Alors que le Royaume-Uni réfléchit encore avant accorder son adoubement politique au projet Xlinks, destiné à relier les gisements solaires marocains au réseau britannique par un câble sous-marin, l'industriel australien Andrew Forrest multiplie les entretiens de haut niveau à Londres, sans qu'il soit possible à ce stade de déterminer s'il appuiera ce chantier ou s'il prépare un projet concurrent. Ce flou stratégique laisse planer une incertitude sur la configuration finale du corridor énergétique entre Rabat et Londres. L'homme d'affaires australien Andrew Forrest, président de Fortescue Metals Group (FMG), s'est récemment entretenu à Londres avec le ministre britannique de l'Energie, Ed Miliband, autour d'un projet de corridor électrique destiné à relier les vastes étendues solaires marocaines au réseau énergétique du Royaume-Uni. Il aurait mené ses délibérations avec le concours de Leïla Benali, ministre marocaine de la transition énergétique et du développement durable, prétend savoir la presse britannique. Ce projet titanesque, fondé sur un câble sous-marin de plus de 4 000 kilomètres, œuvre à faire transiter l'électricité produite au Sahara jusqu'au sud de l'Angleterre. Fortescue, société historiquement tournée vers l'extraction minière, s'est réorientée sous l'égide de son fondateur vers les technologies propres, dans une volonté affichée de rompre avec la dépendance mondiale aux combustibles fossiles. Xlinks ou une initiative concurrente : les intentions de Forrest demeurent floues Dans le même élan, le gouvernement britannique a récemment confirmé le statut de «projet d'importance nationale» accordé au câble sous-marin de l'entreprise Xlinks, présidée par Dave Lewis, ancien dirigeant de Tesco. Cette infrastructure se propose d'acheminer, d'ici à 2030, l'électricité solaire et éolienne marocaine vers sept millions de foyers britanniques. L'approbation directe par le pouvoir central permettra de court-circuiter les lenteurs des instances locales. Toutefois, le chantier de Xlinks demeure tributaire de plusieurs obstacles de taille : obtention de financements supplémentaires, fixation de tarifs de long terme, et surtout autorisation de passage dans les eaux territoriales françaises et espagnoles. Son coût est actuellement estimé entre 20 et 22 milliards de livres sterling (environ 254 à 279 milliards MAD). Dans ce contexte, le positionnement d'Andrew Forrest reste indéterminé. L'homme d'affaires australien, par ailleurs engagé dans un partenariat avec l'Office chérifien des phosphates (OCP) pour la production d'hydrogène vert et d'ammoniac décarboné, n'a pas encore précisé s'il entendait appuyer le projet de Xlinks ou proposer une infrastructure distincte. Certains observateurs n'excluent pas qu'un second corridor concurrent soit annoncé dans les mois à venir, sous bannière industrielle propre. Benali en promotrice résolue de l'offre marocaine Leïla Benali était également présente à Londres à la fin du mois d'avril, à l'occasion du Sommet sur l'avenir de la sécurité énergétique. Devant un auditoire composé de décideurs européens et d'industriels, elle a souligné que «l'état actuel des infrastructures mondiales impose des ruptures profondes», appelant à une recomposition globale des circuits énergétiques, articulée autour des complémentarités entre pays producteurs et consommateurs. Forrest, entre reconnaissance internationale et ambitions continentales Andrew Forrest, dont la fortune est estimée à quinze milliards de dollars (environ 147 milliards MAD), a récemment figuré au classement des cent personnalités les plus influentes publié par Time Magazine, en reconnaissance de son engagement philanthropique et de sa volonté de transformer FMG en fer de lance de l'énergie décarbonée. Outre ses fonctions au sein du groupe, il préside avec son épouse Nicola Forrest la fondation Minderoo, tout en dirigeant le fonds d'investissement Tattarang Capital. Malgré l'annonce publique de leur séparation en juillet 2023, les deux époux ont réaffirmé que cette évolution n'aurait aucune incidence sur la gouvernance de leurs structures économiques et caritatives. Le groupe FMG conserve en effet une ligne stratégique unique : «devenir le chef de file mondial des métaux et énergies à faible intensité carbone.»