samedi 16 février à la salle Bahnini à Rabat et le mercredi 20 février au théâtre Dar Attaqafa à Marrakech. Ceux qui l'ont ratée à Casablanca pourront la retrouver dans l'une de ses villes. Le spectacle les consolera amplement de leur déplacement.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.