Le Maroc et l'Algérie, tout au moins tant que ce dernier pays a le régime qui est le sien depuis 1962, n'ont pas la même vision, ni les mêmes méthodes, ni le même style. Alger a des visées hégémonistes et croit pouvoir s'imposer en puissance continentale, Rabat privilégie le dialogue et la bonne entente avec ses voisins mais n'accepte aucune ingérence étrangère et ne laisse personne lui marcher sur les pieds. Dans ce bras de fer, ce n'est pas le Maroc qui est perdant. Dans sa croisade contre son voisin, le régime algérien a tout essayé, sans succès. Cependant, très tôt, la stratégie algérienne dans cette aventure hasardeuse a montré ses limites. Il a fallu essayer de concilier un objectif et une préoccupation contradictoires : harceler le Maroc sur le plan diplomatique tout en revendiquant un statut de simple observateur, d'une part ; d'autre part fomenter par miliciens interposés des «coups de main» à la sauvette suivis d'un repli vers le sanctuaire de Tindouf, mais sans engager l'armée algérienne, mis à part l'épisode d'Amgala, et en veillant à n'autoriser que des «frappes mesurées.» La stratégie algérienne a été un fiasco total tant sur le plan militaire que diplomatique. Les agressions téléguidées depuis le territoire algérien ne se sont jamais traduites par une victoire éclatante ou par un avantage sur le champ de bataille. Les plans algériens se sont également heurtés à des contraintes objectives, parmi lesquelles les ambitions limitées qu'ils se sont eux-mêmes imposés dans le but d'éviter une confrontation directe avec le Maroc. En politique extérieure, les résultats ne sont pas moins désastreux. Les manœuvres d'Alger ont été systématiquement mises en échec par l'habileté de la diplomatie chérifienne, intelligemment pensée par le défunt roi Hassan II et, depuis 1999, par le roi Mohammed VI. Neutralisé, ayant perdu toutes les batailles, Alger joue les prolongations sans espoir en s'en prenant pathétiquement aux maillots des joueurs de football. Le double langage, à la longue, est apparu intenable et, de toute évidence, ne pouvait pas prospérer. Acharnement contreproductif Longtemps, l'Algérie a joué de cette duplicité, aidée par le prestige dont jouissait la révolution algérienne. Aujourd'hui, le mythe algérien s'est effondré et, avec lui se sont envolées les utopies d'une gauche européenne complaisante. Paradoxalement c'est son acharnement contre le Maroc qui a révélé les tares du régime algérien. Petit à petit, il est apparu sous son vrai jour, loin de la phraséologie pseudo-révolutionnaire. L'image d'une Algérie «progressiste», «socialisante», «autogestionnaire» et «anti-impérialiste» a volé en éclats. Les amis d'hier, désemparés, ont découvert sous le vernis et les slogans un régime autoritaire, un «système» opaque, un appareil militaro-sécuritaire dictatorial mafieux et corrompu. Entretemps, le pays a connu une guerre civile sanglante, qui a fait plus de victimes que la guerre de libération et laissé des traces indélébiles. La militarisation du régime, auparavant discrète, s'affiche au grand jour et sans retenue. La présence systématique et constante du chef d'état-major aux côtés du président de la république dans tous les événements officiels civils n'en est que la manifestation la plus apparente. Entretemps aussi, un président a été assassiné en direct dans des circonstances qui n'ont jamais été élucidées, des élections ont été boycottées et truquées, la fronde populaire (hirak) contenue mais pas neutralisée. Enfin, dernier choc en date, les Kabyles ont internationalisé leur revendication et franchi un pas irréversible en proclamant la naissance de la République. Le régime d'Alger aura beau essayer d'ouvrir des fronts de diversion, d'accuser le Maroc, «ennemi classique» ou de fustiger l'«entité sioniste», rien n'y fera. Le régime algérien perd la tête. Un dirham = 13,33 dinars dz Il faut dire que les dirigeants algériens ont tout fait pour se mettre dans l'embarras et, du même coup, mettre leur pays dans la situation peu enviable dans laquelle il se trouve. Totalement obnubilés par leur haine viscérale du Maroc à la destruction duquel ils se sont mobilisés et voués corps et âme, ils ont oublié de gérer l'Algérie. Eux-mêmes ne brillant pas par une intelligence exceptionnelle, ils ont fait appel à des civils semblables, médiocres et sans envergure. