Un rapport publié mardi 23 juin par l'Internationale Politik und Gesellschaft (IPG) exhorte l'Union européenne (UE) à jouer un rôle beaucoup plus actif dans le règlement du différend entre le Maroc et l'Algérie, considérant que la rivalité entre ces deux pays compromet directement les ambitions de Bruxelles en matière de sécurité, d'approvisionnement énergétique et de maîtrise des flux migratoires. Une rupture aux conséquences multiples Dans ce document intitulé «L'Europe doit cesser de se bercer d'illusions», les auteurs relèvent qu'«en adoptant une attitude trop distante à l'égard du contentieux entre Rabat et Alger, l'UE expose sa propre crédibilité ainsi que ses intérêts vitaux à de graves aléas». Ils rappellent que la rupture des relations diplomatiques entre les deux capitales, survenue le 24 août 2021 sur décision du ministre algérien des affaires étrangères à la suite d'un regain de tensions autour du Sahara, «s'est déjà traduite par des perturbations tangibles pour l'Europe, à l'image de l'arrêt du gazoduc Maghreb-Europe en novembre 2021 et de la perte d'un canal privilégié d'échange d'informations en matière de lutte antiterroriste et de prévention des migrations irrégulières». Le rapport IPG souligne que ce gel des contacts entre Rabat et Alger a «érodé les fondements d'une coopération indispensable à la stabilité du pourtour méditerranéen» et met en garde contre le risque d'escalade : «l'embrasement du conflit israélo-palestinien en 2023 rappelle qu'une crise régionale apparemment circonscrite peut dégénérer sans préavis en une conflagration aux conséquences incalculables». Intégrer le bon voisinage dans le nouveau pacte méditerranéen S'appuyant sur une analyse approfondie de la situation, le texte indique que «l'UE ne peut se contenter d'entretenir des relations bilatérales séparées avec le Maroc et l'Algérie sans jamais aborder frontalement le nœud du désaccord entre ces deux partenaires». Il recommande au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) d'«inscrire la question d'un apaisement entre Rabat et Alger au cœur d'un nouveau pacte pour la Méditerranée», en y intégrant la notion de bon voisinage, telle qu'elle est déjà consacrée dans le cadre des négociations d'adhésion aux Balkans occidentaux. La publication préconise en outre la promotion d'espaces discrets de dialogue, rassemblant universitaires, entrepreneurs, intellectuels et responsables associatifs marocains et algériens, sous l'égide d'organisations régionales à vocation technique comme l'Union pour la Méditerranée (UfM), qui a déjà permis la tenue de réunions associant des experts des deux pays sur des sujets d'intérêt mutuel. Financer la confiance entre les sociétés civiles Le rapport suggère enfin aux instances européennes d'«octroyer des financements aux initiatives visant à rétablir la confiance entre les sociétés civiles des deux rives» pour contrecarrer la diffusion d'un discours de haine qui «alimente le ressentiment à la base». La conclusion du document IPG est sans appel : «L'Europe ne peut plus se payer le luxe d'ignorer ce conflit. Plutôt que de le percevoir comme insoluble, il lui incombe d'en faciliter le règlement, étape par étape, en misant sur une diplomatie discrète et résolue».