Le coût du Velcade, molécule de référence dans le traitement du myélome multiple et du lymphome à cellules du manteau, a franchi cette année le seuil de 10 626 dirhams la dose, contre environ 7 000 dirhams à la fin de 2023, soit une augmentation de plus de 51 %. Cette inflation vertigineuse interroge la soutenabilité des soins dans le domaine des maladies chroniques et met en évidence une dérive aux conséquences sanitaires redoutables. Le bortézomib (BTZ), principe actif du Velcade, agit comme inhibiteur du protéasome en bloquant la dégradation des protéines à l'intérieur des cellules cancéreuses, ce qui provoque leur apoptose programmée. Sa valeur thérapeutique est indiscutable : il a permis, depuis son introduction au début des années 2000, d'allonger la survie des patients atteints de myélome multiple de plusieurs années. Or, la multiplication des cures nécessaires – parfois huit à dix injections successives dans un même cycle thérapeutique – transforme chaque patient en débiteur d'un traitement dont le coût cumulé peut dépasser largement cent mille dirhams par an. Cette escalade tarifaire ne résulte pas d'un progrès technique récent, mais d'une logique marchande qui s'attache à prolonger les brevets et à contrôler la distribution. Scientifiquement, le Velcade n'a pas subi d'innovation de formulation justifiant une telle revalorisation. Economiquement, l'argument de la rareté est caduc : la molécule est connue, sa production est maîtrisée et son prix de fabrication est dérisoire au regard de sa tarification publique. Le paradoxe est cruel : plus un traitement s'avère efficace, plus son accès se restreint. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pourtant classé le bortézomib parmi les médicaments essentiels dans la lutte contre les cancers hématologiques. Or, au Maroc, son prix croissant en fait un produit d'élite, éloignant la perspective d'une prise en charge équitable des patients. Les maladies chroniques, par définition, requièrent une exposition longue et répétée aux traitements. L'inflation des coûts dans ce domaine n'est pas une question secondaire : elle conditionne directement la survie. Lorsque le prix d'une injection dépasse dix mille dirhams, le soin devient un privilège. La médecine se trouve alors pervertie dans sa finalité première, qui est de soigner sans distinction.