Alger veut obtenir la peau du militant Slimane Bouhafs contre l'opposant politique tunisien Nabil Karoui, poursuivi en Tunisie pour fraude fiscale. Un échange qui, s'il se concrétise, sera un précédent scandaleux. «L'affaire est sans précédent dans la Tunisie démocratique post-2011. Slimane Bouhafs, un réfugié politique algérien résidant à Tunis, a été enlevé par des inconnus mercredi 25 août à l'issue d'un raid à son domicile alimentant des soupçons sur un accord secret entre autorités tunisiennes et algériennes» écrit le journal Le Monde. Une quarantaine d'organisations de la société civile tunisienne ont exprimé leur indignation face à ce dangereux précédent créé par l'Etat tunisien en remettant «un réfugié bénéficiant de la protection internationale aux autorités de son pays qui le poursuivent pour ses prises de position politiques». Ni Tunis ni Alger n'ont, à ce jour, officiellement réagi. Slimane Bouhafs avait été condamné par la cour de Sétif à trois ans de prison, en septembre 2016, pour ses opinions politiques avant de s'exiler à Tunis en septembre 2018 où le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies lui avait accordé le statut de réfugié. «Selon des médias algériens et tunisiens, sa mystérieuse disparition pourrait être liée à l'arrestation annoncée le 29 août à Tebessa (Est algérien) du magnat tunisien de la télévision, Nabil Karoui, chef du parti Qalb Tounes et ex-candidat à la présidentielle de 2019, en compagnie de son frère, Ghazi» rapporte Le Monde. «L'Algérie et la Tunisie auraient noué un deal secret : Slimane Bouhafs contre Nabil Karoui», a écrit le site d'information algérien dissident Algérie Part cité par la même source. «Si les frères Karoui devraient être extradés vers la Tunisie en vertu d'un accord de coopération judiciaire entre les deux pays, le sort de Slimane Bouhafs est d'une sensibilité extrême au plan diplomatique en raison de son statut de réfugié octroyé par la représentation du HCR à Tunis. L'agence onusienne a déjà exprimé sa grave préoccupation devant les informations relatives au renvoi forcé de M. Bouhafs vers son pays d'origine (l'Algérie)» note Le Monde. «La famille de M. Bouhafs ne disposait toujours d'aucune information le 31 août sur sa présence en Algérie, laquelle n'a pas été officiellement confirmée par les autorités algériennes. Le seul élément qui tendrait à accréditer la thèse est que son compte Facebook aurait été réactivé depuis l'Algérie. Le silence de la Tunisie est à la mesure de son embarras devant une affaire représentant une violation caractérisée de la convention de Genève sur les réfugiés de 1951 (signée par la Tunisie) qui interdit toute expulsion de personnes dotées du statut de réfugié vers leur pays d'origine» indique le journal français. «Surtout, les circonstances mêmes de l'enlèvement de M. Bouhafs, sympathisant du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie sans être une figure de premier plan, sont exceptionnelles dans une Tunisie jusque-là créditée d'une image plutôt favorable – comparée aux autocraties de la région – en matière des droits de l'homme. Selon les éléments dont dispose sa fille, qui réside en Algérie, M. Bouhafs a été arraché de son appartement du quartier Ettahrir, au cœur de Tunis, par trois hommes en civil qui avaient surgi d'une camionnette noire munie d'une plaque inconnue en Tunisie» a-t-on précisé. «M. Bouhafs a apparemment été violenté puisque, selon sa fille, des voisins ont entendu des bruits de portes et des cris. Fait troublant, le dossier ouvert le jour même au commissariat de police du quartier sur la base de témoignages des voisins a disparu, selon Imène Boudjaoui, l'avocate de M. Bouhafs mise à sa disposition par un collectif d'organisations spécialisées sur les réfugiés en Tunisie» a-t-on conclu.