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Les camps de Tindouf sont devenus un «foyer de recrutement djihadiste» et «un carrefour des réseaux extrémistes du Sahel», s'alarme le puissant groupe de réflexion américain FDD
La région du Sahara, longtemps marginalisée dans les débats internationaux, fait de nouveau l'objet d'une vive alerte sécuritaire, cette fois émanant de l'Institut américain Fondation pour la défense des démocraties (FDD), à travers une tribune signée par le chercheur Ahmad Sharawi dans The National Interest, datée du 9 juin. Dans une analyse nourrie de références précises, l'auteur met en garde contre ce qu'il qualifie d'«évolution alarmante» du Front Polisario, mouvement séparatiste soutenu par l'Algérie, qui aurait selon lui basculé d'un nationalisme tiers-mondiste vers une dangereuse proximité avec des réseaux djihadistes internationaux. «Quelle que soit la position que l'on adopte sur la question des indépendances nationales, le Maroc apparaît aujourd'hui comme le dernier rempart contre la transformation du Sahara occidental en sanctuaire d'agitation islamiste», écrit-il. À ses yeux, une entité contrôlée par le Polisario représenterait «une source directe d'instabilité pour l'ensemble de l'Afrique du Nord». M. Sharawi affirme que de nombreux pays partagent désormais ce diagnostic. Après les Etats-Unis, la France et Israël, le Royaume-Uni aurait, selon lui, officiellement reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara. Même la Syrie, jadis proche alliée de Téhéran, aurait «expulsé» la représentation du Polisario «il y a quelques jours», rejoignant ainsi, de facto, le camp de Rabat. Connivences idéologiques et projets opérationnels L'analyste établit également des liens précis entre les dirigeants du Polisario et le Hezbollah, sur la base d'informations publiées par le quotidien allemand Die Welt, notamment des écoutes téléphoniques attribuées à Mustafa Muhammad Lemine Al-Kitab, chargé des relations avec la Syrie. Celui-ci y exprimerait «sa solidarité idéologique avec l'axe de la résistance iranienne», allant jusqu'à saluer «l'attaque du 7 octobre contre Israël» et appeler à une action coordonnée incluant Gaza, le Liban-Sud, le Golan et «même le Sahara occidental». Il aurait même sollicité «le soutien opérationnel de l'Iran et du Hezbollah pour viser l'ambassade israélienne au Maroc». De son côté, le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, a accusé l'Iran de fournir des drones kamikazes à des «entités séparatistes extrémistes, dont le Front Polisario, dans le but manifeste de déstabiliser la région arabe». Une déclaration publique datant de 2022 laissait déjà entendre, selon M. Sharawi, que Téhéran avait entrepris de «réarmer le Polisario» par l'intermédiaire de cette technologie. Des camps devenus foyers d'agitation Si le Front Polisario s'est longtemps prévalu d'un idéal laïc inspiré du marxisme et soutenu par Cuba et la Libye de Kadhafi, «la réalité actuelle est tout autre», déplore M. Sharawi. Il affirme que les camps de Tindouf, situés dans le sud-ouest algérien et sous contrôle exclusif du Polisario, sont devenus un «foyer de recrutement djihadiste» et «un carrefour des réseaux extrémistes du Sahel». Il évoque à cet égard la trajectoire d'Adnan Abou Walid al-Sahraoui, ex-combattant du Polisario devenu chef de l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), abattu au Mali en 2021 par les forces françaises. Il cite également l'émergence dans ces camps de cellules telles que Fath al-Andalous en 2008 et Khilafah en 2009, cette dernière ayant prêté allégeance au groupe Etat islamique (EI). Un rapport des services allemands de sécurité intérieure indiquerait que «l'Etat islamique et Al-Qaïda circulent sans entrave entre les camps de Tindouf et l'aire sahélo-saharienne». La fin d'un mythe pacifique M. Sharawi rappelle que c'est le Polisario qui a rompu unilatéralement le cessez-le-feu en 2020, mettant fin à 29 années de calme relatif. Depuis, de nombreuses attaques auraient visé des civils marocains. À cela s'ajoutent, selon un témoignage livré au Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU), des cas de recrutement forcé d'enfants dans les camps où l'éducation serait systématiquement entravée au profit d'un endoctrinement militaire. Face à ces accusations, certains milieux hostiles à Rabat continuent de réclamer un retour à la position américaine de 1991, fondée sur un projet de référendum onusien. Pour M. Sharawi, cette exigence appartient désormais au passé : «Les faits sur le terrain ont changé. Le Front Polisario n'est plus un simple mouvement indépendantiste. Il est devenu l'allié de nos adversaires : l'Iran, le Hezbollah, et les réseaux salafistes armés.» «Remettre en cause le soutien américain au Maroc, dans le contexte actuel, reviendrait à fragiliser un partenaire stratégique dans la lutte contre le terrorisme. Le temps de l'impunité doit prendre fin», a conclu l'analyste.