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir les discours et allocutions officiels, les déclarations et points de presse. Le niveau, pour tout dire, vole au ras des pâquerettes. Mais il suffit surtout de voir l'état actuel de délabrement de l'économie du pays. Un indice éloquent, le taux de change du dinar algérien. Il fut un temps où un dinar valait un dirham marocain. Aujourd'hui, il faut 13,33 dinars pour un dirham. Voilà une vérité insupportable et insoutenable, le nif en prend un coup. L'Algérie, entre autres réalisations révolutionnaires qu'elle a réussi à accomplir, est le seul pays exportateur d'hydrocarbures, avec le Venezuela, dont la monnaie a vertigineusement dégringolé et continue de plonger dans les abîmes. La chute du bolivar vénézuélien et du dinar algérien ont une seule cause, un management déficient. Incompétence des responsables, mauvaise gestion, corruption, les ingrédients d'une politique économique désastreuse sont réunis. Les Algériens, à de rares exceptions, ne sont pas fiers de leurs gouvernants. «Nous méritons mieux» soupirent les plus lucides parmi mes amis algériens. Pratiquant l'autodérision, ils épinglent les lapsus de leurs dirigeants, leurs sorties de route ainsi que leurs déclarations loufoques ou invraisemblables. C'est que la réalité est là, amère et frustrante, elle est présente dans le quotidien de la population algérienne. Quel est le pays pétrolier dont la population a perdu toutes ses illusions et ne rêve que d'émigrer à tout prix ? Ex-aequo, l'Algérie et le Venezuela, encore une fois. Les slogans (creux) sont presque les mêmes dans les deux pays. Au Venezuela, Nicolas Maduro s'exclame : «Le Venezuela est un type nouveau de démocratie.» Les Vénézuéliens lui ont répondu en votant avec leurs pieds, les plus aisés sont partis à Miami, les autres essaient de passer la frontière colombienne. Le régime algérien, pour sa part, parle d'«Algérie nouvelle», sans préciser en quoi elle serait nouvelle. Les Algériens, tout au moins en grande partie, n'ont pas voté. Beaucoup tentent le hrig, au péril de leur vie. Les Kabyles, de leur côté, non seulement n'ont pas pris part aux élections mais ils ont largué les amarres et proclamé leur république. Bilan désastreux Les dirigeants s'obstinent, le pays s'enfonce. Les décisions hâtives et irréfléchies se multiplient, rythmées par les crises et les ruptures avec les pays voisins et ponctuées de fières déclarations mensongères et d'annonces de victoires diplomatiques fictives. Voilà le prix que les Algériens doivent payer aux maladresses, aux erreurs et aux fautes de leurs gouvernants. Jusqu'à présent, les dirigeants algériens n'ont pas brillé par leurs performances économiques et commerciales et leurs fanfaronnades ne semblent pas impressionner grand monde, à commencer par le Mali et le Niger. En froid avec pratiquement tous ses voisins, à des degrés variables, sans amis ni alliés vrais, sans poids international ni influence malgré son gaz et son pétrole, le régime algérien, se rapproche doucement mais sûrement du statut de «paria» infréquentable. Ses propres amis n'ont pas voulu ou pu l'aider à rejoindre le groupe des BRICS. L'accumulation des échecs ne semble pas émouvoir la classe dirigeante en Algérie. Pourtant, chacune des tentatives algériennes de porter atteinte à l'intégrité territoriale du Maroc ou d'ébranler ses institutions s'est soldée par un retour douloureux de bâton. Régulièrement, la réaction marocaine a été ferme et vigoureuse, souvent là où Alger l'attend le moins. Lorsque le régime algérien verse dans la provocation ou se fend de communiqués incendiaires, le Maroc fait preuve de sérénité et prend son temps. Discrètement, il rend coup sur coup, marque des points et avance inexorablement ses pions. Le Maroc ne perd pas son temps dans les broutilles et ne s'égare pas dans les polémiques stériles. Il opère dans d'autres sphères et en mode sophistiqué. Résultat, le piège que le régime algérien a voulu tendre au Maroc s'est peu à peu refermé sur l'Algérie. La patience paie, la méthode marocaine est redoutablement efficace. Aujourd'hui, le monde entier sait de quels voisins nous sommes affligés. À force de vouloir couler leur voisin, les dirigeants algériens ont coulé leur pays, sans que le Maroc n'y contribue directement. Mais, tôt ou tard il y aura une prise de conscience et elle ne peut venir que du Maroc.