Le Parlement européen a approuvé, jeudi 16 mai en première lecture, le règlement COM(2025)0034 prévoyant une élévation graduée des droits de douane sur les importations d'engrais azotés en provenance de la Fédération de Russie et du Bélarus, avec pour objectif déclaré de tarir une source de revenus jugée cruciale pour l'effort de guerre de Moscou contre l'Ukraine. Ce vote intervient dans le cadre de la procédure législative ordinaire (2025/0021(COD)). «Nous devons tarir toute manne économique susceptible de nourrir la machine militaire russe», a affirmé la rapporteur du texte, Inese Vaidere (PPE), soulignant que cette décision s'inscrit dans une volonté plus large de réduire la vulnérabilité stratégique de l'Union en matière d'approvisionnement agricole. Une transition tarifaire étalée sur trois ans Les importations d'engrais azotés en provenance de Russie ont atteint, en 2024, quelque 4,4 millions de tonnes, représentant une valeur estimée à 1,5 milliard d'euros. Ce volume correspond à près d'un tiers des importations totales de l'UE en cette matière. À ces flux s'ajoutent ceux transitant par le Bélarus, que la réglementation entend également englober, afin de prévenir toute tentative de contournement. L'architecture du texte repose sur une montée en charge échelonnée des tarifs douaniers sur trois années, conjuguée à un mécanisme de surveillance des prix de marché. Ce dernier, assorti de clauses de sauvegarde, permettra d'ajuster les dispositifs en cas de hausse jugée préjudiciable pour la rentabilité des exploitations agricoles. L'Union, confrontée à un recul notable de sa production interne d'engrais (14 millions de tonnes en 2023 contre 18 millions en moyenne entre 2017 et 2022), dispose néanmoins d'une capacité dormante estimée à trois millions de tonnes. La Commission table sur une mobilisation progressive de ce potentiel industriel. Le Maroc parmi les fournisseurs appelés à jouer un rôle accru Dans sa déclaration annexée au rapport parlementaire, Mme Vaidere mentionne expressément plusieurs Etats tiers considérés comme partenaires d'approvisionnement crédibles, parmi lesquels figurent l'Egypte, l'Algérie, la Norvège, le Sultanat d'Oman, les Etats-Unis — et le Maroc. «Le Maroc (…) occupe une place non négligeable dans la cartographie des alternatives, notamment grâce à ses ressources en phosphates et ses infrastructures portuaires consolidées», peut-on lire dans le texte explicatif. La réglementation adoptée couvre également les 15 % de produits agricoles russes jusqu'alors épargnés par les précédentes vagues tarifaires. Les nouveaux droits, qualifiés de «prohibitifs», visent à en interrompre l'afflux vers le marché européen. L'argument de la sécurité alimentaire est brandi comme justification majeure : «Une dépendance commerciale envers des puissances hostiles affaiblit non seulement notre autonomie stratégique, mais expose aussi nos filières à d'éventuelles pressions coercitives», a déclaré Bernd Lange (S&D), président de la commission INTA. Le texte prévoit enfin une série de dispositions incitatives en faveur d'une agriculture circulaire, encourageant le recours accru aux fertilisants d'origine organique, issus notamment des flux de déchets recyclés. La Commission devra, selon l'article 2 modifié du règlement, publier mensuellement les indices de prix des produits listés à l'annexe II, en coordination avec l'Observatoire européen du marché des engrais et l'EBAF (European Board on Agriculture and Food). Le règlement, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2025, attend désormais sa validation formelle par le Conseil de l'Union européenne.