Lors d'un entretien avec Jeune Afrique, l'ancien président mauritanien a jugé «inadmissibles» les accusations de corruption contre lui et déclare son intention de regagner l'arène politique en 2023. L'ancien président mauritanien tombé en disgrâce Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a recouvré la liberté dans la nuit de mercredi à jeudi 8 septembre après plus d'un an de détention préventive et de contrôle judiciaire, attend sereinement son procès pour corruption présumée. «Ce qui pourra sauver le pays et me sauver en me rendant ma dignité, c'est un jugement. Mais il faudrait que l'Etat ait le courage de se désengager de cette affaire et de laisser des juges honnêtes s'en occuper. On ne peut pas condamner quelqu'un sans preuve, et il n'y en a aucune contre moi. Il y a beaucoup de choses que je ne peux pas dire car je tiens à protéger mon pays, mais si j'y suis contraint, je parlerai. Si je suis jugé par les mêmes magistrats sélectionnés, je serai injustement condamné et emprisonné. Je ne serais pas surpris et je me suis préparé à cela», a-t-il indiqué. «Je me sens beaucoup mieux que pendant ma détention, j'ai été rassuré par mon médecin, ici à Paris, qui m'a confirmé l'excellence de l'intervention de ses confrères à Nouakchott. Ma santé s'améliore donc, même si je n'ai plus la même force qu'avant mon emprisonnement, durant lequel j'étais stressé», a-t-il reconnu à Jeune Afrique. «J'ai demandé la restitution de mes passeports, ce qui m'a été accordé rapidement. Je n'ai eu aucun entretien, ni avec le pouvoir judiciaire, ni avec le pouvoir exécutif.» «Avant même qu'une décision judiciaire ne soit rendue, la police avait vidé mes comptes et gelé tous mes biens, ainsi que ceux de mon épouse, de mes enfants, de mes proches et de certains de mes amis. Ce n'est qu'ultérieurement que le procureur a légalisé tout cela», a précisé l'ancien président qui réside actuellement à Paris. Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a dirigé la Mauritanie de 2008 à 2019 et est âgé de 65 ans, est sorti de sa maison pour saluer de la main les quelques personnes venues célébrer sa liberté de mouvement recouvrée. L'ex-chef d'Etat a été inculpé en mars 2021 en même temps qu'une dizaine de hautes personnalités pour des faits présumés de corruption, blanchiment d'argent, enrichissement illicite, dilapidation de biens publics, octroi d'avantages indus et obstruction au déroulement de la justice. Il a été placé en détention en juin suivant pour non-respect des mesures de son contrôle judiciaire et trouble à l'ordre public. Il a été relâché en janvier pour des raisons de santé, mais maintenu sous contrôle judiciaire. Le contrôle judiciaire imposé à ses co-inculpés a été levé en mars. Lui et ses fidèles crient au règlement de comptes. L'ex-président et les autres inculpés, parmi lesquels ses gendres, deux anciens premiers ministres et plusieurs anciens ministres et hommes d'affaires, sont à présent renvoyés par la justice devant un tribunal. Aucune date n'est encore fixée pour le procès. Elections locales Il a également critiqué la tenue des élections locales anticipées en février 2023, un scrutin dont le bon déroulement est incertain. «D'abord, je ne comprends pas qu'on organise des élections anticipées alors que l'état civil n'est pas prêt. La plupart de nos cartes d'identité arrivent à expiration et nous n'avons devant nous, paraît-il, que six à sept mois pour les renouveler. Certains n'auront pas les moyens de vote ce qui laisse présager que l'Etat ira vers la fraude», a-t-il pointé. «Sans compter que ce scrutin ne reflétera pas le paysage politique car plusieurs personnalités de l'opposition, dont les partis ont été dissous o jamais reconnus, ne peuvent y participer. Et la plupart des formations autorisées sont favorables au régime.» Pour lui, «nous allons participer à ces élections et faire ce que nous pouvons malgré ces handicaps. Soit l'Etat organise un scrutin libre et transparent, et dans ce cas il sauve le pays mais perd le pouvoir. Soit il prépare des élections truquées et il sera également perdant, mais mettra en dans la stabilité, voire pire, l'existence du pays. Dans les deux cas, il n'a aucun intérêt à tenir des élections aussi rapidement.» Corruption et autres reproches L'ancien président mauritanien se défend de toute malversation commise lors de ses mandats. «Absolument rien et je défie quiconque, Premier ministre, ministre ou directeur, de prouver qu'il a reçu un ordre de ma part contraire à la loi. Je n'ai jamais eu non plus à accorder un marché de gré à gré, ce n'était pas de mon ressort», a-t-il affirmé. Il se dit également hostile à tout déploiement de forces étrangères sur le sol mauritanien. «Pas dans le pays que j'ai laissé. De mon temps, il n'y avait même pas de Français, on a traité nous-mêmes nos problèmes de sécurité, avec nos moyens limités. Je ne souhaite pas que Wagner ou qu'un autre pays viennent faire le travail des Mauritaniens car personne ne peut le faire mieux qu'eux».